Menu de l'institut
Menu du LAB

LE LAB

Artistes, racisé-e-x-s, queer, Suisses: portraits croisés

Artistes, racisé-e-x-s, queer, Suisses: portraits croisés

Auteurice Elizabeth M, 13 septembre 2021
Illustrateurice
©️ Julie Bianchin

Entre drag, photo, et ballroom, Eve Perrin, Tokyo Revlon et Elyssa Fleur s’illustrent dans de nombreux domaines à travers la Romandie. Iels se sont réuni-e-x-s à Genève, à l’occasion de la table ronde « Réalités des personnes racisées dans les milieux artistiques queer », lors de laquelle est également intervenue Habibitch, artiste et activiste française créatrice de la conférence dansée « Décoloniser le dancefloor ». Lors de cette table ronde, DécadréE a eu l’occasion d’échanger avec les trois intervenant-e-x-s Suisses.

Eve Perrin – « En tant que personnes racisées et queer, nous subissons de multiples oppressions, mais n’avons pas souvent l’occasion d’en parler. »

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Eve Marie Perrin (@ev.e.prn)

Photographe, DJ, graphiste, Eve Perrin cumule les arts. Ayant entre autres publié des photos dans le journal papier du Lab’ de DécadréE, ses œuvres sont visibles sur son compte Instagram @ev.e.prn. Lors de la table ronde, Eve aborde les difficultés qu’éprouvent les personnes racisées dans les milieux queer, bien que ceux-ci se voudraient inclusifs : on pourrait croire qu’il y aurait moins de discrimination, mais ce n’est pas forcément le cas.

 

DécadréE: Qu’est-ce qui vous motive dans vos activités ?

Clairement, c’est le fait de visibiliser les personnes racisées queer à travers la photo. Je ne photographie que les personnes racisées, et je pense à l’avenir ne prendre en photo que les personnes racisées queer.

 

DécadréE: Quelle est l’expérience la plus marquante que vous avez eue en relation à vos activités ?

J’aime les discussions avec les modèles, avant de les prendre en photo. C’est souvent un moment de partage entre nous, qui peut devenir assez émotionnel. En tant que personnes racisées et queer, nous subissons de multiples oppressions, mais nous n’avons pas souvent l’occasion d’en parler.

J’avais aussi photographié et filmé une personne il y a un an, qui a depuis fait sa transition. Je vais la prendre en photo à nouveau bientôt : elle a beaucoup changé depuis !

De manière générale, les personnes que je photographie deviennent souvent des proches, nous gardons le contact.

 

DécadréE: Avez-vous des projets particuliers pour l’avenir ?

Je vais réaliser un court-métrage dans lequel j’interviewe des personnes noires et queer. Je vais suivre trois à quatre personnes, sur des entretiens approfondis. La sortie du film est prévue pour juin 2022 ; il y aura d’ailleurs une projection prévue à la bibliothèque de Vevey.

 

 

Tokyo Revlon : « Le ballroom est une communauté, avec sa manière de vivre, sa hiérarchie »

 

Activiste au sein de la ballroom, Tokyo Revlon exerce également la profession de nail artist (son travail est visible sur le compte Instagram @hausoftokyo_). En effet, ses ongles sont longs, soignés, et décorés à l’image de sa pratique : d’un teint rose bonbon, ornés de bijoux et de strass. La godmother (position de responsabilité au sein d’une maison) de la Kiki House of Pheonix se trouve également sur son propre compte Instagram: @tokyorevlon.

Lors de la table ronde, Tokyo aborde le problème de la tokénisme* des personnes racisées dans les milieux de majorité blanche, ainsi que les différentes façons d’aborder ce problème d’un point de vue administratif. Elle souligne la nécessité d’embaucher, ou booker, des personnes racisées non pas par intérêt personnel ou pour avoir un semblant de diversité, mais simplement pour le pur talent des personnes en question. Elle évoque le ballroom comme milieu s’étant créé en réaction à ce phénomène d’exclusion, puis d’inclusion de surface.

 

DécadréE: Qu’est-ce qui vous motive dans vos activités ?

