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Test de Bechdel: la représentation féminine au cinéma

Test de Bechdel: la représentation féminine au cinéma

Auteurice Louise Ostertag, 30 novembre 2018
Type de publication

Deux femmes, qui parlent ensemble, d’autre chose que d’un homme. Par ces critères en apparence triviaux, le test de Bechdel questionne la représentation des femmes dans les films et dans l’industrie du cinéma.

Le constat est troublant: de nombreuses productions cinématographiques ne permettent pas de répondre par l’affirmative à ces trois questions:

  • Y a-t-il deux femmes dans le film que l’on peut identifier par leur nom?
  • Ces deux femmes discutent-elles ensemble?
  • Parlent-elles d’autre chose que d’un personnage masculin?

Cette conversation ne doit pourtant avoir lieu qu’une seule fois pour qu’un film passe le test de Bechdel-Wallace.

Invraisemblable? Depuis 1999, les contributeurTRICES du site bechdeltest.com ont passé au crible plus de 7’000 films. Résultat? Un peu plus de 40% ne passent pas ce test.

Issus du comic strip «Dykes to watch out for» (Lesbiennes à suivre) d’Alison Bechdel, paru en 1985, ces critères sont volontairement simplistes. Sur une planche de sa BD intitulée «The Rule», l’héroïne refuse de regarder les films qui n’y souscrivent pas et peine ainsi à trouver de quoi se divertir.

Le test de Bechdel est fréquemment cité aux USA pour dénoncer les inégalités de représentations entre les femmes et les hommes dans les productions hollywoodiennes: les sites d’informations spécialisés dressent régulièrement des bilans sur les productions récentes, comme c’est le cas de Indiewire, qui passe en revue les 25 plus grands succès de chaque année, de nombreuses listes de films «Bechdel approved» sont créées par des internautes et IMDb fait figurer le test à son répertoire de mots-clés.

 

Les héroïnes d’hier et de demain

Alison Bechdel se réjouit de constater le succès d’actuelles productions montrant des héroïnes à l’écran, déclare-t-elle aux Inrocks: «On pourrait citer Hunger Games, qui marche très bien financièrement. Cela prouve que vous pouvez raconter une histoire avec une héroïne, et que les gens vont la voir. C’est merveilleux». Selon le site du test, le taux de réussite des productions actuelles atteint 42%, point culminant depuis des années. La situation est stagnante.

Au cours du temps, la présence et le rôle des personnages féminins au cinéma a beaucoup évolué, comme le relève l’autrice: «Autrefois, il y avait beaucoup de personnages féminins dans les films, comme Joan Crawford et Betty Davis». Sur l’ensemble des films passés en revue par bechdeltest.com, on remarque en effet une proportion de films «passant le test» sur une période dans les années 1920 similaire à celle d’aujourd’hui. Qu’en est-il de cette période faste des débuts d’Hollywood, il y a tout juste cent ans? Elle n’était certainement pas dépourvue de sexisme. En ces débuts, «les femmes ont pu accéder aux différentes professions du cinéma car tout restait à créer dans ce domaine» indiquent Julia et Clara Kuperberg, réalisatrices d’un documentaire à ce propos. «Il faut se souvenir que ceux qui travaillaient dans le cinéma étaient ­regardés comme des fous!». Dès lors que le milieu a été pris au sérieux et que l’argent a commencé à couler, les femmes se sont ainsi vues destituées de leur fonctions, rayées des plateaux et de l’industrie.

 

Une inspiration pour la recherche

Il n’en reste pas moins qu’en 2017-2018, les femmes représentaient 40% de tous les personnages parlants dans les émissions de télévision diffusées aux Etats-Unis, soit 2% de moins que les 42% de l’année précédente, selon une étude américaine réalisée par le Center for the study of women in television and films. Les taux d’échec au test de Bechdel des studios américains sont élevés: 55% pour DreamWorks et 53% pour Warner Bros et Columbia.

Les chercheurs et chercheuses de l’institut Poly-graph ont aussi analysé la composition des équipes de producteurTRICES, réalisateurTRICES et scénaristes de 200 films. Le ratio obtenu est de 5 hommes pour 1 femme. En outre, plus le succès du film est important, plus l’écart se renforce, atteignant 8 pour 1 pour les plus grands succès du box office. Enfin, un rapport du Center for the study of women in television and films montre que l’an dernier, 1% des productions les plus rentables avaient employé 10 femmes ou plus à des postes clés de réalisation et d’écriture, alors que 70% de ces films avaient employé dix hommes ou plus.

Des perspectives qui s’élargissent

Si le test n’a pas été créé à des fins scientifiques, c’est un outil utile pour faire état de la moindre représentation des personnages féminins (et de leur unidimensionnalité!) au cinéma. Une réponse positive aux trois questions du test de Bechdel ne constitue toutefois pas en soi un gage de non-sexisme (Fifty Shades of Grey et Twillight le passent), ni la garantie de la transmission de valeurs positives et inclusives. De même, certains films véhiculant des valeurs féministes ne passeraient pas le test, par exemple Under the Skin ou Enough Said.

La principale critique adressée au test est qu’il ne s’attaque pas aux inégalités les plus fondamentales. Dans un mouvement d’inclusivité et d’intersectionnalité, de nombreuses suggestions ont été apportées afin de créer des tests incluant d’autres caractéristiques, comme celle de la représentation des personnes racisées ou de différentes identités et orientations sexuelles

Les auteurTRICES du projet Fivethirtyeight ont ainsi contacté une douzaine de femmes oeuvrant dans le milieu du cinéma et de la télévision, qui ont proposé leurs propres versions du test de Bechdel. En voici deux exemples.

 

Le test de Waithe (par Lena Waithe)
Un film passe le test si:

  • une femme noire est représentée dans l’oeuvre
  • celle-ci occupe une position de pouvoir
  • elle vit une relation sentimentale saine

 

Le test de Landau (par Noga Landau)
Un film échoue si:

  • un personnage principal féminin est tué au cours de l’intrigue
  • un personnage principal féminin tombe enceinte
  • dans l’intrigue, un personnage principal féminin pose problème à un protagoniste masculin

 

En 2016, sur les 50 meilleurs films du box office des USA, 5 passent le test de Waithe et 17 le test de Landau. 32 réussissent par contre le test de Bechdel.
Pour combattre la misogynie et le sexisme ordinaire, le plus difficile reste encore de rendre compte des subtilités de leur ancrage, et dans ce sens, beaucoup de choses restent à faire.

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