Revue des médias : sortie des statistiques de la criminalité
Le lundi 28 mars l’Office fédéral de la statistique a publié les statistiques policières de la criminalité. Certains médias ont mis en perspective les chiffres. Or peu d’entre eux ont décrit les violences sexistes avec précision, certains ont utilisé le terme discutable de «fléau».

Seulement 2 articles mentionnaient explicitement le terme «féminicide», et 2 utilisaient le terme problématique «fléau». Un seul article mentionnait explicitement les mécanismes propre à la violence en parlant «d’escalade de la violence».
Mise en contexte
Les chiffres sont importants pour montrer l’ampleur et l’évolution de la problématique des violences sexistes. Il est essentiel de les mettre en contexte.
Les statistiques policières ne reflètent pas l’ensemble des violences, mais uniquement les dénonciations de l’année auprès des autorités. Watson souligne ainsi avec beaucoup de pertinence à la fin de son article qu’il faut avoir conscience de la présence de “chiffres noirs”.

Il est important de souligner le fait que les chiffres de la criminalité dont on vient de parler ne correspondent pas totalement au nombre d’infractions qui ont réellement été commises en Suisse. La police n’a en effet connaissance que d’un certain nombre de délits. Les autres, soit la criminalité qui échappe aux statistiques officielles, sont connus sous le nom de «chiffres noirs». (Watson, 29.03.22)
Dans la même optique, il est imprécis de titrer « Criminalité – JU/Nette hausse des violences conjugales dans le Jura en 2021» (ats, 23.03.2022) et plus juste de titrer «Les dénonciations pour violence conjugale explosent» ( Le matin, 29.03.2022).
L’année 2020 ayant été particulière en raison du confinement et d’une hausse des violences, il était également important de mettre les résultats des statistiques en perspective avec les années précédentes et de le mentionner. Peu de médias l’ont fait.

Si beaucoup annonce une diminution des dénonciations, il s’agit plutôt d’une stabilité au vue des chiffres de 2019 comme le note Watson «Bien qu’en légère baisse par rapport à 2020, ce chiffre est le troisième le plus élevé signalé au cours des dix dernières années.» ( Watson, 29.03.22) ou encore le Nouvelliste «Avec 341 cas, le nombre de violences domestiques affiche une baisse spectaculaire. Toutefois, il faut rappeler que leur nombre avait explosé en 2020 (417 contre 366 en 2019), probablement à cause du confinement.» (le Nouvelliste, 29 mars 2022).
La question du vocabulaire
La majorité des journaux ont abordé la question en réutilisant le vocabulaire des sources statistiques. Toutefois, d’autres terminologies sont apparues et nous questionnent. Comme indiqué plus haut, plusieurs journaux désignent les violences domestiques comme «un fléau». Cette comparaison permet d’imaginer l’ampleur du problème et de se défaire de l’image des violences comme des faits ponctuels et privés.
Il est toutefois inadéquat. Le terme fléau renvoie à l’idée funeste de la maladie, à la catastrophe écologique ou humaine, voire aux épidémies. Tout comme le terme drame, fréquemment utilisé dans le cas des violences, un fléau provient d’une intervention externe, voire divine. Le terme déresponsabilise et invisibilise ainsi les auteurs.
Fléau
[fléau]
NOM MASCULIN SINGULIER2. Fig. Personne ou chose funeste qui semble un instrument de la colère divine ; grande calamité publique.
▪ Par extension. Phénomène ou personne nuisible, funeste, redoutable.
Dictionnaire de l’Académie française [consulté le 11.04.2022]
De plus, les violences sexistes ne sont pas des maladies ou des catastrophes, mais des faits sociétaux. Le terme invisibilise cette réalité et est donc à proscrire.