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Les couilles sur la table: on ne naît pas homme, on le devient

Les couilles sur la table: on ne naît pas homme, on le devient

Auteurice Mélanie Lourenço, 2 mai 2019
Illustrateurice

Les couilles sur la table, podcast animé par Victoire Tuaillon au sujet des masculinités, nous invite à réfléchir sur les constructions des stéréotypes de genre et les questions que ces stéréotypes soulèvent: Qu’est-ce qu’un «vrai» homme? Comment s’affranchir des normes de genre? Faut-il, au final, s’en affranchir?

Les couilles sur la table est une série de podcasts créée et animée par Victoire Tuaillon, journaliste, où l’on parle de masculinité, ou plutôt, devrais-je dire, des masculinités. Avec un nom audacieux qui montre déjà bien combien l’attribut masculin, et donc symboliquement la masculinité, est associée à une question de courage et de pouvoir. Les couilles sur la table c’est aussi un rendez-vous bimensuel (déjà depuis 2017!), qui soulève des questions importantes et passionnantes.

Au fil des 38 épisodes actuellement disponibles sur Binge.audio ou sur YouTube, Victoire Tuaillon dissèque la notion de masculinité sous toutes ses coutures, avec des épisodes consacrés à des sujets aussi variés que «Des hommes et des bagnoles», «La pénétration», «Ce que la soumission féminine fait aux hommes» ou encore «Les preuves de la virilité».

Chaque épisode est construit sous la forme d’une discussion avec un invité – la plupart du temps un universitaire – qui vient partager ses réflexions avec la journaliste et répondre à ses interrogations. Le but: déconstruire l’idée qu’être un homme (ou d’ailleurs une femme) est une réalité unique, quelque chose d’inné, en expliquant que c’est bien un acquis, une construction sociale.

 

 

La journaliste, comme les auditeurs qu’elle cible, ne prétend pas être une experte des questions de genre et aborde le sujet de façon sérieuse tout en restant spontanée. Dans Les couilles sur la table, il n’y a pas de limite au débat et aucun tabou. Victoire Tuaillon ne s’interdit aucune question, déconcertant parfois ses invités par des questions très personnelles, comme lorsqu’elle demande à Raphaël Lioger ce que le mouvement #metoo a concrètement changé dans sa manière de désirer les femmes. Aussi, pour donner à son propos une tonalité davantage pédagogue et sérieuse, la journaliste invite des spécialistes – auteurs ou chercheurs – qui viennent certes échanger, discuter mais aussi présenter des faits et leurs recherches pour déconstruire certains mythes. Par exemple: non les femmes ne sont pas plus dangereuses au volant, c’est même le contraire (voir l’épisode «Des hommes et des bagnoles»).

 

Quelles questions?

Le podcast répond à toute une série de lieux communs sur le genre et plus particulièrement, la masculinité. Il est question avec l’épisode de La vraie «nature» du mâle de la définition de «l’homme» (par opposition à la femme) au niveau biologique et comment le genre biologique est actuellement déterminé. L’intervenant-invité du podcast, Thierry Hoquet, affirme qu’il est en fait plus difficile à déterminer qu’il n’y paraît. Selon le paramètre qu’on choisit, le genre peut effectivement être déterminé par les organes génitaux mais aussi par les chromosomes, ou encore les gamètes.

Il est aussi question de l’homme mythique et de ce que l’on considère comme un homme prototypique aujourd’hui, et ce qui a pu le définir par le passé. Dans l’épisode Éducations viriles, Olivia Gazalé aborde notamment la définition de la masculinité dans la civilisation grecque antique et son système de pédérastie, où l’éducation des jeunes hommes passait par des rapports sexuels avec un « mentor », et où l’on considérait que « recevoir » le sperme d’un homme plus âgé contribuait à rendre le jeune homme plus viril.

Ou encore, dans l’épisode Des hommes et des bagnoles, Victoire Tuaillon partage les publicités les plus sexistes de l’industrie automobile, en s’appuyant notamment le spot publicitaire pour la Dodge Chadler, diffusée pendant le Superbowl aux États-Unis. Elle proclamait que la Dodge était le «Man’s last stand», autrement dit, que les voitures sont le dernier bastion de la masculinité!

 

La question de la séduction

Le double épisode Cours particuliers avec Eric Fassin  soulève de nombreuses réflexions intéressantes (Peut-être faudrait-il d’ailleurs commencer à écouter le podcast par ces épisodes). On y aborde des contradictions aussi diverses que: pourquoi certains hommes ne supportent pas d’être avec des compagnes ayant une éducation supérieure à la leur ou un poste avec plus de responsabilités? Ou encore le témoignage de certains hommes qui disent ne pas pouvoir séduire s’ils ne sont pas des «machos» mais aussi que d’être trop «gentils et polis» ne charmerait aucune femme.

On débat autour de la «crise de la masculinité» et du fait que de plus en plus de voix s’élèvent pour accuser le féminisme de perturber les hommes, qui ne sauraient plus comment se comporter face aux femmes notamment lors des rapports de séduction.

On aborde la question de la séduction aussi du côté féminin et féministe, en s‘interrogeant sur la question sensible de la «perte de spontanéité» qui pourrait avoir lieu dans certains cas. Est-ce excitant si un homme (avec qui, imaginons, il s’est établit un jeu de séduction) nous demande la permission avant de nous plaquer contre un mur?

Si les opinions divergent, un consensus est établi sur la thèse centrale de ces deux épisodes: la question de la masculinité est, en fait, toujours liée au pouvoir. Être un «vrai» homme, somme toute, c’est être dominant, c’est être puissant. Aussi, ce qu’Eric Fassin nous rappelle est que même dans les rapports entre hommes, la masculinité et la virilité sont avant tout déterminées par le degré d’asservissement, ou au contraire la puissance d’un homme. Plus on se trouve en situation de dominante, plus on correspondrait à la définition de «l’homme» hégémonique.

 

Et la place des femmes dans tout ça ?

Victoire Tuaillon explique son intérêt pour les masculinités en affirmant que : «L’étude des masculinités change notre regard sur le monde, nos relations et nous-mêmes. Parce qu’on ne naît pas homme, on le devient (Beauvoir). Parce que le féminisme concerne forcément les hommes».

Ce podcast, s’il est consacré aux masculinités, est avant tout l’occasion pour tout un chacunE de se questionner sur le genre, sur sa signification, sur les rapports entre les genres mais aussi sur sa propre identité. Après les mouvements, tels que #metoo, il est crucial de déconstruire le système du patriarcat mais aussi le mythe de la virilité. Il est nécessaire de comprendre comment les normes actuelles de genre se sont construites au fil des siècles et comment ces normes sont ancrées dans l’imaginaire collectif, jusqu’à notre moi le plus intime, comme notamment dans la question de la pénétration.

Pari réussi pour Victoire Tuaillon dans Les couilles sur la table, qui ne se prive pas d’aborder toutes les questions, mêmes celles qui fâchent, et surtout celles qu’on n’oserait peut-être pas poser. Des questions pourtant nécessaires à une évolution des mentalités, et qui nous amèneront, petit à petit, sur la voie de l’égalité.

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