La maison Paulette éditrice, dirigée depuis 2015 par Guy Chevalley et Noémi Schaub, propose de penser la littérature autrement. Un défi osé?

Quand le mot «maison d’édition» vient en tête, la plupart des gens pense généralement à Gallimard ou Actes Sud. Évidemment, ces grandes entreprises françaises produisent une littérature très prisée, mais savez-vous qu’il existe des maisons locales? Pour décadréE, j’ai rencontré Guy Chevalley, codirecteur de Paulette éditrice, une maison à l’identité particulière. 

Paulette éditrice, maison d’édition créée en 2009 par Sébastien Meier, connaît une renaissance en 2015, lorsque Guy Chevalley et Noémie Schaub reprennent le flambeau. Depuis, la maison se démarque des autres, tout d’abord par sa première collection, les «Pives», qui propose des fictions courtes, puis avec leur deuxième collection, «Grattaculs», qui traite de littérature LGBTQIA+. 

Le codirecteur de la maison, Guy Chevalley, revient sur l’année 2015, moment où Noémi Schaub et lui-même réalisent le besoin d’une identité plus forte pour relancer la maison. Leur première collection, les «Pives», offre une chance à des formats généralement moins populaires et très peu mis en édition à ce moment-là: des textes courts, hybrides, qui se situent entre nouvelles et romans. Pendant plusieurs années, iels se sont consacré-es à cette production, jusqu’en 2020, année choc durant laquelle iels s’interrogent sur le futur de la maison. La question des communautés LGBTQIA+ apparaît alors, offrant un renouveau que Guy Chevalley décrit ainsi: «Lancer une collection est toujours un grand moment pour une maison d’édition. Il faut réaffirmer un projet, aller chercher une nouvelle énergie et des textes inédits». En deux ans, la collection «Grattaculs» a produit six textes et a reçu un accueil favorable dans le monde littéraire suisse. 

Un enthousiasme parlant?

Malgré l’enthousiasme autour de cette collection, Guy Chevalley rappelle tout de même la méfiance qui existe encore à l’égard de ce type de productions: «On a parfois l’impression que, si certaines propositions faites à des comités de programmation ou des organismes de subventions ne sont pas retenues, c’est peut-être lié à ces sujets qui sont vus comme communautaires, pas assez universels, ou même secondaires». Ainsi, la collection est donc particulièrement importante dans la redéfinition de ces sujets et enjeux. Guy Chevalley poursuit: «Le petit point de réserve qu’on a, c’est qu’il reste du travail pour qu’un public non concerné soit intéressé». 

D’un autre côté, l’éditeur mentionne les courriels de remerciements qu’iels ont reçu au lancement de la collection, révélant ainsi l’importance que cette littérature peut avoir aux yeux des personnes s’identifiant à la communauté LGBTQIA+. «Il y avait une véritable attente», précise-t-il, avant de poursuivre: «Bien que les maisons d’édition généralistes publient parfois ce type de littérature, Paulette est une maison d’édition qui a l’ambition d’avoir un catalogue de fond et de construire les choses petit à petit, ce qui prend du temps». 

Les livres sont donc défendus avec une verve particulière et l’accompagnement, conscient des enjeux liés à ces thématiques, est très important pour Paulette éditrice. La collection «Grattaculs» représente également une bannière que certain-es auteurices ont parfois envie de brandir, à l’image de Julien Burri. L’écrivain vaudois, qui avait été édité par de nombreuses maisons, est venu chez Paulette pour Parades, un titre qu’il avait envie de voir paraître dans cette collection.

Une maison d’édition éthique et écologique

Un autre aspect particulier de l’identité de Paulette est le fait qu’elle produise tous ses ouvrages localement. Les coûts de production élevés limitent pour l’instant la maison à une diffusion suisse (à cause du pouvoir d’achat plus faible en France par exemple, ou des frais postaux trop élevés). Paulette éditrice tient toutefois à cette partie de son identité et l’éthique est apparue dès le départ comme un élément essentiel pour les deux éditeurices. La plupart des maisons d’édition suisses imprimant à l’étranger, Guy Chevalley commente ce choix: «on a voulu créer un lien de confiance avec les lecteurices et il ne s’agit pas juste de produire du contenu culturel et artistique, mais aussi que l’objet livre ait un sens». Pour cela, iels évitent le sur-tirage, réfléchissent au type de papier utilisé et font appel à des entreprises locales. 

L’image de Paulette éditrice est donc particulièrement affirmée et mérite que l’on s’intéresse au caractère insolite de sa production. La littérature suisse évolue et inclut désormais de nouveaux regards que le Webzine de décadréE vous invite à découvrir.