Pour ce troisième et dernier volet de sa série sur le racisme ordinaire, Sarah Mokbil a rencontré Carole Fumeaux, secrétaire générale de la section genevoise de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) afin de de présenter l’institution et son programme de sensibilisation contre le racisme. 

Le racisme, qu’est-ce que c’est exactement?

Le racisme est une oppression systémique et institutionnelle issue d’une division des êtres humains faite par des savants convaincus qu’il existe une hiérarchie entre eux. «La couleur de peau est le principal critère de discrimination retenu par les théories racistes. À travers les siècles et les continents, l’homme blanc s’est parfois cru supérieur à l’homme noir», explique Emma Strack dans son livre Discriminations – Inventaire pour ne plus se taire. Dans son livre Le racisme expliqué à ma fille, Tahar Ben Jelloun, un écrivain originaire du Maroc, définit le racisme comme «une haine et un rejet de la culture, du mode de vie, des croyances et de la couleur de peau des personnes d’origine étrangère». Tahar Ben Jelloun précise d’ailleurs lors de ses échanges avec sa fille que le racisme est causé par le sentiment d’être en présence d’une menace. Il estime que c’est en allant vers les autres pour apprendre à les connaître qu’il est possible de lutter contre le racisme. 

La présentation de Licra-Genève

Certaines institutions se sont chargées de cette mission. La Licra-Genève (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) est l’une d’entre elles. La Licra a été créée en France en 1927 (tout d’abord sous le nom de LICA – la ligue contre l’antisémitisme), puis en 1971 en Suisse. La Licra-Genève mène des interventions dans des classes des écoles primaires et secondaires de la Suisse romande pour sensibiliser les élèves aux questions du racisme, de la xénophobie et des discriminations envers les religions, notamment l’islamophobie et l’antisémitisme. Carole Fumeaux précise: «Et puis on met aussi sur pied ce qui s’appelle des cafés-Licra pour le public. Ça peut être soit des rencontres autour d’un livre, comme on le fait par exemple chez Payot, soit l’organisation de tables rondes, soit des pièces de théâtre, des concerts… C’est assez varié.»  Lors de notre entretien, Carole Fumeaux, secrétaire générale de la Licra-Genève, m’a expliqué avec ses termes qu’il existe des mécanismes communs qui stigmatisent certains groupes puis les discriminent dans un rapport hiérarchique. La Licra-Genève lutte ainsi contre toutes les formes de discrimination, que ce soit par rapport à la couleur de peau, à la xénophobie, à l’islamophobie ou à l’antisémitisme. Selon Carole Fumeaux, la couleur de peau, l’accent et le nom des personnes sont des causes importantes de la xénophobie. Ces comportements se manifestent dans divers lieux: publics, scolaires et professionnels. C’est  pourquoi il y a une réflexion sur la possibilité de ne plus inclure ni le nom de famille, ni la photo ni l’âge dans le CV, car ils peuvent constituer des éléments de discrimination lors d’une postulation.

La lutte contre le racisme dans les écoles 

Dans la lutte contre le racisme, la Licra-Genève a monté un programme autour du film documentaire Je suis noires, en collaboration avec la co-réalisatrice du film Rachel M’Bon, qui a été présenté dans 60 classes des écoles secondaires de Suisse romande en 2022-2023. Ce programme sera reconduit l’année prochaine. Des ateliers de lutte contre le racisme sont proposés dans chaque classe, en amont, avant la projection. Carole Fumeaux explique que ce programme concerne la prévention du racisme au sens large et pas seulement le racisme antinoir, même s’il est au centre du programme. Après la projection, il y a une discussion entre les élèves et Rachel M’Bon.

Après la projection, le corps enseignant reçoit un dossier en lien avec le film afin de pouvoir aborder le sujet par la suite. Dans le canton de Vaud, les coûts de ce programme sont pris en charge par le service PSPS. Dans le canton de Genève, «École et Culture» soutient la projection et on peut aussi bénéficier d’un soutien de la ligue Suisse contre le racisme qui participe aux frais des ateliers. «C’est un programme important. J’espère que l’année prochaine, on interviendra dans 100 à 150 classes dans la Suisse romande», explique Carole Fumeaux. 

Selon les demandes, la Licra-Genève organise pour les élèves des programmes de sensibilisation contre les discriminations ainsi que des formations pour le corps enseignant. 

Avec le soutien de la Commission fédérale des migrations, la Licra-Genève mène également un projet afin de sensibiliser les jeunes à la question migratoire, afin qu’iels puissent prendre conscience que les personnes migrantes ont toujours existé dans la société suisse et ont contribué à son essor. En répondant à l’appel à projet «Nouveau Nous», la Licra-Genève souhaite repenser, avec les élèves, notre perception de «Nous» et des «Autres», qui souvent mène à des comportements discriminatoires.