Gainage imposé à des élèves qui ont leurs règles pendant les cours de natation
Carlotta Maccarini, 17 mars 2022À l’école secondaire des Trois-Sapins à Echallens (VD), une dispense signée par les parents n’a pas suffit a une élève pour être exemptée de cours à la piscine. En effet, l’établissement a obligé des élèves qui avaient leurs règles à faire du gainage sur le bord du bassin, tandis que le reste de la classe suivait le cours de natation…
Les faits nous sont racontés par la mère d’une élève de neuvième qui a commencé sa scolarité aux Trois-Sapins en 2021. Elle nous explique son effroi lorsque sa fille de 13 ans est rentrée de son cours de natation et lui a raconté le calvaire qu’elle avait subi. La maman avait pourtant signé un mot pour sa fille, pour qui les menstruations s’accompagnent de crampes très violentes. Aucune excuse acceptée! L’adolescente a dû se mettre en tenue de sport et faire du gainage, dans un air chauffé à environ 28 degrés. D’autres parents ont rapporté des faits similaires.
Une politique de l’école incompréhensible selon la maman. De plus, les cours de natation ne seraient apparemment pas éliminatoires. Elle trouve que cette façon de procéder pénalise les enfants. Pour l’adolescente, la situation est maintenant angoissante. “Elle appréhende, elle a déjà mal au ventre et en plus, elle rate des cours, elle se sent pointée du doigt et stigmatisée. Elle le prend très mal. Je lui ai promis qu’elle n’ira plus à la piscine”, raconte la maman.
Comme solution, sa mère lui a proposé d’essayer de mettre un tampon. Mais l’adolescente ne se sent pas encore prête à en utiliser. Une liberté de choix que sa mère respecte.

Les parents ont décidé de ne pas convoquer l’enseignante de natation, par crainte de porter préjudice à leur enfant et pour qu’elle ne soit pas prise en grippe. La maman, inquiète, préfère mentir et trouver des excuses médicales à sa fille pour qu’elle ne se retrouve plus dans cette situation humiliante.
Pourtant, les faits ne sont pas nouveaux. Une ancienne élève qui a fréquenté l’établissement de 2015 à 2018 raconte qu’à son époque les élèves avaient droit à un «joker» par semestre, soit une absence autorisée. Elle explique que si les dispenses dépassaient les 2 jokers annuels, il était obligatoire de récupérer la leçon de natation en rejoignant le cours d’une autre classe. Pour elle, ces cours de rattrapage étaient loin d’être agréables. Il fallait intégrer une classe avec des élèves qu’elle ne connaissait pas, qui étaient parfois issu-e-s d’une autre année scolaire. Un décalage d’âge qui la rendait d’autant plus mal à l’aise : “C’était pénible de me retrouver avec des gens que je ne connaissais pas et qui elles-eux se connaissaient tous-tes. Ils me regardaient comme si j’étais une extraterrestre”.
Évidemment, tous les enfants ne sont pas concernés par ce problème qui touche uniquement les personnes déjà réglées. Néanmoins, l’adolescence, avec tous ses changements physiques et hormonaux, est déjà une période de transition suffisamment troublante pour certain-e-s. L’idée de devoir se montrer à moitié nu-e-s devant une vingtaine de camarades n’arrange rien. Ajoutez à cela les menstruations et les incommodations qui vont avec, et les cours de natation deviennent une véritable source d’angoisse.
Pourquoi alors ne pas tenter d’adoucir un peu la vie de ces adolescent-e-s en leur trouvant des alternatives à ces cours de natation?
DécadréE a contacté la direction de l’école secondaire des Trois-Sapins à Echallens, qui se dit étonnée des témoignages recueilli.e.s. Elle en a également informé le conseil de direction. Le directeur se dit navré de ce qu’il s’est passé et regrette que l’élève et sa famille ne se soient pas adressés à l’enseignant ou à la direction. Car selon lui, il aurait pu agir si les faits avaient été portés à sa connaissance au préalable.
Le directeur avait pris ses fonctions aux Trois-Sapins en juillet 2020. Il avait à ce moment-là été averti de la pratique des jokers par le conseil des délégué-e-s. En accord avec le conseil ainsi qu’avec les enseignant-e-s d’éducation physique, ce système avait été supprimé.
Depuis ce changement, explique le directeur : “Les élèves, qui présentent un mot de leurs parents ou parlent directement avec leur enseignant-e d’une situation délicate venant de se réaliser, se mettent en vêtements de sport et non en maillot de bain et font des exercices de gainage ou d’équilibre si la douleur des règles le leur permet.”



