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L’importance de la Pride: témoignage d’une personne aro-ace*

L’importance de la Pride: témoignage d’une personne aro-ace*

Auteurice Sarah Mokbil, 25 mai 2023

Cette année, à Genève, aura lieu le 10 juin la Pride, également nommée la marche des fiertés. Cette manifestation est très attendue par les personnes qui souhaitent manifester leur existence et leur volonté de vivre dans une société dans laquelle leurs droits fondamentaux sont reconnus et respectés. Je vous propose ici de découvrir son origine et les raisons pour lesquelles la Pride reste à notre époque indispensable.  

De nos jours, la Pride est connue dans de nombreux pays. J’ai souvent entendu dire qu’à cette occasion, les personnes manifestaient pour revendiquer la reconnaissance de leur existence et de leurs droits. J’ai également souvent entendu dire que la Pride est une fête. 

Je suis moi-même concerné-e, puisque je suis une personne aro-ace*. Jusqu’à présent, je n’ai pu participer qu’une seule fois à la marche des fiertés et, même si cette expérience fût enrichissante, je n’ai pas su ce que je devais mettre en lumière lors de cette marche: mon identité de genre? Mes orientations affectives et sexuelles? Les trois à la fois? Ou devais-je simplement profiter de ce moment qui procurait en moi le sentiment d’être dans un environnement safe?

Je me pose encore ces questions. Cette année, à l’approche de la marche des fiertés du 10 juin, j’ai eu envie de découvrir son origine, la raison pour laquelle un grand nombre de pays la célèbre et vous partager cela. 

Des militant-e-s sur le front

Au fil de mes recherches, j’ai ainsi découvert que la première Pride fait suite aux émeutes de Stonewall, déclenchées en 1969.

Les premières émeutes

Au commencement, il y a le Stonewall Inn. Ce bar se trouve à New-York, dans le Greenwich Village, un quartier bâti sur une ancienne zone marécageuse et devenu, au 20e siècle, le quartier des artistes.

C’est lors de cette période que les personnes homosexuelles commencèrent à se manifester et à devenir visibles. Cette visibilité incita le gouvernement à pénaliser l’homosexualité et à la déclarer comme étant une maladie en 1952.

Face aux multiples menaces, telles que perdre leur emploi, leur logement ou se retrouver dans un hôpital psychiatrique, il leur a fallu se cacher. 

Le Stonewall Inn devint ainsi le lieu favori des hommes gays, des drag queens et des travestis. Malgré le fait que le bar était en mauvais état et géré par la mafia, le Stonewall Inn était un lieu dans lequel les hommes gays, les drag queens et les travestis pouvaient venir danser, consommer de l’alcool et même dormir. 

Les contrôles de police étaient à cette époque une habitude. Afin d’en être avertie, la mafia soudoyait les autorités, ce qui permettait à la clientèle et aux membres du personnel de se préparer pour le contrôle. 

La nuit du 27 au 28 juin 1969, la police n’a pas averti le bar de sa descente, provoquant ainsi l’arrestation de la clientèle. Cette arrestation, celle de trop, provoqua la révolte de la clientèle du bar et des personnes présentes à proximité de celui-ci. Désormais, il était hors de question pour iels de se soumettre à l’autorité.

L’année suivante pour honorer cet événement les populations gays, lesbiennes, bi et trans ont effectué leur première marche des fiertés. 

Et aujourd’hui en Suisse?

En m’intéressant à la situation des personnes LGBTQIA+ en Suisse, j’ai constaté que nos conditions de vie ont évolué de manière positive. Pourtant, de par mon observation et mes expériences, je pense sincèrement qu’il est toujours pertinent de défendre nos droits.   

Nous avons beau être en 2023, la société dans laquelle nous vivons est toujours cisnormative et hétéronormative. Le genre est toujours assigné à la naissance et, ladans la majorité du temps, nous nous retrouvons en présence de personnes qui partent du principe que les individus qui peuplent notre société sont forcément cisgenres et hétérosexuels. 

Que ce soit du côté de l’éducation, des droits juridiques ou des rapports sociaux, ne pas être hétéros et cisgenres nous confronte à des jugements, des discriminations et/ou des agressions morales et physiques.

Que nous soyons gays, lesbiennes, bi, pan, intersexes, aromantiques, asexuel-le-x-s ou queers, nous sommes encore aujourd’hui dans l’obligation de choisir entre cacher ce que nous sommes ou de révéler cette part de nous-mêmes. 

