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Violences conjugales et emprise psychologique: les victimes

Violences conjugales et emprise psychologique: les victimes

Auteurice Paloma Lopez, 20 décembre 2019
Illustrateurice Manon Boschard
Type de publication Violence

Comment sortir du cercle vicieux des violences conjugales? Dans cette seconde partie nous nous penchons sur les victimes, les comportements dits de « soumission active » et les méthodes de sensibilisation sous forme d’outils d’analyse, tels que le «Violentomètre».

Selon le rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2013, 30% des femmes qui ont été en couple subissent des violences de la part d’un partenaire ou d’un ex-compagnon.  De plus, ¾ des femmes qui ont subi un viol sont victimes d’un proche. Toutes les deux semaines en Suisse, un individu meurt suite à des violences conjugales. En 2018, ce ne sont pas moins de 24 femmes qui ont été tuées par leur conjoint. Devant ces statistiques alarmantes, il est important d’agir.

 

 

Les victimes : le pacte de la soumission  

Les relations toxiques peuvent concerner tout le monde à un moment donné de la vie. Néanmoins, selon Alain Ferrant, les personnes qui ont plus de chance de tomber dans ce genre de relations n’auraient pas complètement ou correctement terminé leur «processus d’autonomisation», qui permet d’avoir pleinement confiance en soi et se sentir en sécurité intérieurement. Ces personnes auraient alors besoin de figures fortes sur lesquelles pouvoir compter et s’identifier. Il faut savoir qu’il est très difficile de sortir de ce type de relations, car au-delà d’une dépendance financière, ou par peur de représailles, il existe un mécanisme psychologique qui empêche la victime dans certains cas de se rendre compte assez tôt du problème et donc de fuir rapidement.

Selon Ferrant, les victimes se soumettent de manière active, bien que cette soumission reste inconsciente lors de la phase de séduction. Pour l’auteur, le fait que leur futur bourreau leur apparaît comme leur idéal permet aux victimes d’échapper à leurs angoisses et alors d’être «tranquille face à leur monde interne». Ferrant avance l’idée que cette «servitude» a un puissant effet paradoxal de soulagement, car elle «préserve de l’angoisse», en projetant toutes les peurs, les pulsions destructrices propres à chaque être humain «dans la figure du tyran». Puis, tout au long de la relation, ce «partenariat inconscient» comme le nomme Ferrant réactualise sans cesse ce «processus d’asservissement» qui peut être très violent, tant psychologiquement que physiquement. Dans tous les cas, il est important de prendre de la distance face à la situation et de pouvoir en parler autour de soi et aux autorités compétentes en cas de violences, qu’elles soient psychologiques ou physiques.

D’autant plus que tout n’est pas noir tout le temps. Parfois, on retrouve des phases d’idéalisation, tant de la part du bourreau qui cherche à séduire à nouveau la victime en s’excusant et en lui offrant des cadeaux par exemple, tant de la part de la victime qui cherche des excuses et idéalise à nouveau inconsciemment son bourreau, en pensant qu’il va changer, ou que cette fois ce sera différent: «il n’est pas aussi mauvais que ça (…), il a ses bons côtés, mais toute sa vie, il a été obligé de se battre…». Par ailleurs, ce processus peut pousser la victime à changer de personnalité en espérant combler les attentes de son bourreau, ce qui la fera tomber encore un peu plus dans ce cercle vicieux.

 

 

Un sentiment de honte

En plus de ce partenariat inconscient, qui va de pair avec la peur des représailles lors des épisodes de violences, s’ajoute encore un sentiment de honte, qui est projeté par le bourreau, mais vécu par la victime, car cela fait ressurgir en elle des souvenirs de situations déplaisantes vécues dans le passé. La honte est dangereuse dans ce contexte, car elle anesthésie la victime, l’empêchant d’agir pour se sauver et la conduit à se construire une très mauvaise image d’elle-même, et parfois peut la mener à la dépression. En effet, selon Ferrant, la honte disqualifie les sentiments et dévalorise la victime. L’auteur ajoute cependant que ce processus narcissique peut être brisé, car «si tous les êtres humains visent la tranquillité, tous ne se laissent pas séduire et asservir». Et c’est par la sensibilisation que la prise de conscience peut se faire.

 

Le violentomètre: un outil d’expertise pour les situations quotidiennes. 

La prise de conscience, si même elle a lieu, de la victime peut se faire  trop tard: peur des conséquences sur elle et ses enfants, emprise psychologique, dépendance affective ou matérielle sont quelques-unes des raisons qui font que les victimes n’avertissent pas les autorités. C’est pourquoi la sensibilisation est primordiale afin que les victimes se rendent compte tôt que la situation dans laquelle elles se trouvent est toxique et qu’elles puissent savoir que faire et qui contacter pour s’en sortir le plus rapidement possible.

Afin de parvenir à sensibiliser le maximum de gens, les Observatoires des violences faites aux femmes de Seine-Saint-Denis et de Paris, l’association En Avant Toute(s) et la Mairie de Paris ont créé fin 2018, un outil qui permet aux femmes de «mesurer» la toxicité de leur relation. Par la suite le Centre Hubertine Auclert, le centre francilien pour l’égalité femmes-hommes le reprend et l’adapte. Le Violentomètre voit alors le jour.

 

Violentomètre – © Centre Hubertine Auclert

  • «Profite»: la relation est saine (De 0 à 6)
    Elle est basée sur le consentement ainsi que sur le respect. La personne fait confiance à l’autre, l’accepte comme elle est et respecte ses choix ainsi que ses envies.
  • «Vigilance, dis stop !»: La relation est toxique (De 7 à 16)
    Le-la partenaire est jalouxSE. Il se moque, rabaisse, critique sans cesse sur l’apparence, les opinions, manipule et contrôle son-sa partenaire. La personne est isolée, ne voit plus ses amiEs ni sa famille, se sent seule.
  • «Protège-toi, demande de l’aide»: La relation présente des dangers psychologiques et physiques (De 17 à 24)
    Dans cette situation, il convient à la victime de fuir la relation et d’avertir ses proches, ses voisins ou la police si la situation dégénère. En effet, la personne menace, insulte et frappe la victime.

 

Le Violentomètre présente de multiples avantages…

  • Facile d’utilisation, il permet une analyse des situations claires et des comportements toxiques.
  • Il est facilement compréhensible, ce qui permet de toucher une grande majorité de gens.

 

Mais aussi quelques limites…

Le Violentomètre a été, à la base, pensé et construit pour un public féminin jeune, ce qui fait de lui un outil genré. Il a été distribué dans les lycées et dans de diverses manifestations culturelles au large public féminin. Cependant, des violences, même si elles sont majoritairement commises envers les femmes par un proche, pourraient aussi être distribuées vers un public plus large, parce que les violences concernent tout le monde, que ce soit la victime, l’auteur, mais aussi les témoins, comme la famille et les proches, les voisins ou encore les collègues de travail.

Par ailleurs, cet outil, après quelques modifications, pourrait aussi devenir un outil de sensibilisation pour les auteurs, afin qu’ils prennent conscience, lors de situations précises, que leur comportement est toxique.

 

Victime de violences? Liste de ressources utiles: 

 

 

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