Questionner le masculin avec les ateliers Drag King [2/2]
Auteurice Amélie Duval, 11 juin 2018Illustrateurice
En performant une masculinité caricaturale, les Drag Kings remettent en question les codes genrés de la société. Les ateliers Drag Kings sont des lieux privilégiés de liberté et d’interrogation.
La semaine passée, Clém nous racontait son parcours et ses réflexions autour de son identité de genre à travers l’expérience Drag King. Aujourd’hui, DécadréE vous invite à vous enfoncer plus profondément dans la jungle des masculinités.
Alors que les Drag Queens ont le vent en poupe, leurs pendants masculins, les Drag King sont beaucoup moins connus du grand public. Ils permettent cependant de souligner ce que la masculinité a de performatif. Mais avant de monter sur scène, il arrive que les Drag Kings passent par la case “atelier” pour se lancer dans l’exploration du pays des masculinités.
© Clémentine K.
Remise en question des codes du masculin
Le terme drag est un mot anglais qui fait généralement référence aux vêtements associés à un genre lorsqu’ils sont portés par une personne de l’autre sexe. Dans Female Masculinity[1], Jack/Judith Halberstam -universitaire et professeur américain – décrit le Drag King comme «perform(ant) la masculinité (souvent de manière parodique) et fai(sant) de l’exposition de la théâtralité de la masculinité le pilier de son acte» ou encore «comme une personne de sexe féminin[2] (habituellement) qui s’habille avec un costume masculin et performe dans ce costume».
Les Drag Kings ont émergé dans les années 1990, en même temps que la théorie queer[3], – une théorie sociologique critiquant principalement l’idée que le genre et l’orientation sexuelle seraient déterminés génétiquement ou encore biologiquement. Si la performance drag king a un aspect ludique, festif et divertissant, elle est aussi profondément subversive. Dans notre société patriarcale, le Drag King s’approprie, se moque, exagère et caricature la masculinité. Ce faisant, il remet en question le côté «naturel» des traits de caractère, tics de langages et attitudes corporelles habituellement attribués aux hommes.
Dans son livre Female Masculinity, Jack/Judith Halberstam explique que «la masculinité est largement considérée comme innée ou neutre», en opposition à la féminité, souvent «associée à des artifices ou des attributs comme le maquillage, les cheveux longs, les talons hauts». Selon elle/lui, «les gens ne peuvent pas voir la masculinité en tant que performance». Or le drag, et les Drag Kings en particulier permettent de remettre en question cette vision binaire du genre ainsi que les codes de la masculinité. «J’appelle ça un spectacle drag king, mais en fait c’est surtout une critique de la masculinité et de comment on peut la déranger» déclare le drag king VaLone au web-journal Jezebel.
Les ateliers Drag Kings, voyage en Masculinité
«Voir, et avoir à disposition tous les possibles, est libérateur» semble lui répondre la Drag Queen Frida Nipples dans un récent article de la Tribune de Genève. Profondément subversif, le drag permet aussi à chacunE d’interroger intimement son identité et son rapport avec les codes de la société en matière de genre. Les ateliers Drag Kings sont des endroits privilégiés pour explorer ces possibilités. Organisés dans le cadre de festivals ou de soirées queer, ils permettent de déconstruire des codes sociaux qui influent l’identité de chacunE. Le programme comprend par exemple: «l’apprentissage des basiques de la transformation physique: barbe ou moustache, coiffure, bandage des seins, fabrication d’un « service trois-pièces » … Puis (…) l’attitude: comment marcher, serrer la main, s’asseoir dans le métro, et danser comme un homme.»
Dans un entretien pour DécadréE, Clém partage avec nous les résultats de sa recherche concernant l’influence d’un atelier Drag King sur ses participantEs. Tel un voyage, l’atelier Drag King permet de découvrir un nouveau pays, celui des masculinités. Il permet d’en adopter les us et coutumes pour un bref moment, et même de se découvrir soi-même. Afin de rendre compte de l’expérience d’un atelier Drag King, Clém organise une exposition collaborative “Destination: King Centrale!” du 21 au 23 Juin 2018, au Pavillon Bleu, au coeur des Grottes. L’objectif? Un voyage multisensoriel au pays des masculinités!
Notes:
[1] Judith/Jack Halbertsam Female Masculinity 1998
[2] Ils/Elles peuvent aussi être transgenres, non-binaires ou queer.
[3]Judith/Jack Halberstam, The Drag King Book, 1999