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LE LAB

David, show me (us) your colours

David, show me (us) your colours

Auteurice Claudia Silva, 11 septembre 2021
Illustrateurice
Type de publication Culture
© Dave Colours

David, vingt-cinq ans, fraîchement diplômé en psychologie à l’Université de Genève, nous présente aujourd’hui sa double participation, artistique et militante, à la semaine de la Geneva Pride. Nous sommes allé-e-x-s à sa rencontre afin de discuter du point de jonction entre ces deux modes de lutte.

Dans le cadre de la Geneva Pride, David porte les casquettes d’artiste et de militant. D’une part, ce jeune homme propose l’exposition Show me your colours de ses dessins autour de la thématique LBGTIQ+ et d’autre part, il tient un stand avec l’association dont il est membre, Tou.te.x.s Visibles.

Nous sommes dans un parc public, à quelques mètres du site de la Geneva Pride avec pour fond sonore les tests de vocalises pour les concerts à venir. David (@d.a.v.e_colours) n’a pas de peine à relater son histoire, mais il baisse tout de même d’un ton. Il se souvient de son enfance riche en émotions. Petit, il se ne sentait pas comme les autres garçons, mais pas non plus comme les filles. Il était ≪ plus sensible ≫, n’aimait pas jouer au foot, mais n’était pas invité aux sorties entre filles. ≪ Je suis un garçon mais je n’étais pas comme eux, du coup j’étais dans un entre-deux. Ce n’était pas une question sur mon identité de genre, mais je me demandais “je me place où?” Il y avait un autre garçon queer, sans qu’on puisse mettre ce mot à l’époque, mais du coup on était amis, on était deux. En grandissant, je regardais les garçons, je pensais à eux le soir, tout en me convaincant que j’étais amoureux des filles. ≫ David nous confie qu’il s’était créé un alter ego féminin auquel il donnait vie dans son imaginaire. À travers ce personnage, il pouvait se représenter avec d’autres garçons tout en restant conforme à la norme dominante, l’hétérosexualité. Dans son adolescence, il a subi des insultes homophobes, ce qui l’a poussé à refouler sa sexualité. Aujourd’hui, le jeune homme, tenant à se nommer à tous les niveaux, se reconnaît en tant qu’≪ homme blanc cisgenre gay ≫ et a un copain depuis trois ans. Il manifeste sa joie de s’être enfin accepté, de ne plus vivre à travers ce personnage, de s’épanouir simplement en étant qui il est.

 

 

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Arc-en-ciel aux milles couleurs

David est un jeune homme déterminé et jovial. Quand il parle de ses créations, c’est avec beaucoup d’engagement et d’enthousiasme. Il raconte qu’il dessine depuis tout petit et n’a jamais pris de cours, mais qu’il avait, sans pouvoir expliquer pourquoi, soudainement arrêté durant ses études. C’est lors du premier confinement que lui est venue l’impulsion de reprendre cet art, avec pour influence des comptes Instagram de dessins queer tel que Toast Child (@toastchild). S’identifiant à la communauté LGBTIQ+ en tant qu’homme cis homosexuel, il témoigne d’un regret quant au fait d’avoir ≪ fait son coming-out assez tard et avoir vécu peu de choses ≫. Selon lui, ≪ c’est à cause de la société dans laquelle on vit qu’il existe des stéréotypes et des inégalités ≫. C’est d’après ces constats que lui est venue l’inspiration pour inventer des personnages variés en couleurs, en identités sexuelles et de genre. Son idée étant que chacun-e-x puisse s’y reconnaître, tout en étant isolés les uns des autres. Il explique que les couleurs des vêtements de ses caractères reprennent celles de leur drapeau respectif.

Deux éléments ressortent de son art et de son discours. L’intensité des couleurs, et les larmes de certains personnages. ≪ Avoir une identité queer, c’est comme une pièce à double face. À la fois on peut avoir de la fierté, c’est pour ça qu’on est là (à la Geneva Pride), mais d’un autre côté, c’est aussi beaucoup de cheminement. Même si à la clé c’est du positif, ça amène beaucoup de souffrance. ≫ L’artiste précise que ces personnages vivants n’ont pas de prénom car il souhaite que tout un chacun-e-x puisse se sentir représenté-e-x. ≪ L’effet visuel de l’art est très important car sans texte, il laisse libre cours à l’imagination. L’identité de l’artiste peut quand même être perçue, mais je pense que cela peut dégager quelque chose de différent pour chacun et chacune. Je ne suis pas forcément timide, mais sans voix, sans écrit, c’est un engagement plus subtil, dans lequel je ne suis pas directement exposé. Avec le dessin, on touche les gens d’une autre manière qu’à travers une simple discussion. En fait, le dessin va amener à la discussion. ≫

 

Une femme sourit, vêtue d'un voile, d'un pull et d'une jupe. Ses vêtements sont assortis au drapeau pansexuel, sur les côtés de l'image
© Dave Colours

≪Lorsqu’on devient visible dans l’espace public, on a tendance à nous invisibiliser≫

≪ Je fais partie de l’association Tou.te.x.s Visibles qui a pour but de visibiliser la communauté LGBTIQ+, plus spécifiquement les couples et familles arcs-en-ciel dans l’espace public. ≫ Pour celleux qui auraient manqué le projet, il s’agissait d’une exposition photographique accompagnée de témoignages de chaque participant-e-x. Elle a été vernie et présentée dans le parc des Bastions en octobre de l’année passée et sera répétée à Lausanne en 2022 avec de nouvelles affiches. Le jeune homme a participé à la promotion de l’exposition et à la sensibilisation à la cause lors de visites de classes. Il a également enregistré un épisode avec le podcast Étincelles de Réfléxion Critique. Bien que pour David l’art de prédilection soit le visuel, il nous annonce que des podcasts sont prévus afin d’apporter une voix à proprement parler aux personnes photographiées pour l’exposition de l’association afin de rentrer davantage dans leur intimité.

Le point de jonction selon David, est la visibilité. Que ce soit par le dessin ou la mise en avant et la médiation d’une exposition de photographies, c’est finalement par le biais de l’art qu’il s’engage à faire reconnaître l’égalité entre tou-tes-x, et ce, jusqu’à maintenant, toujours aux Bastions, lieu emblématique de la ville de Genève. Visibiliser sans prendre de la place, visibiliser en se protégeant mais aussi en laissant le loisir à chacun-e-x de se reconnaître dans ses œuvres, telle est la vision de David: ≪ Comment être militant tout en se préservant, parce qu’on ne se montre pas, du moins pas tout de suite. Comment être dans le politique sans être dans l’affront. Le problème c’est qu’on n’est pas visibles dans l’espace public, et lorsqu’on le devient, on a tendance à nous invisibiliser. ≫ En somme, ce qui intéresse David dans le dessin, c’est que chaque personne le regardant décide de lui donner vie, au même titre qu’un photographe qui prend une photographie. ≪ Mon vécu rend mon combat légitime et bienveillant. Je souhaite offrir aux gens, queer ou non queer, la visibilité et la fierté que moi personnellement, je n’ai pas eues plus jeune. ≫

 

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