Après l’été, DécadréE vous propose de passer une rentrée littéraire particulière: des lectures d’actualité, pour réfléchir au féminisme et à ses différentes luttes.

Cette rentrée 2019 marque l’anniversaire du mouvement #MeToo, commencé en octobre 2017 à la suite des accusations de harcèlement à l’encontre du producteur hollywoodien Harvey Weinstein. Deux ans plus tard, le combat est toujours à l’ordre du jour. Entre autres tristes nouvelles, depuis le début de l’année 2019, plus de 100 féminicides ont été recensés en France, comme le présente cette infographie de Libération qui rend hommage aux victimes. L’initiatrice du mouvement #Balancetonporc en France a aussi été condamnée mercredi pour diffamation. Le droit à l’avortement est également en danger dans plusieurs pays, notamment aux Etats-Unis depuis l’arrivée à la présidence de Donald Trump. Face à ces actualités, la question de la nécessité du féminisme ne se pose plus.

Plusieurs lectures vous sont ici proposées afin de réfléchir, développer et en parler autour de vous. Ces combats ne datent pas d’hier, et ne se limitent pas uniquement aux droits des femmes, mais à d’autres luttes -LGBTIQA+, antiracistes, antivalidistes- dans une démarche intersectionnelle. Face aux régressions de nos droits, à l’abattement et au sentiment d’impuissance; il peut être rassurant de constater que nous ne sommes pas seulES à lutter, ni les premierÈREs.

Ma vie sur les routes: Mémoires d’une icône féministe

Gloria Steinem est une militante reconnue et respectée aux Etats-Unis depuis de nombreuses années. Si elle l’est moins dans nos contrées, la traduction en français de son autobiographie permet d’en apprendre davantage sur la vie de cette femme dont le parcours impressionne et force le respect. Depuis son plus jeune âge, elle a voyagé pour défendre les droits civiques, s’impliquant dans des combats très diversifiés, allant de la reconnaissance des AmérindienNEs au droit à l’avortement. Au travers de sa vie et de ses actions, c’est l’histoire de l’Amérique de ces dernières décennies qui nous est dépeinte. La motivation et l’énergie de Gloria Steinem sont une source d’inspiration et ce livre un témoin indispensable de l’histoire des luttes. En complément de son ouvrage, n’hésitez pas à écouter son interview dans le podcast La Poudre.

Les femmes et le pouvoir

Professeure d’Humanités et de Littérature ancienne à l’université de Cambridge, Mary Beard propose dans ce manifeste deux essais qui retracent les origines et les éventuelles explications historiques à la misogynie actuelle. Dans le premier, elle démontre que, depuis L’Odyssée, on intime aux femmes le silence ou on leur impose comment s’exprimer. Dans le second, elle s’attarde sur la relation au pouvoir, et sur les procédés utilisés par les hommes pour discréditer ou limiter l’accès des femmes au pouvoir. A l’aide de figures comme la Gorgone Méduse, Antigone, la reine Elisabeth Ière, Margaret Thatcher ou Angela Merkel ; l’autrice montre comment la parole des femmes a trop souvent été censurée. Elle présente aussi comment leur accès au pouvoir a été limité ou masculinisé pour être pris au sérieux. Une analyse qui présente l’importance de la représentation des femmes, qu’elle soit visuelle ou écrite, dans notre Histoire trop souvent racontée d’un point de vue masculin.

Mes bien chères sœurs

Dans ce court texte direct et incisif, l’écrivaine Chloé Delaume discute de l’état actuel du féminisme, des discriminations de genres et des violences faites aux femmes. Avec une prose parfois virulente et viscérale, elle tire un constat implacable du patriarcat et de sa mort nécessaire, en particulier après la déferlante #MeToo. Pour l’autrice, ce mouvement est le témoin de la quatrième vague du féminisme, celle qui touche toutes les femmes dans leur quotidien. Elle tire un appel vibrant à la sororité, cette entraide et bienveillance entre femmes dans une société qui cherche à les mettre en compétition. Pour découvrir le parcours et les autres œuvres de Chloé Delaume, découvrez également son interview dans La Poudre.

Féminisme pour les 99%

Dans ce manifeste, les autrices Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser lancent un appel à un féminisme inclusif et intersectionnel. Le mouvement féministe traditionnel s’attarde peu sur des sujets comme les violences policières, les bas salaires, la crise du logement ou le réchauffement climatique ; à partir de ce constat, les autrices proposent un féminisme pour les 99%. Un chiffre qui n’est pas choisi au hasard, car il s’oppose au 1% de la population possédant la majorité des richesses de la planète. Pour elles, le féminisme ne peut se définir comme tel s’il ne profite qu’à une minorité privilégiée de la population. Elles militent pour un mouvement qui engloberait les luttes antiracistes, queers, climatiques ou anticapitalistes afin de répondre aux besoins de touTEs.

La boîte noire

Si le mouvement #MeToo a eu des impacts significatifs dans des pays comme les Etats-Unis ou la France, ça n’a pas été le cas au Japon. Dans un pays où la pression sociale est particulièrement importante, parler de harcèlement peut être synonyme de mort sociale et porter plainte s’avère souvent être un véritable parcours du combattant. L’histoire de la journaliste Shiori Ito l’illustre parfaitement. Dans son livre, elle relate le viol qu’elle a subi d’un supérieur hiérarchique et le douloureux parcours qu’elle a dû affronter pour tenter d’obtenir justice. Face à l’insuffisance de la prise en charge des victimes de harcèlement dans son pays, l’autrice raconte au magazine Grazia comment elle a  créé le mouvement #WeToo pour dénoncer ces manquements et ce tabou profondément ancré. Un témoignage fort et courageux pour tenter de faire changer les mentalités.

Un appartement sur Uranus

Paul B. Preciado est philosophe et commissaire d’exposition, il écrit régulièrement des chroniques pour des journaux comme Libération. Ces dernières ont été rassemblées et publiées sous la forme d’un livre, sous-titré Chroniques de la traversée. Ce choix n’est pas anodin, car, tout en abordant des sujets d’actualité, l’auteur parle avant tout de sa transition pour passer légalement de Femme à Homme. Tout en voyageant en Europe pour son travail, il porte un regard de « dissident du système genre-genre » sur le monde, à travers  l’art, la politique et l’actualité, dénonçant les absurdités de notre société. Une vision hors de la binarité de genre, qui permet de réfléchir autrement à notre monde actuel, à ses problèmes et ses défis.

Image de titre: © Miguel Bruna