Le nail art est ma profession, donc l’argent (rires) ! En ce moment, je me concentre sur la ballroom et tout son aspect communautaire. Deux de mes amies sont pionnières de ce mouvement en Suisse: Bruna Revlon et Hanzy Keat Labeija. Ce qui me motive là-dedans, ce sont les kids. Le ballroom est une communauté, avec sa manière de vivre, et sa hiérarchie : les parents s’occupent des plus jeunes. Beaucoup ont besoin de protection, de guidance, d’advice (directive, conseils) Ce sont les liens, la transmission.

 

DécadréE: Quelle est l’expérience la plus marquante que vous avez eue en relation à vos activités ?

C’est le fait que nous soyons toujours plus nombreux-se-x-s. Il y a toujours des personnes en besoin de soutien. Nous savons que nous sommes là pour aider ces personnes, mais en même temps, il y a un aspect triste là-dedans : ce sont des personnes qui ont été rejetées par leurs parents. Malgré toute l’aide que nous leur apportons, cela reste un soutien moral, comme une épaule sur laquelle iels peuvent se poser. Malgré tout, ça reste néanmoins très positif de pouvoir leur venir en aide.

 

DécadréE: Avez-vous des projets particuliers pour l’avenir ?

Oui ! Mais c’est un secret (rires).

 

 

Elyssa Fleur : « Quand on ne sait pas d’où on vient, on ne peut aller nulle part »

 

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Elyssa Fleur {meh/eh} (@elyssafleur)

 

Drag queen, activiste dans l’association Neuchâteloise Togayther, et créateurice des Dragâteloises, Elyssa Fleur participe également à la ballroom Suisse. Un CV impressionnant, car iel s’exprime également sur Youtube ainsi que dans un podcast intitulé SAME, créé en collaboration avec les artistes Anthéa Needles, Missa Michaels et Sharon Spooky. Toutes les informations sur ces diverses activités se trouvent sur son compte Instagram @elyssafleur.

 

 

Lors de la table ronde, iel souligne le racisme suisse : un pays qui se veut diversifié, mais qui n’est pourtant pas inclusif. Iel évoque également le passé colonialiste de ce pays : « Je travaille dans une bibliothèque. Chaque jour, j’entre dans un bâtiment qui a été construit avec l’argent tiré du sang de mes ancêtres. » Elyssa aborde également la place de son identité Mauritienne au sein de cette pratique. Lors des soirées, iel porte d’ailleurs une robe de sega, danse et musique traditionnelle de l’Île-Maurice, qu’iel n’avait pas eu la liberté de porter en famille, le vêtement étant réservé aux femmes.

 

DécadréE: Qu’est-ce qui vous motive dans vos activités ?

C’est difficile à dire, il y a tellement de choses… Il faudrait un powerpoint ! (rires) Au début, ça a surtout été la découverte de moi. J’avais fait une tentative de suicide, et c’était un moyen de sortir du trou. À présent, c’est l’envie de créer des milieux safe pour les autres, donner ce que j’aurais voulu donner à l’ado que j’étais il y a une dizaine d’années.

 

DécadréE: Quelle est l’expérience la plus marquante que vous avez eue en relation à vos activités ?

Chaque évènement de Dragâteloises ! Nous avons un public diversifié, c’est une vraie chance. Je pratique le drag depuis 5 ou 6 ans, et Dragâteloises a maintenant 2 ans.

 

DécadréE: Avez-vous des projets particuliers pour l’avenir ?

La quatrième édition de Dragâteloises, c’est pour bientôt ! J’aimerais développer plus le drag, ainsi que mon activisme avec Togayther. J’en apprends plus sur le ballroom avec Tokyo, ça me permet de découvrir de nouvelles choses. J’aimerais également m’informer sur l’histoire LGBTQIA+, car quand on ne sait pas d’où on vient, on ne peut aller nulle part. Actuellement, le lien entre le ball et le drag est difficile à saisir, et je veux recoller les morceaux, réunir la communauté. La passation de notre histoire n’a pas été faite. Si ce n’est pas nous qui la racontons, ce seront les hommes blancs, cis, et d’une manière faussée, désinfectée, incomplète. Je m’attache à la culture ballroom, pour pouvoir passer le savoir. Je voudrais bien demander plus d’informations aux personnes qui ont vu naître cet art.

Pour aller plus loin: 

 

Restez au courant de nos actualités:

S'inscrire à la newsletter

Recevez nos outils contenus media:

S'abonner à la boîte-à-outils