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Cold Bath: déconstruire les normes de genre par la musique

Cold Bath: déconstruire les normes de genre par la musique

Auteurice Paloma Lopez, 12 mars 2019

Le groupe genevois sort un nouveau titre tout frais aux sonorités mêlant une pop douce et un rock nostalgique, «Everything Everything», premier single de leur deuxième album Something Left. Interview avec Alex Merlin, guitariste et chanteur du groupe.

«L’art est un espace dans lequel la violence, la frustration et bien d’autres choses peuvent s’exprimer librement. L’artiste est autant responsable de ce qu’il transmet que le public qui l’écoute et l’interprète.»  Alex Merlin

Cold bath est un groupe de musique créé à Genève il y a 4 ans. Il est composé de 4 membres. Jeremy Spagnolo, à la guitare, «infiniment généreux et sympa», nettoie et entretient les instruments de chacun. Baptiste Paracchini, «la force tranquille et bienveillante du groupe», est à la batterie et gère la logistique des déplacements ainsi que la trésorerie. A la basse, CJ Nicholson est «sauvage, sauvage et sauvage». Enfin, Alex Merlin, un guitariste qui «maltraite son instrument régulièrement» afin que Jeremy puisse s’en occuper, est aussi le chanteur du groupe.

© Leo Lacan – Baptiste Paracchini

«L’histoire du groupe véhicule une véritable émotion, et les rêveries fantasmées du premier album laissent place à une réalité plus ancrée dans le présent.» AM

En 2017, ils sortent leur premier album Nomad, suivi de Something Left en 2019, un album plus mûr et plus adulte. Pour Cold Bath, la musique est un puissant vecteur d’informations. Cependant, c’est l’auditeurTRICE, par son interprétation, qui tranchera sur l’impact d’une œuvre.

Leurs influences sont très variées, allant d’artistes suisses comme L’Eclair, Chien Bleu, H E X, Coilguns ou encore Les Invertébrés, à des artistes aux travaux très différents comme David Lynch, Virginie Despentes, Charles Bukowski, Shigeru Mizuki, Laïa Gonzalez Ribalda, Manu Larcenet ou encore Lou Ciszewski.

DécadréE: Quels sont les thèmes abordés dans Something Left? Par rapport à votre premier album, voyez-vous une évolution dans votre musique ou dans les thèmes que vous traitez?

Alex: J’ai comme l’impression qu’entre le premier et le deuxième album, nous sommes devenus adultes. Le groupe est passé par de très belles aventures, par un nombre incalculable de concerts, mais aussi par des moments très compliqués où nous avons su nous écouter, avancer et prendre les bonnes décisions pour le bien du projet. Et ce sont des choses qui se ressentent dans la musique. Je ne saurais dire s’il y a eu une évolution. Cependant, c’est certain qu’il y a eu du changement, et c’est autour de cela que s’articule Something Left: l’idée que quand quelque chose s’en va, se perd, il en reste toujours des vestiges.

DécadréE: Comment l’inspiration t’est-elle venue pour cet album? As-tu des figures connues ou moins connues qui te servent d’exemples et qui te poussent à continuer dans la musique?

Alex: J’ai découvert un groupe de punks anglais qui ont l’apparence de brutes épaisses et qui s’avèrent défendre dans leurs textes un monde dans lequel les hommes se laisseraient aller à leur sensibilité pour un monde meilleur. Ils hurlent un besoin de liberté, de respect universel au-delà des apparences, du genre et de l’orientation sexuelle, et cela m’a aidé à avancer et à déconstruire mes idées reçues. Le groupe s’appelle Idles, il est magnifique, et je l’aime d’un amour infini.

DécadréE: Quel(s) message(s) avez-vous voulu faire passer avec votre titre «Everything Everything»?

Alex: Il m’arrive de me faire insulter tout à fait gratuitement dans la rue, et ce à cause de ma simple apparence androgyne. Certaines personnes se permettent de spéculer sur mon orientation sexuelle en un clin d’œil et de tenir des propos injurieux sans aucune gêne. Il suffit d’être un garçon, de porter des cheveux longs, des chaussettes roses et un peu de vernis à ongles et c’est récurrent.
Dans le morceau, je parle donc de la conscience des autres, de soi, de l’infiniment grand, de l’infiniment petit, du tout et du rien. De cette capacité à prendre conscience de sujets aussi abstraits propres à l’être humain. A ça, je mêle ces histoires d’insultes et de violences gratuites que j’ai subies venant de gens pour qui, dans l’immensité de l’univers, cela importe tellement que je porte du vernis à ongles qu’ils estiment que cela mérite bien quelques insultes à la volée.

