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Une revendication au musée

Une revendication au musée

Auteurice Erica Berazategui, 29 novembre 2022
Illustrateurice Elizabeth M

Le musée n’a jamais été un endroit sympathique pour moi: petite, je traînais les pattes lorsqu’on m’emmenait visiter des expos et bien généralement, je terminais assise à attendre le reste de la troupe. Et pourtant, en grandissant et après quelques discussions avec ma sœur, qui a suivi un master en muséologie, j’ai compris que le musée est bien plus qu’un simple lieu d’exposition d’œuvres parfois douteuses. Et si c’était même un lieu de revendications?

Le festival les Créatives proposait lors de cette édition deux événements dans des musées. Le premier était une table ronde à propos de l’urgence climatique au Musée d’ethnographie de Genève (MEG) et le second, une revisite du Musée d’Art et d’Histoire de Genève (MAH) avec Julie Beauzac, réalisatrice du podcast Vénus s’épilait-elle la chatte, et Loyse Graf, médiatrice culturelle au MAH. Et tiens, c’est intéressant, ce sont les seuls événements qui ont pris place dans des institutions muséales…

Commençons par le commencement: ça sert à quoi les musées? Si on se réfère à la nouvelle définition des musées proposée en août dernier par le Conseil International des Musées (ICOM), le musée est «au service de la société (…) ouvert et inclusif, il encourage la diversité et la durabilité, avec la participation de diverses communautés. (Il) offr(e) à ses publics des expériences variées d’éducation, de divertissement et de partage de connaissances.» Cette définition a été acceptée lors de l’assemblée générale extraordinaire de l’ICOM et remplace alors l’ancienne définition en date de 2007. J’ai demandé à ma sœur, Marina, qui a suivi un master en muséologie, ce que cette nouvelle définition a changé: «Pas grand-chose, si ce n’est qu’elle est parfois utile pour justifier certains choix lors de la mise en place d’une exposition par exemple.»

Mais donc, dans cette histoire, le musée est un lieu en mouvement, qui favorise l’éducation et la réflexion et… la revendication? Je suis plutôt d’avis que oui. Et pour illustrer cela, voici les résultats de mes tergiversations: j’ai identifié quatre moyens de revendications muséales. 

 

La recherche en provenance

Pratique relativement nouvelle dans les musées suisses, la recherche de provenance des objets des collections des institutions «permet d’établir d’éventuels liens avec l’art spolié par les Nazis, avec l’art spolié dans un contexte colonial ou avec des fouilles clandestines.» Cela permet alors de rendre justice, ou du moins de tenter de rendre justice, aux différentes personnes dépossédées de leurs biens et de leurs droits à travers l’histoire, en faveur d’idéologies de l’époque, bien généralement aux profits d’États ou d’institutions européennes. Dès lors, des enjeux éthiques, politiques, sociaux, économiques et j’en passe, rôdent autour de ces recherches

Marina me raconte alors sa version de la recherche en provenance: «J’ai pas l’impression de faire du militantisme en tant que tel en m’intéressant à la recherche en provenance, surtout que la plupart du temps ce sont des actes dérisoires face à l’ampleur du phénomène. J’essaye plutôt de montrer une certaine partie de l’histoire.»

Si de son côté elle n’a pas la sensation de faire bouger des montagnes, certaines personnes voient la recherche en provenance comme grotesque, y compris au sein même des institutions, m’explique-elle (bien que ces recherches aient été reconnues d’utilité publique par la confédération). Citons également cet article de Bilan «Va-t-on vider les musées?»: si l’article décrit plutôt bien les enjeux liés à la recherche en provenance, le titre est ambigu. Et même si nous savons que les titres d’articles se doivent d’être attractifs, on ressent ici un parti pris – par pitié, ne videz pas nos musées!

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Les expositions ou l’art à des fins militantes 

En discutant avec Elisa, une copine qui a suivi un cursus universitaire en histoire de l’art, celle-ci m’explique que «la plupart des musées contemporains proposent ce qu’on appelle de l’art militant ou revendicateur puisque l’art actuel est généralement très politisé.» Ajoutons à cela une citation à propos de l’art contemporain de Nadia Fartas, chercheuse française qui s’est intéressée à la relation entre esthétique et politique: «Les œuvres d’art ne sont pas pleinement devenues des objets militants mais le style militant les nimbe.»  

Dans son essence même, le musée peut proposer des visions militantes en exposant donc des œuvres ou en programmant des expositions avec un idéal politique et militant derrière. De là, on pourrait ouvrir le débat sur l’utilité de l’art et se demander, au fond, est-ce que toutes les formes d’art ne revendiquent pas quelques chose, un idéal, une vision

Toutefois, de manière générale mon amie m’explique qu’on ne peut pas dire que les musées peuvent se permettre d’être militants actuellement. Tout comme ma sœur, elle insiste sur le fait que les revendications par exemple féministes sont aujourd’hui empreintes d’une teinte politique qui empêche les institutions muséales de se positionner dessus. Ma sœur ajoute alors: «On commence à voir des expositions clairement militantes mais elles sont portées par les artistes et non par les musées.»

 

L’accueil d’événements revendicateurs et un lieu de revendications détournées

En prenant du recul, on peut finalement observer deux autres formes de revendications qui prennent place dans des musées. La première, directement dans les murs des institutions, et la seconde commence au musée pour prendre place généralement de manière numérique.  

La première concerne alors les manifestations, tables rondes, colloques ou d’autres événements ayant pour but de réfléchir, discuter, débattre à propos de certaines revendications. Les deux événements des Créatives en sont le parfait exemple. Sur le thème de la recherche en provenance, on peut également citer cette rencontre internationale qui s’est tenue au MEG en novembre 2021. On perçoit alors ici le musée comme lieu d’accueil de revendications. 

La seconde forme débute au musée mais sa forme finale est généralement lue dans les médias ou sur les réseaux sociaux. On peut citer les différentes actions des militant-e-x-s écologistes de ces derniers temps: de la soupe a notamment été jetée sur la toile Les Tournesols de Van Gogh à Londres. Loin d’être isolée, cette action fait suite à d’autres du genre. Dans ce cas, le musée mais surtout les œuvres qui y sont exposées sont le point de départ pour faire passer un message. Il suffit de voir le nombre d’articles (plutôt négatifs) et de sujets de presse que ces actions déclenchent pour en comprendre les mécanismes. 

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Décidément, il s’en passe des choses dans les musées… 

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