Menu de l'institut
Menu du LAB

LE LAB

Qui sont les sorcières modernes ?

Qui sont les sorcières modernes ?

Auteurice Carlotta Maccarini, 7 juin 2021

« Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas pu brûler ». La citation de Tish Thawer dans son best-seller The Witches of BlackBrook, sorti en 2015, a été reprise dans d’innombrables manifestations féministes. Que ce soit dans les médias, les réseaux sociaux, les séries ou même dans les manifestations, la sorcière est partout et n’a jamais été autant populaire. Mais être une sorcière en 2021, c’est quoi exactement?

D’influenceuse à ensorceleuse

Cristaux, sauge, tirage du tarot et autres rituels envahissent les réseaux sociaux depuis quelques années. Un regain d’attrait pour l’ésotérisme et une visibilité exacerbée par quelques influenceur-e-x-s et voilà que le hashtag #witchofinstagram atteint 6.5 millions de publications sur Instagram. A mi-chemin entre développement personnel et militantisme, la sorcière de 2021 est multiple. Je vous propose de rencontrer quelques-unes de ces femmes qui prennent le pouvoir sur les réseaux sociaux.

Grimoire et occulte, Jack Parker 

La romancière et ex-journaliste de Madmoizelle, Jack Parker, de son vrai nom Taous Merakchi, a publié pour Halloween 2019 son grimoire Witch Please. Véritable initiation à la sorcellerie, ce livre est l’aboutissement d’une newsletter que l’autrice avait lancé en 2017. Illustré par Diglee, qui est également une autrice de bande dessinée, ce grimoire se veut comme un guide pour commencer à pratiquer des rituels chez soi.

Un penchant pour l’occulte, c’est ce qui a mené Jack Parker à créer la newsletter éponyme en 2017.  Mais l’autrice a plusieurs cordes à son arc, et outre un livre sur les règles, elle a notamment créé le podcast « Mortel », où elle vulgarise la mort. Il en nait un livre, Petit guide de survie à la mort, sorti en novembre 2020.

Du blog mode aux méditations de pleine lune, Kristina Bazan

La suissesse Kristina Bazan, ancienne blogueuse, est aujourd’hui une influenceuse suivie par plus de 2 millions d’abonné-e-x-s sur Instagram. Révélée en 2011 grâce à son blog mode « Kayture », elle poste depuis quelque temps des story totalement en opposition avec ses premiers amours. Habituée des shootings pour les grandes marques de mode et de cosmétiques, elle alterne désormais publications ésotériques et photos esthétiques. Mais ce changement n’est pas au goût de tou-te-s, et même du réseau social. Dans un récent post, elle accuse Instagram d’invisibiliser les contenus qu’elle publie qui sont du domaine de l’occulte.

 

L’influenceuse est constamment questionnée sur ces changements de vie qu’elle a opérés, car elle s’est d’abord fait un nom en étant finaliste du concours Miss Suisse, puis a collaboré avec les plus grands noms de la mode. Elle a ensuite été une égérie pour l’Oréal Paris. A croire qu’une femme qui était admirée pour sa beauté ne peut développer de sensibilité pour l’occulte.

Activisme et écoféminisme, Starhawk 

Starhawk, née Miriam Simos, est une écrivaine américaine et surtout une militante. Pratiquant la sorcellerie depuis ses 17 ans, elle s’autorevendique comme sorcière.

C’est en conciliant spiritualité et politique que Starhawk est devenue une figure de l’écoféminisme – un courant selon lequel les femmes, comme la nature, sont victimes de la domination masculine. Bien que le mouvement n’existe plus sous une forme organisée, Starhawk reste impliquée et continue de mener diverses actions comme des ateliers, des rituels en publique ou même des cours de permaculture afin de propager sa pensée.

Lors de l’administration Trump, elle s’est notamment illustrée en jetant des mauvais sorts au président. Elle est également venue soutenir la ZAD de Notre-Dame-des-Landes en France.

Aujourd’hui moins présente sur le plan politique, elle reste une des grandes icônes de la sorcellerie militante.

Mona Chollet, des nullipares à la chasse aux sorcières

Ces femmes aux parcours différents partagent toutes un penchant plus ou moins prononcé pour l’ésotérisme et une forme de spiritualité. Mona Chollet, qui a écrit Sorcières, la puissance invaincue des femmes, s’est intéressée aux femmes visées par les chasses aux sorcières.

Certains profils se dessinent: les femmes indépendantes, célibataires, sans enfant ou veuves. On retrouve une surreprésentation des femmes sans époux. Mais on trouve également des femmes cultivées et des guérisseuses.

Parmi ces dernières, certaines pratiquaient des avortements. Et leur élimination a permis aux hommes, qui étaient les seuls autorisés à exercer le métier de médecin, de reprendre le monopole des soins.

On attribuait d’ailleurs à la sorcière le fait d’être nullipare. Dans l’imaginaire collectif, les sorcières se réunissaient au Sabbat et elles pouvaient avoir des relations sexuelles sans tomber enceinte. Diaboliser cette infécondité permettait de s’attaquer à ces femmes qui avaient choisi de ne pas être mère.

Encore aujourd’hui, une femme qui choisit de ne pas faire d’enfant est stigmatisée. Mona Chollet, lorsqu’elle est interviewée par Lauren Bastide dans la Poudre, cite par exemple les détracteurs qui disent: « pense à ces femmes qui ne peuvent pas avoir d’enfant », comme si les femmes étaient interchangeables, c’est à dire qu’une femme qui peut avoir un enfant devrait en avoir pour compenser celles qui ne peuvent enfanter.

La sorcière est toujours représentée comme une vieille femme qui vit seule. Mona Chollet revient précisemment sur cette image de « la femme à chats », qui représente l’échec. « Une femme qui pense seule pense à mal », dit-elle dans son livre. Elle s’intéresse également à la femme qui vieillit, qui se périme, thème qu’elle avait déjà abordé dans son livre Beauté fatale.

Quid de nos jours 

Alors pourquoi, en 2021, s’approprier cette image pourtant si négative sous de nombreux aspects ? Invoquer la sorcière, c’est donner aux femmes une figure différente à laquelle s’identifier. En tout temps la sorcière a été une femme indépendante et puissante. Elle ne doit son autorité à personne et en cela elle en devient une icône féministe. Être féministe, mais également s’adonner à la sorcellerie permet d’avoir un rapport au féminisme qu’aucun homme ne pourrait s’approprier.Mais la sorcière est également une figure qui lutte contre l’hétéronormativité; elle ne se développe pas dans la figure familiale classique. Elle n’a donc pas pour vocation de devenir une épouse et d’avoir des enfants. En cela, elle permet également à des membres de la communauté LGBTQI+ de s’identifier: la sorcière moderne est multiple et permet à chacun-e-x-s de se l’approprier.

POUR ALLER PLUS LOIN

Podcasts :

Livres :

  • Mona Chollet – Sorcières: La puissance invaincue des femmes, éditions Zones
  • Taous Merakchi – Witch, please : Grimoire de sorcellerie moderne, éditions Pygmalion
  • Starhawk – Rêver l’obscur, éditions Cambourakis

Restez au courant de nos actualités:

S'inscrire à la newsletter

Recevez nos outils contenus media:

S'abonner à la boîte-à-outils