D’ailleurs, le concept-même du coming-out est à lui seul la preuve que la reconnaissance de l’existence des personnes LGBTQIA+ est loin d’être acceptée et respectée. Si c’était le cas, nous n’aurions plus besoin de faire un coming-out et, surtout, nous n’aurions aucune raison d’éprouver la peur de la réaction des gens à qui nous révélons notre identité de genre et/ou notre orientation.

Il arrive, certes, que nous ayons la chance de rencontrer des personnes qui nous acceptent, mais il arrive encore aujourd’hui de se confronter à des personnes qui manifestent des propos LGBTQIA+phobes ou qui restent passives face aux agressions et discriminations que nous subissons alors qu’il leur est parfaitement possible de nous venir en aide. 

Mais les discriminations ne proviennent pas seulement de l’extérieur de la communauté. Par exemple, durant plusieurs années, la Pride a été nommée Gay Pride, ce qui mettait en avant l’existence des hommes gays et de leur combat pour obtenir leurs droits, mais invisibilisait du même coup les autres populations de la communauté LGBTQIA+.

Si, de nos jours, les autres orientations et, notamment, la transidentité et la non-binarité de genre sont de plus en plus visibles, nous sommes cependant encore loin d’avoir obtenu la reconnaissance de notre existence et, surtout, de nos droits.Encore aujourd’hui, beaucoup d’entre nous se confrontent à une non-reconnaissance, à une invisibilisation de nos orientations et/ou de notre identité de genre, ainsi qu’à des discriminations liées à notre orientation ou à notre genre.  

Personnellement, en tant que personne non-binaire, j’encaisse au quotidien le mégenrage. Dans cette société extrêmement binaire, j’ai bien plus souvent la sensation d’être considéré-e comme une personne atteinte d’une maladie mentale. Comment puis-je ne pas éprouver cela, alors que je n’arrête pas de me confronter à des personnes et, surtout, à un gouvernement qui refuse de reconnaître l’existence de la non-binarité de genre? Cette situation est pénible à vivre et cause en moi de la dysphorie de genre, autrement dit, une souffrance psychologique. 

Concernant mes orientations, je n’ai pas le même ressenti car cela concerne mon intimité. Les gens que je côtoie ou avec qui je discute selon le contexte n’ont pas besoin de savoir que je suis aro-ace. Je trouve cependant regrettable que l’aromantisme et l’asexualité soient méconnu-e-s et si rarement représenté-e-s dans les médias.

La méconnaissance de ces deux orientations m’a déjà confronté-e aux discours de personnes qui estimaient que l’incapacité d’éprouver des sentiments amoureux indique que nous aurions peur de l’engagement, que nous n’avons pas la capacité d’aimer autrui, voire même que nous serions traumatisé-e-x-s par un quelconque événement. 

Entendre tout cela me blesse, car l’amour a une place primordiale dans ma vie. Pour moi, l’amour est un sentiment aux multiples visages, il y a autant de formes d’amour que de manières d’aimer: l’amour pour sa famille, celui pour ses ami-e-x-s proches, celui pour ses personnages fictifs préférés et même l’amour pour ses centres d’intérêts.

J’ai toujours aimé profondément et sincèrement les personnes à qui je tiens et j’avoue que je ne comprends pas pourquoi, sous prétexte que je n’éprouve aucune attraction romantique, mon affection pour celleux que j’aime ne peut être de l’amour.  

Concernant l’asexualité, à mon sens, le problème majeur de son invisibilisation vient du fait que la société met la pression pour inciter les gens à croire qu’il est primordial de pratiquer des relations sexuelles, notamment lorsqu’on est en couple. 

Cette idée est dangereuse, car elle affirme que les êtres-humains ont l’obligation d’éprouver le désir de pratiquer les relations sexuelles et, surtout, qu’il est impossible d’éprouver un sentiment amoureux pour une personne sans la désirer sexuellement.

Voilà pourquoi la marche des fiertés est pour moi un événement qui nous rappelle que, si aujourd’hui nous avons obtenu quelques droits, c’est parce que des personnes se sont battues pour que nous puissions les avoir. Il me rappelle également que les batailles que nous effectuons servent aussi à ce que les futures générations puissent vivre dans une société qui les accepte et les respecte.  

*Aro-ace

  • Aro est le diminutif de aromantique qui désigne une personne qui n’éprouve pas d’attirance amoureuse pour d’autres personnes.
  • Le mot anglais ace est ici un terme parapluie qui désigne à la fois les personnes asexuelles, c’est-à-dire les personnes qui n’éprouvent aucune attirance sexuelle pour autrui et les personnes qui se situent dans le spectre de l’asexualité. 

Une personne aro-ace est, par conséquent, une personne aromantique et asexuelle ou qui se situe dans le spectre de l’asexualité. 



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