Bi Bi Bi : ou l’importance d’une chronique sur les bisexualités (1)
Auteurice Alizé Tromme, 23 septembre 2021Illustrateurice
Le mois de septembre est le mois de la visibilité bisexuelle et le 23 septembre la journée de la visibilité bisexuelle. Vous vous demandez peut-être : pourquoi ce besoin de mettre en avant une orientation sexuelle et romantique ? Il y a déjà la Pride, la journée mondiale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, fallait-il en rajouter encore une couche ? Spoiler alert : oui.
Avertissement : cette chronique reflète uniquement mon expérience et mon ressenti en tant que personne concernée et n’a pas vocation à couvrir l’étendue des vécus bisexuels.
Voici quelques questions auxquelles je réponds, parmi d’autres :
Pouvez-vous me citer trois personnages fictifs bisexuel-le-x-s ? Un point bonus s’il s’agit d’un personnage masculin, et encore un autre si le mot « bisexualité » ou ses dérivés est effectivement prononcé. Triple bingo si la personne bisexuelle n’est pas représentée comme indécise, avide de sexe, confuse ou hypersexualisée.
Êtes-vous au courant qu’il y a autant d’individus bi que de gays et lesbiennes combiné-e-x-s ? Et que 3.5% de la population américaine s’identifie comme bisexuelle ? C’est plus que les 2% d’êtres humains ayant des yeux verts !
Vous pouvez peut-être me dire ce qu’est la bisexualité, mais quid de la pansexualité ? De l’omnisexualité ? Du biromantisme ? Et peut-on être bi-e-x-s sans avoir jamais eu de relations sexuelles avec plus d’un genre ? Ou de relations sexuelles tout court ?
Saviez-vous que les personnes bi sont plus susceptibles de subir des violences que les lesbiennes et homosexuels, jusqu’à 74% pour les femmes bies dans l’espace public ? Et que ce chiffre est encore plus élevé pour les personnes trans* ?
Si vous avez répondu non à la plupart de ces questions, ce n’est pas grave du tout. Mais peut-être serait-il alors utile d’avoir un mois et un jour de visibilité bit. Et pour l’instant, au moins une chronique dédiée.
Bisexualités : quelques bases pour bien débuter
Ici, on parlera donc de la bisexualité sous toutes ses formes et représentations, mais aussi de bi-erasure, de fétichisation, de personnages de fictions, de clichés et de biphobie, du parapluie de la bisexualité ou d’injonctions à l’hétérosexualité.
Et du choix de ce titre évocateur (oui, j’adore les gifs et les memes, il y en aura beaucoup), voici pour se lancer dans le grand bain :
Maintenant que vous avez NSYNC en tête, commençons par le commencement. Les définitions.
Je me définis comme Bi (et Pan, mais on reviendra une autre fois sur les différences et similitudes entre bisexualité et pansexualité). En théorie, vous vous dites qu’une personne bisexuelle aime les hommes et les femmes? Les deux, d’où le préfixe Bi- ?
Pas exactement.
Historiquement, ce terme a connu différentes définitions. Toutefois, à l’heure actuelle, il est de plus en plus admis que l’opposition femme/homme est erronée, comme en témoignent les personnes non-binaires et les personnes intersexes par exemple. Le terme a donc évolué vers une définition plus inclusive de ces identités.
La bisexualité est l’attirance pour plus d’un genre. Cette attirance peut être romantique (biromantique), sexuelle (bisexuelle) ou les deux.
Et non, la bisexualité n’implique pas qu’il n’y a que deux genres. Bilingue ne veut pas dire qu’il n’existe que deux langues, ou bicyclette que les tricycles sont une invention de notre esprit ou une mode.
Source : Shiri Eisner Via Deviant Art
Certain-e-x-s préfèreront d’autres termes, comme pansexualité (attirance pour tous les genres sans distinction et parfois avec une emphase politisée envers les personnes non-binaires), omnisexualité (attirance pour tous les genres), polysexualité (attirance pour plusieurs genres) ou queer (insulte signifiant étrange en anglais, détournée par la communauté LGBTIQUA+, très marquée politiquement). On parle alors de terme parapluie pour la bisexualité, qui engloberait ces différentes dénominations.
Toutefois, le dernier mot reviendra toujours à la personne. Peu importe la manière dont iel (pronom contenant il et elle à la fois) choisit de se définir, celle-ci doit être respectée. L’étiquette, ou le choix de ne pas en porter, correspond à un sentiment intime et personnel. Elle peut varier avec le temps, ou non, et être fluide, ou non.
Comme le rappelle le Manifeste des personnes Bi, Pan et plus par l’association Bi’cause , publié en 2002 mais réactualisé à plusieurs reprises : « Nos identités ne sont ni plus dignes ni moins dignes que les identités monosexuelles. Rappelons que le Conseil de l’Europe considère à égalité l’hétérosexualité, la bisexualité et l’homosexualité, même s’il pourrait être encore plus inclusif. »
Si les définitions sont nombreuses, peut-être est-il plus facile de dire ce que la bisexualité N’EST PAS :
- Une phase. Certaines personnes passent par l’identification bisexuelle avant de se déclarer homosexuelles et c’est tout à fait OK. Néanmoins, ce n’est pas le cas de tout le monde et la bisexualité est une orientation à part entière.
- Une mode. Comme de nombreux autres thèmes qui touchent/concernent la communauté LGBTIQA+ – et sous prétexte que l’on commence à en parler de plus en plus – la bisexualité n’est pas un label que l’on se donne pour « être cool ». Les individus bisexuels existent depuis la nuit des temps, pour n’en citer que quelques-uns : Alexandre le Grand, Joséphine Baker, Lord Byron, Billie Holliday, Mary Shelley, Virginia Woolf, David Bowie, Anaïs Nin…
- Un entre-deux. Être bi, ce n’est pas être à moitié gay et à moitié hétéro. On ne cesse pas d’appartenir à la communauté Bi une fois en couple avec quelqu’un du même genre, du genre opposé ou autre. Une femme bi mariée à un homme sera toujours une femme bi.
Source : Bisexualityyx
En conclusion de cette première chronique : même si elle est souvent effacée, méconnue ou oubliée, la communauté bisexuelle a toujours été présente, que ce soit historiquement ou dans les luttes LGBTIQA+. Et je laisse le dernier mot en musique à Domo Wilson dans sa chanson Bisexual Anthem :
Better not forget the B in LGBT
Joyeuse journée de la bisexualité !
(Et n’oubliez pas de voter pour le mariage pour toutes et tous si vous le pouvez !)
Image de titre : Photo by Michał Turkiewicz on Unsplash