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Martin Winckler: Santé et Féminisme

Martin Winckler: Santé et Féminisme

Auteurice Alizé Tromme, 1 décembre 2019
Illustrateurice
Type de publication Sexualité, corps et genre

Médecin et auteur à succès, Martin Winckler était de passage à Genève fin octobre pour une conférence sur le féminisme et la santé organisée par SenseLAB. DécadréE y était et vous propose un compte-rendu de cette soirée passée à discuter des sujets de prédilection de ses nombreux livres, comme la santé des femmes, les violences médicales et la formation des soignantEs.

D’emblée, la question est posée: peut-on être homme et se déclarer féministe? Martin Winckler explique que ses convictions féministes ont rejoint ses convictions médicales, et que, militant pour la santé des femmes, il est donc normal qu’il se définisse comme féministe. Il explique avoir en effet travaillé comme médecin généraliste dans la campagne du Mans, mais également au centre d’IVG de l’hôpital de cette même ville. Des expériences qui, de son propre aveu, marqueront son parcours et sa pensée. Depuis, il se fait le porte-parole des violences subies par les patientEs, notamment dans le domaine gynécologique, comme il le dénoncer souvent sur Twitter.

 

 

Féminisme et santé des femmes

Se décrivant comme un homme allié, il précise ne pas se considérer comme un phare du féminisme, mais que, par son expérience dans la santé des personnes concernée, il peut apporter ce qu’il sait du domaine médical. Étant pour l’autonomie, le respect des patientEs et l’intégrité de la personne, cela allait de soi pour lui qu’il devienne féministe. Il l’affirme : «Les préoccupations féministes et celles des soignantes sont les mêmes.»

Pour lui, «La santé, c’est la santé des femmes!». Celles-ci sont en effet les premières concernées: elles sont majoritaires autant dans les patientes que dans le personnel soignant. D’où son choix affirmé de féminiser la profession et les soignées. Pourtant, il explique que le corps féminin est moins étudié par la médecine aujourd’hui encore, et que les médicaments sont souvent et majoritairement testés sur des hommes. Il n’a donc pas volontairement choisi d’être un médecin spécialisé dans la santé des femmes, mais cela répondait simplement à une demande.

Travail de partage qu’il a ensuite continué sous une autre forme, en écrivant des romans. La maladie de Sachs, où il parle du quotidien d’un médecin et de ses patient, fut un grand succès public. Ce qui l’encouragea à poursuivre dans cette voie. Vint ensuite Le chœur des femmes, écrit «pour transmettre les savoirs que j’avais appris.» L’histoire se passe dans un centre de santé pour femmes et permet à Martin Winckler de transmettre ses expériences acquises dans ce domaine. Bien que situé dans un cadre fictif, les événements décrits n’en sont pas moins réels et très souvent banals pour des personnes consultant un service gynécologique. Cela lui permet donc de critiquer un système de santé qu’il estime être en défaveur des patientEs et de leur bien-être.

 

Les brutes en blanc

Martin Winckler parla aussi longuement des cas de maltraitances médicales dont les mutilations de personnes intersexes, lorsque l’on pratique des opérations de réassignation de genres sur des bébés dont les organes génitaux ne sont pas clairement définis et ce sans aucune raison médicale. Mutilations contre lesquels il est fermement opposé, proposant de laisser ce choix aux individus une fois que ces derniers seront en mesure de décider pour euxELLLES-mêmes. A noter qu’InterAction, l’association suisse pour les intersexes, milite depuis des années contre ces interventions dans notre pays.

De manière générale, Martin Winckler critique le paternalisme et le rapport de force dont font preuve une partie de ses collègues. Et de donner une plaisanterie pour l’expliquer: «Quelle est la différence entre Dieu et un médecin? Dieu ne se prendra pas pour un médecin.» Pour lui, le rôle d’un médecin n’est pas de diagnostiquer et de prescrire, mais de soigner, dans tous les sens du terme. C’est-à-dire, d’écouter les patientEs, qui «savent souvent mieux que quiconque ce qui est le mieux pour euxELLES». Le personnel soignant n’a pas de supériorité morale sur les patientEs, et n’a donc pas à leur donner des ordres. Ou à leur imposer quoi que ce soit sans leur consentement. «La santé est un sujet beaucoup trop grave pour être confié aux médecins.» conclut-t-il, en paraphrasant l’ancien homme d’état français Georges Clémenceau.

Ses positions sur le sujet sont plus longuement détaillées et expliquées dans son livre de non-fiction Les brutes en blanc, où il analyse la situation en France, qu’il estime être catastrophique. Pour lui, le corps médical ne respecte pas les patientEs, et surtout les médecins de l’Hexagone ne sont pas formés au soin. Ce qui, selon lui, est un grand problème, et la dernière thématique abordée de cette soirée.

 

©DM – Martin Winckler

 

Formation des médecins

Martin Winckler raconte que, durant ses premières années d’études en médecine, il a été aide-soignant et que cette expérience lui a beaucoup appris. Notamment, dans le respect du patient. Et c’est cela devrait être obligatoire durant la formation de tousTES les médecins. De ce constat, et de nombreux autres, il en a tiré son dernier roman L’école des soignantes. Un livre où il imagine le futur des soins, et la formation idéale du personnel médical à ses yeux. Un monde où «les soignantEs n’auraient pas de supériorité morale sur les patientEs, et où ilsELLES n’auraient pas à leur donner des ordres.»

Après 25 ans d’activité, Martin Winckler arrêta de travailler en tant que médecin pour se consacrer à l’écriture. Il déménagea au Canada, où il devint chercheur au centre de recherches en éthique de l’université de Montréal. Ce qui lui permit de découvrir un système de soin très différent. L’admission des futurEs étudiantEs se fait sur dossier, et le bénévolat y occupe une très grande importance. L’entretien se fait ensuite avec unE médecin et unE patientE. Car ce sont toujours les personnes concernées qui parlent le mieux de leur situation. Pour Martin Winckler, le consentement est beaucoup mieux respecté qu’en France. Il cite le cas des touchers vaginaux sur des patientes endormies sans leur consentement pour entraîner les étudiantEs en médecine (voir cet article de Slate).

Dans Les brutes en blanc, il analyse également cette formation du personnel médical, source majoritaire des maltraitances médicales. Le système hiérarchique et archaïque des hôpitaux et de la formation est pour lui un des grands problèmes de formation des médecins en France. Il critique également la relation parfois trouble entre les médecins et l’industrie pharmaceutique, notamment dans le milieu de la recherche médicale. Pour Martin Winckler, le respect du patient et son bien-être devraient toujours être prioritaires, même si cela va à l’encontre des coutumes et ce qui est traditionnellement enseigné dans les universités et les hôpitaux.

La conférence se finit sur l’intervention de plusieurs femmes membres du personnel médical qui expriment éprouver de la colère face à certains gestes ou certaines paroles de leurs collègues. Ce à quoi il répond: «Il est sain d’accumuler de la colère. Ça fait faire des choses.» Et de conclure, en guise de conseil: «Qu’est-ce que je peux faire autrement? Même des petits gestes progressifs. Et se questionner, c’est déjà avoir commencé une partie du processus».

 

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