ChroNique: ce que les religions font au sexe
Auteurice Romy Siegriest, 28 mars 2019Illustrateurice Maybel Gadot
Chaque mois, Romy Siegrist vous propose une réflexion/discussion autour d’un thème sexo particulier. De la pluralité des expériences aux vécus singuliers, n’hésitez pas à échanger avec nous!
Hier, c’était la deuxième journée internationale des femmes musulmanes (MuslimWomenDay), journée initiée par l’association Lallab. Une journée importante pour visibiliser ces femmes et les enjeux auxquels elles sont confrontées quotidiennement – notamment le fait qu’on parle d’elles sans jamais leur donner la parole, voire qu’on les infantilise, les décrédibilise, les «whitesplan» (bonjour le féminisme non-intersectionnel), du style «Ce que vous dites sur le port du voile est bidon, aucune liberté là-dedans».
Bref. De mon côté, j’avais envie, dans cette ChroNique, de m’attaquer aux préjugés liés à la sexualité dans cette religion-là. D’ouvrir un espace de réflexion à ce sujet. Cependant, en parler alors je suis une femme blanche baptisée protestante et habitant en Suisse, c’est un peu chaud. Quelle légitimité à le faire?
Dès lors, plutôt que de parler du sujet directement, je vous propose de donner la parole à Nadia El Bouga, «sexologue, féministe et musulmane». Vous pouvez l’entendre dans cette interview de Patrick Simonin sur TV5Monde, où elle présente son livre «la sexualité dévoilée».
Un des éléments qu’elle soulève, par rapport à l’Islam, est ce que le patriarcat en a fait: une domination sur les femmes, à l’aide une traduction sexiste et misogyne. Pourtant, comme elle le dit, si Dieu nous a crééEs avec notre faculté à avoir du plaisir sexuel, ce serait une offense de nous en empêcher. Je me souviens avoir eu une réflexion similaire enfant (sans pour autant être pratiquante – en terme de religion du moins). Découvrant des sensations dans mes organes génitaux, je me suis dite: Dieu n’a pas pu nous le donner sans que l’on ait le droit de l’utiliser. Alors j’ai murmuré: «Merci, Seigneur». Car oui, la gratitude, c’est important. Bon, ça, à l’époque, je ne l’avais pas encore bien intégré, mais comme quoi, «les enfants sont des êtres naturellement bons ou meilleurs que nous» (ou pas).
Quoiqu’il en soit, chacunE semble devoir se départir de ses attaches, qui font parfois nœuds, d’avec sa culture religieuse – qu’elle ait été appliquée ou décriée. Cela est d’autant plus vrai si l’on est une femme, car les religions les plus communes ont un point commun: une vision inférieure de la femme et de son corps.
Il y a deux semaines, j’ai eu la chance de participer à l’avant-première du magnifique documentaire #FemalePleasure de Barbara Miller qui présente 5 femmes luttant contre l’oppression (notamment sexuelle) des femmes.

Les protagonistes ont grandi élevées dans 5 religions différentes: catholique, hindoue, juive, bouddhiste chinoise et musulmane… toutes ont été violentées (excision, mariage forcé, viol, …) avec l’autorisation et/ou la validation institutionnelle de leurs milieux. Elles parlent d’ailleurs d’une double violence: celles concrètement effectuées à leur égard, mais avant tout ou pire encore, le fait qu’elles soient exercées par des personnes proches et aimantes – et que rien n’aide à les protéger autour d’elles. Leur discours est clair: ce qui est à la base de toutes les oppressions des femmes, de leurs sexualités, de leur corps, ben c’est le patriarcat (caca)! Pardon, mon fils est en pleine période “humour pipi-caca” et ça déteint sur moi. Ou alors c’est moi qui ai déteint sur lui – allez savoir.
Donc, pour reprendre, ce n’est pas forcément la foi qui va empêcher une sexualité faite de plaisir et de joie – certaines des protagonistes demeurent croyantes –, mais bien comment des hommes de ces différentes cultures se sont appropriées les paroles sacrées et les ont transmises, profitant ainsi d’asseoir une domination sur les femmes et la nature (#écoféminisme). De quoi en sortir révoltéEs, mais pleinEs d’une énergie à bouffer le monde, à revendiquer nos droits, nos places, et l’amour de soi. La salle était en standing o(vul)ation – nul doute que ce documentaire est une semence prometteuse!
Au final, il s’agit non pas d’attaquer une religion en soi, mais bien son application, sa validation institutionnelle qui hiérarchise et maltraite de nombreuses personnes, oppresse les différentes minorités. De parler du consentement partout, de débusquer tout ce qui oblige les personnes. Sortir de la gouvernance verticale, aller vers plus d’horizontal (c’est pratique pour le sexe): voilà sans doute la clé.