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Hip-hop et féminisme: compatibles ?

Hip-hop et féminisme: compatibles ?

Auteurice Alexandra Tavares Agostinho, 2 mars 2018
Illustrateurice

Est-il possible de se dire féministe et fan de hip-hop ? Depuis toujours considérée comme l’industrie musicale la plus sexiste, il semble difficile de pouvoir concilier les deux. Récemment pourtant, certainEs artistes nous prouvent le contraire.

La misogynie a longtemps été une brique formant la base du machisme présent dans le hip-hop. Elle existe sous toutes ses formes, depuis l’objectivation des femmes en tant qu’êtres purement sexuels et non douées de sentiments jusqu’à l’exaltation flagrante d’un sentiment d’hostilité envers le sexe féminin. Cet aspect du hip-hop ainsi que du rap semble faire partie intégrante des genres et le changement paraît prendre du temps.

Aujourd’hui, les rappeurs utilisent des mots qui rabaissent les femmes parce qu’ils suivent les traces des légendes du hip-hop qui les ont précédés. Avant que le hip-hop ne soit devenu une industrie générant des milliards de dollars, c’était la voix de la culture urbaine des jeunes aux États-Unis. Le hip-hop est intrinsèquement lié à la politique, parce que le langage est politique et ce style utilise le langage comme arme. Le hip-hop peint un portrait imparfait d’une société en difficulté – maisons brisées, problèmes d’argent, violence familiale, manque d’opportunités Ces thèmes sont courants dans la musique car ils font partie de la réalité quotidienne rencontrée par les rappeurs. C’est un genre de musique qui peut être considéré comme un véhicule culturel pour l’expression de soi et la réflexion sociale de la communauté urbaine. Les préjugés envers les femmes dans les paroles sont donc directement liés à la façon dont les femmes sont traitées dans la vraie vie.

Au fil des années, la popularité grandissante du genre musical fait ressortir que les adolescents noirs ne sont plus les seuls à écouter du hip-hop. Au lieu de cela, la musique atteint les publics blancs, riches et suburbains. Le hip-hop est devenu un des genres les plus lucratifs de la musique – mais pour une raison quelconque, la dégradation constante des femmes ne semble pas concerner les artistes masculins qui continuent de faire la sourde oreille. Certaines artistes, toutefois, décident de prendre les devants de la scène. Dans les années 90, Queen Latifah, Lauren Hill, Salt-N-Pepa et bien d’autres se réapproprient le genre. Il s’agit pour elles d’offrir aux femmes des alternatives féministes aux représentations patriarcales de la féminité qui prospèrent dans les chansons de hip-hop.

 

Les  contradictions d’aimer un art qui hésite à vous inclure

Le paysage du rap change et la scène devient de plus en plus accueillante  – tout en restant politique. Même l’image stéréotypée d’un rappeur évolue progressivement. Pourtant, les femmes continuent de participer activement à cette culture qui semble vouloir les exclure.

Bien que souvent négligées, les rappeuses sont des forces progressives dans leur industrie depuis des années. En comparaison avec d’autres domaines, elles ont de nombreux succès prouvant que les femmes sont tout à fait capables de réussir tout aussi bien que les hommes. Les rappeuses féminines établissent continuellement de nouveaux records. Si on parle chiffres, récemment, Cardi B est devenue la première rappeuse à figurer au palmarès des 100 meilleurs titres de Billboard depuis 1998, date à laquelle Lauryn Hill a été la première femme à atteindre la première place en tant que rappeuse solo. De même, Nicki Minaj est devenue la première femme à avoir quatre singles sur le Billboard Hip-Hop / R & B Chart.

Toutefois, ces efforts – bien qu’admirables – restent incomparables avec les statistiques qu’obtiennent des artistes masculins, tels que Stormzy ou Kendrick Lamar. C’est pourquoi les voix de celles que nous avons mentionnées précédemment résonnent si fort lorsqu’elles font des déclarations audacieuses dans leurs interviews. Puisqu’elles continuent minoritaires, la position de ces artistes dans le monde du hip-hop devient particulièrement cruciale car elles doivent être tout, pour tout le monde. Et ce simplement car, il n’y en a pas vraiment d’autres à avoir atteint un tel niveau.

 

« Pourquoi est-ce que ça doit toujours être à propos de mon genre? »

Simbi Ajikawo, plus connue sous son nom de scène Little Simz, est une rappeuse et musicienne anglaise. Lors d’une interview avec The Guardian, elle exprime son exaspération face à la tendance actuelle de toujours définir les musiciennes par leurs genres. Elle explique que jamais il n’y a eu une catégorie de « rappeurs masculins », ils sont simplement des rappeurs.

Être une rappeuse signifie aujourd’hui avoir un réel regard introspectif sur ce que signifie vraiment d’être une artiste, et une femme, dans le climat sociopolitique actuel. Cela devient vraiment cru, dur et il faut être très honnête avec soi-même – une responsabilité que nos homologues masculins n’ont pas toujours à assumer. Little Simz résume ceci en disant, toujours pour The Guardian, qu’aux yeux du monde elle “n’est “que” une femme rappeuse”.

La culture populaire et musicale est l’endroit où de nombreuses personnes, en particulier les plus jeunes, apprennent à connaître le monde et à trouver leur place. Le fondement du féminisme venu du hip-hop – dans l’utilisation de la culture populaire comme méthode pour atteindre et rendre les femmes autonomes-  est exactement ce dont le mouvement féministe a besoin. Il a été créé comme un espace pour les femmes de la génération hip-hop qui ne pouvaient pas s’intégrer dans le mouvement existant. Ce but est toujours d’actualité aujourd’hui alors que le féminisme se développe, mais continue parfois d’exclure les questions des femmes noires par exemple. Le féminisme du hip-hop se veut comme un espace inclusif pour toutes les femmes qui veulent s’autonomiser, apprendre à critiquer et finalement, à améliorer la société qui les entoure.

Plusieurs artistes veulent exprimer leur envie de voir les choses avancer dans la bonne direction et il existe aujourd’hui une nouvelle génération de rappeuses engagées. Princess Nokia, Little Simz, ou IAMDDB sont toutes des artistes qui utilisent leur place et voix dans la culture du hip-hop afin de se réapproprier cet espace qui leur a longtemps été interdit. Quay Dash, rappeuse transexuelle, Young M.A. et Kehlani, rappeuses lesbiennes, et Monay Haydar, rappeuse portant le hijab, sont aussi là pour nous montrer que cette scène du hip-hop peut, et doit, être multiculturelle et diversifiée. Il y a de la place pour tout le monde, et tout le monde y trouve sa place.

La misogynie fera partie du hip-hop tant que la misogynie fera partie de la société, et ce car le hip-hop continue d’être un reflet de la société dans laquelle il évolue. Aimer le hip-hop en tant que féministe est une bataille constante, mais on a l’impression d’être du côté des gagnants. En tant que consommateurs, choisir de soutenir les artistes qui évoluent dans une direction plus positive est la meilleure façon de faire avancer les choses. Et la bonne nouvelle est que, il y en a beaucoup qui le sont.

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