 

«Je ne pense pas qu’on soit définis par une seule attitude, une seule apparence, mais que nous sommes tous faits de soi multiples et variés.» AM

 

© Leo Lacan – Alex Merlin

DécadréE: Que signifie pour toi la symbolique du miroir? A la minute 3:12 du clip «Everything Everything», tu casses un miroir, un geste fort. Qu’avez-vous voulu exprimer à travers cette image?

Alex: Le morceau traitant de la conscience de soi et des autres, la symbolique du miroir était une évidence à exploiter. Quant à la destruction du miroir, c’est une idée du réalisateur qui m’a beaucoup plu.
Déjà, l’idée de flirter avec la superstition et d’endosser les fameux sept ans de malheur m’est plaisante. Mais le cœur du propos est dans la rébellion, dans la prise de pouvoir sur la façon dont on se voit et dans la conscience de qui on est. Au-delà de ce que le miroir reflète, c’est ce que notre esprit reflète de nous qu’il faut soigner, aimer et cultiver.
Comme le chante le groupe Idles chante dans son morceau «Television»: «I go outside and I feel free, ‘cause I smash mirrors and fuck tv.»

 

© Leo Lacan – Les couples de jumeaux

 

DécadréE: Pourquoi avoir utilisé des jumeaux dans ce clip? Qu’est-ce que cela signifie?

Alex: Les jumeaux sont des reflets matérialisés d’eux-mêmes, c’est une continuité de la thématique du miroir. Dans le clip, il y a 12 jumeaux. C’était génial d’en avoir autant sur un même plateau. A l’image le rendu est puissant et appuie le titre du morceau qui double le mot «Everything». Comment développer son individualité quand quelqu’un nous ressemble tant et est en fait une partie de nous-même? Comment développer son individualité et son identité au milieu de 7 milliards d’êtres humains? Gandhi disait: «Tous les Hommes sont frères.»

 

«La Geisha ne transcende pas les normes genrées de la société. Cependant, un homme en Geisha oui.»  AM

 

© Leo Lacan – Alex Merlin en Geisha

DécadréE: Le clip déconstruit la masculinité hégémonique ainsi que la virilité en les questionnant à travers le travestissement. Peux-tu nous en dire un peu plus à ce sujet?

Alex: Je voulais incarner à l’écran un symbole de féminité. Je me sens très proche de certaines valeurs, attitudes ou propriétés que l’on a culturellement tendance à associer aux femmes: sensibilité, érotisme, douceur, bienveillance et esthétisme. En me travestissant, je brise les codes de ce que doit être et représenter un garçon «normal» et m’affirme comme étant aussi un héritier des valeurs précédemment mentionnées, au-delà de mon genre et de ma sexualité. Les femmes et la communauté LGBTQ sont victimes au quotidien d’injustices banalisées dues au patriarcat, c’est une évidence.
J’aime souligner que les hommes sont eux aussi victimes du patriarcat et de la virilité sous divers aspects, surtout entre eux, surtout pour eux. J’encourage toute personne dotée d’un sexe masculin à cultiver son écoute, sa bienveillance ou sa sensibilité afin d’apprendre à mieux se connaître pour mieux vivre avec les autres, loin des carcans de la virilité et de la masculinité toxique. The Cure chantait «Boys don’t cry», et il est temps que ça change.

DécadréE: Pour quelles raisons est-ce important de déconstruire les genres qui sont naturalisés dans le quotidien?

Alex: Pour offrir une place digne et respectable dans le monde à chaque individu, qu’importent son orientation sexuelle, son genre et son origine.

Pour écouter Cold Bath et leur dernier album Something Left:

  • Rendez-vous sur les plateformes Spotify, iTunes, Deezer, et YouTube.
  • Leur prochain concert aura lieu le 2 mai à Unilive, le festival de l’Université de Lausanne.

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