Manspreading: cachez cet entrejambe que je ne saurai voir
Auteurice Carlotta Maccarini, 29 septembre 2021Illustrateurice Tom Wahli
Le poids des testicules est-il trop lourd ? C’est la question que l’on peut se poser lorsqu’on voit un homme cisgenre occuper deux sièges dans les transports en commun tant il écarte les cuisses. Cette incivilité porte un nom, c’est le manspreading.
Mais d’où vient cette façon d’occuper l’espace ? Littéralement, « manspreading » signifie « étalement masculin ». Certaines féministes surnomment ce phénomène le syndrome des « couilles de crystal« . Toutefois, aucune étude scientifique ne semble justifier ce comportement. Il est physiologiquement tout à fait possible pour un homme de tenir ses cuisses l’une contre l’autre sans que cela n’ait de conséquence néfaste pour son anatomie. Dès lors,d’où vient cette tendance chez les hommes cisgenres d’occuper l’espace de cette manière ?
Une répartition dès l’enfance
Pour comprendre les origines de cette prise de pouvoir spatiale par les hommes, il faut revenir à l’enfance. Car c’est déjà au sein des cours d’école que commence le problème. Les garçons et les filles jouent rarement ensemble. Et si, comme c’est souvent le cas, un terrain de foot apparaît au centre du préau, alors les filles n’y sont que très rarement admises. Bien que de plus en plus de filles pratiquent ce sport, les garçons restent majoritaires et les filles sont donc reléguées aux abords des terrains.
Sur des modèles scandinaves et français, des cours d’école commencent à changer de visage pour offrir un espace non-genré permettant à tous les enfants d’y trouver leur place.
C’est le cas par exemple dans la ville d’Yverdon qui souhaite réorganiser ces espaces pour leur permettre d’être plus inclusifs. La ville puisent d’ailleurs dans l’imagination des enfants pour déterminer quelles installations orneront les futures places de jeux. Un aménagement plus inclusif des préaux permet d’améliorer l’égalité dans l’utilisation de l’espace.
En grandissant, les femmes constatent rapidement qu’elles n’ont pas la même place que celle des hommes dans la ville. Les villes ayant été conçues par des hommes pour des hommes, les femmes n’y ont pas leur place et le harcèlement de rue en est une des conséquences les plus marquantes. Certaines rues sont parfois complètement inutilisées par les femmes la nuit pour des raisons d’insécurité. Les villes doivent devenir plus inclusives. Une mesure actuellement prise par exemple à Genève ou à Lausanne est la féminisation des noms de rue, qui constitue un bon début sur la visibilité des femmes. Mais aussi par une amélioration du mobilier urbain permettant aux femmes d’y trouver leur place. Mais le harcèlement de rue reste un des principaux problèmes et contre cela on doit continuer de faire de la prévention.
L’association “Stop au harcèlement” n’a pas attendu que la ville de Lausanne trouve des solutions et elle a lancé l’initiative “‘À nos Rues” : un projet de pédibus de raccompagnement nocturne à Lausanne pour encourager le vivre-ensemble et le soutien mutuel. Lors du festival “La Belle Nuit” les soirées du 23 au 26 septembre, des bénévoles ont ainsi pu ramener chez elle-ux des lausannois-e-x-s en toute sécurité. Un sondage avait été fait au préalable afin de connaître les zones sensibles dans la ville.
Et ailleurs, qu’en pense-t-on du manspreading ?
Le manspreading est donc lié à un problème d’éducation et est répandu tout autour du globe.
Historiquement, la première apparition du mot « manspreading » date de 2013 suite à une campagne menée dans le métro New-Yorkais par la Metropolitan Transportation Autority.
Manspreading: what is it, and why has the term grown in popularity? https://t.co/nEzTpibocU pic.twitter.com/TecRJ0vkxg
— Oxford Languages (@OxLanguages) March 12, 2016
En Espagne, la pratique est interdite dans la ville de Madrid depuis 2017. Un pictogramme est affiché dans les bus afin d’avertir les usagers.
Et qu’en est-il en Suisse ? Nous avons contacté les CFF et les TL (transports lausannois) afin de leur demander s’ils avaient déjà été confrontés à des plaintes à ce sujet et si des mesures avaient été ou allaient être mises en place afin d’éviter ces incivilités.
Du côté des CFF, leur porte-parole affirme n’avoir reçu aucune demande ou réaction de la part de leur clientèle à ce sujet.
Quant aux TL, les transports lausannois, ils n’ont pas n’ont plus relevé de plaintes spécifiques à ce type de comportement ni de commentaires sur les réseaux sociaux. Ils déclarent rester constamment ouverts aux remarques de leurs usagers et usagères et seraient ouverts à mieux comprendre ce phénomène.
Comme disait Oscar Wilde, « Une chose dont on ne parle pas n’a jamais existé. C’est l’expression seule qui donne la réalité aux choses ». Alors pourquoi ne pas suivre l’exemple donné par l’association « osez le féminisme », qui en 2017 incitait les femmes à dénoncer ce type d’agissement auprès de la RATP ? L’association proposait même un texte type pour accompagner leur témoignage.
Moralité, si nous voulons faire changer les choses c’est à nous de le faire. N’hésitez donc pas à signaler aux transports publics de votre région par leurs sites respectifs ou par les réseaux sociaux.
Pour aller plus loin
Anonyme, « Rappelons la réalité du manspreading à la RATP« , Osez le féminisme,n15 juin 2017.
Brut, C’est quoi le manspreading ?, 9 juin 2017.
Cécile Bouanchaud, « Dans les cours de récréation, les filles sont invisibilisées« , Le Monde, 16 septembre 2018.
Emilie Brouze, »Comprendre les inégalités dans la cour d’école par Edith Maruéjouls », Genre et Ville, 19 février 2017.
Frédéric Ravussin, « Yverdon veut mettre les filles au centre de ses préaux« , 24 heures, 28 avril 2021.
Julie Rambal, « «Manspreading», postures de pouvoir, regard: de l’art de communiquer par les gestes », Le Temps, 12 avril 2018.