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James Marion Sims, “père de la gynécologie”, à quel prix ?

James Marion Sims, “père de la gynécologie”, à quel prix ?

Auteurice Iris Bouillet, 10 janvier 2018

Considéré comme le père de la gynécologie états-unienne et l’inventeur d’un outil dont se servent aujourd’hui encore les médecins lors d’un examen du vagin – le spéculum – la réputation de James Marion Sims se voit pourtant être l’objet de plus en plus de controverses. Son passé de tortionnaire aurait-il quelque chose à voir avec cette renommée entachée ?

James Marion Sims fonde en 1855, à l’âge de 32 ans, son hôpital privé pour femmes, le premier de ce type aux États-Unis. Il permettra des avancées majeures dans le domaine de la gynécologie états-unienne. Les succès seront largement reconnus, qu’en est-il des méthodes utilisées pour parvenir à ses fins ? En effet, dans le but d’inventer un remède à une maladie incurable à cette époque et touchant les femmes, James M. Sims aura recours à des esclaves sur lesquelles il performera sans anesthésie.

Nous sommes avant le milieu du dix-neuvième siècle : les femmes souffrant de fistules vésico-vaginales – constitution d’une communication anormale entre le vagin et la vessie – subissent une vie d’exclusion, sans remède possible. En effet, les conséquences sont lourdes pour ces femmes qui souffrent d’une incontinence permanente, embarrassées par les odeurs qu’elles ne peuvent retenir. Honte et humiliation à l’encontre de ces femmes – souvent rejetées par leur époux et la société – sont pratiques courantes. Et si la situation se dégrade, elles peuvent mourir suite à une infection. Aucun traitement n’étant disponible à cette époque, les femmes qui se voient diagnostiquer cette « maladie » peuvent à raison s’inquiéter.

 

Le visage du héros de la gynécologie

James Marion Sims, qui vit à cette époque, aura un impact majeur sur ces femmes condamnées par la maladie. D’abord, il développera des instruments de gynécologie encore utilisés à ce jour. De plus, il révolutionna la chirurgie pour soigner les fistules vésico-vaginales, sauvant les femmes atteintes d’une vie d’abandon et de honte…et d’une possible mort. Ce sera ce même Monsieur Sims qui réalisera la première insémination artificielle réussie. Sa réputation de « Père de la gynécologie » ainsi que la statue qui lui est dédiée trônant face à la New York Academy of Medicine semblent donc plus que légitime !

 

Le visage moins sympathique

Ce que l’histoire a longtemps négligé, c’est pourtant l’autre visage de James Marion Sims. En effet, dans le but de trouver des solutions miracles aux problèmes des femmes, il lui a fallu expérimenter et opérer sur environ une douzaine d’esclaves noires, dont l’une d’entre elle a subi trente opérations en l’espace de trois ans afin de permettre à M. Sims de perfectionner sa technique[1]. Le fait que ces femmes étaient consentantes reste aujourd’hui largement remis en question… Parmi les esclaves, des jeunes, dont l’une de 14 ans.

C’est ce qui explique les manifestations, en août 2017, à l’encontre de la statue du docteur. En effet, un groupe de militantEs entre 18 et 35 ans, surnommé The Black Youth Project 100, a mené une action afin que la statue soit retirée. Pour expliquer leur attaque, le groupe mentionnait dans un post facebook l’absence d’anesthésie par le docteur car selon lui : « les femmes noires ne ressentent pas la douleur ».

La médecine a progressé, a fait des avancées impressionnantes, mais à quel coût ? Il est important de le savoir. En effet, la controverse n’est pas claire comme dans le cas des pratiques nazies envers les détenuEs juifs et juives qui déclenchèrent un scandale après la Seconde Guerre Mondiale[2]. Il reste des zones de floues quant au consentement de ces jeunes femmes. Plusieurs spécialistes avancent en effet que puisqu’il n’existait aucun traitement, ces femmes n’avaient rien à perdre et auraient donné leur corps à la médecine de plein gré. On peut alors se demander pourquoi seulement des femmes noires, qui plus est esclaves, auraient fait ce choix. D’autre part, les raisons de la non-utilisation d’anesthésiant par le médecin ne sont pas complètement claires non plus. Selon certainEs expertEs, l’anesthésie n’était pas une pratique fiable à cette époque, d’où certaines réticences quant à son utilisation[3].

La question éthique reste ouverte : les avancées médicales au détriment de la vie de certainEs valent-elles la peine ? Et quelLEs sont ces certainEs ? Car il s’agit dans la plupart des cas d’une population minoritaire, fragilisée, exploitée.

 

 

[1] L. Brown DeNeen. “A surgeon experimented on women without anesthesia. Now his statues are under attack”, in : The Washington Post, mis en ligne le 29/08/2017. URL : https://www.washingtonpost.com/news/retropolis/wp/2017/08/29/a-surgeon-experimented-on-slave-women-without-anesthesia-now-his-statues-are-under-attack/?utm_term=.ac5379ffb7e7.

[2] Les expériences médicales nazies : https://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=25

[3] L.L Wall. “The medical ethics of Dr J Marion Sims : a fresh look at the historical record”, in : National Center for Biotechnology Information, mis en ligne en 06/2017. URL : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2563360/

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2563360/

 

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