Décryptage – La diffusion médiatique de la décision de la Cour suprême britannique sur le genre
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Décryptage
Suite au relai dans les médias suisses romands de la décision de la Cour suprême britannique sur le genre et sa définition, nous proposons un décryptage pour voir comment les journalistes traitent de cette actualité.
Tout d’abord, nous proposons des définitions des termes utilisés.
Sexe
Le sexe fait référence aux caractéristiques biologiques (gonades, organes génitaux, chromosomes, hormones) qui peuvent être différentes selon les personnes et qui sont traditionnellement regroupées et classées selon deux catégories mâle ou femelle, alors qu’il y a davantage de diversité et de variations que ces deux groupes distincts (cf. les personnes intersexuées).
Genre
Le genre se réfère aux différences socialement construites entre le féminin et le masculin. Elles sont acquises et dépendantes d’une société donnée, dans un temps donné. Lors de la naissance, et selon les caractéristiques sexuelles visibles, chaque enfant sera rangé dans une catégorie, à savoir mâle ou femelle. Selon cette assignation, le genre de la personne sera supposé : femelle → fille/femme ou mâle → garçon/homme. Du genre découle ensuite des normes et attentes sociales distinctes, ce sont les rôles de genre.
Transgenre/trans*/trans : personne qui ne se reconnaît pas, ou pas totalement, dans le genre assigné à la naissance. Ce terme regroupe un grand nombre de réalités, dont :
- Femme trans* : une femme qui a été assignée au genre masculin à la naissance mais dont le genre est féminin. On parle d’elle au féminin.
- Homme trans* : un homme qui a été assigné au genre féminin à la naissance mais dont le genre est masculin. On parle de lui au masculin.
- Personne non-binaire : les personnes non-binaires ne sont ni exclusivement homme, ni exclusivement femme, mais peuvent être entre les deux, un genre au delà du féminin et du masculin, un « mélange » de genres ou aucun genre.
Une personne dont le genre est en adéquation totalement avec le genre assigné à la naissance est une personne cisgenre.
Contexte
En avril 2025, la Cour suprême britannique décide de la primauté du sexe biologique sur le genre dans les espaces non-mixtes. Bien que les répercussions dans les faits ne soient pas encore toutes connues, les premières conclusions montrent que les personnes trans* ne pourront plus utiliser les toilettes de leur genre (cela signifie qu’une femme trans ne pourra plus utiliser les toilettes des femmes), ni les vestiaires, ni les centres d’accueil pour victimes de violences domestiques par exemple.
Avant même la décision rendue, le fait que la Cour suprême britannique allait se pencher sur cette question était présent dans les médias. Cette affaire est médiatisée pour sa portée, son sujet qui fait régulièrement l’actualité (la transidentité), mais également car l’autrice internationalement connue JK Rowling soutient financièrement “For Women Scotland”, un collectif a l’origine du mouvement qui a demandé à la Cour suprême britannique de rendre une décision sur cette question.
Ainsi, la décision de la Cour suprême dit que l’égalité est liée au sexe biologique et non pas au genre. Les médias reprennent ces termes là. Nous proposons de discuter de l’éventuelle confusion que cela peut amener pour le lectorat.
Médiatisation et analyse
La médiatisation en Suisse romande connaît deux moments : le jour de la décision de la cour suprême britannique (et les suivants) où la décision est actée et transmise ; puis à chaque décision de fédération ou institution qui modifie son réglement pour y inclure la décision.
Dans le premier moment, les précédentes décisions juridiques qui ont mené à ce moment sont explicitées (par exemple en Ecosse), le soutien de JK Rowling est cité et la décision est mise en avant majoritairement à travers le discours rapporté direct des juges et des membres de “For Woman Scotland”. Le discours rapport direct confère une importance aux propos. Les personnes et associations trans ont peu la parole, ou avec un discours rapporté indirect.
Dans le deuxième moment, après la décision, et qui continuera encore ces prochaines semaines en fonction des modifications réglementaires (d’associations de sport, d’université, etc.), l’accent est plus mis sur les conséquences. Plus régulièrement des personnes trans et des associations spécialisées s’expriment. Cela est important pour se rendre compte de l’impact réel et quotidien sur des personnes.
Dans plusieurs articles, il y a également des paroles de personnalités politiques ou d’organisations dont les valeurs sont proches de “For Woman Scotland” qui sont rapportées directement. Dans le cadre du discours rapporté direct des organisations, cela amène de la confusion à la lecture, car elles utilisent le terme “hommes” pour désigner les femmes trans. Il n’est donc plus clair de qui il est question.
Avec les personnalités politiques, il est parfois précisé “hommes biologiques” après le terme “femmes trans”, ce qui est également inadéquat. Ce que ce terme recouvre n’est pas clair, car chaque être humain est biologique et la définition du sexe dépend de plusieurs caractéristiques biologiques (organes génitaux, chromosomes, hormones, etc).
Enfin, les absences notables dans les médias sont les hommes trans et les personnes non-binaires (un seul article les mentionne), alors que la décision de la Cour suprême britannique semble également les inclure.
Sélection d’articles analysés pour ce décryptage :
- 2025.08.12, Julie Zaugg, La Liberté (repris le 2025.08.13 par Le Courrier), “Un arrêt de la Cour suprême limite les droits des femmes transgenres” : https://www.laliberte.ch/articles/monde/un-arret-de-la-cour-supreme-limite-les-droits-des-hommes-devenus-femmes-1174858
- 2025.06.06, Tristan de Bourbon, Tamedia (24Heures / Tribune de Genève), “En Angleterre, le football est devenu le terrain du débat sur les transgenres” : https://www.24heures.ch/angleterre-le-football-terrain-du-debat-sur-les-transgenres-401964292564
- 2025.05.04, Camille Paix, Le Courrier, “Femmes trans, et maintenant?” : https://lecourrier.ch/2025/05/04/femmes-trans-et-maintenant/
- 2025.05.01, AFP, blick.ch, “Les femmes transgenres interdites de compétitions féminines en Angleterre” : https://www.blick.ch/fr/sport/definition-de-la-femme-les-femmes-transgenres-interdites-de-competitions-feminines-en-angleterre-id20829085.html
- 2025.04.30, Ruben Steiger, lematin.ch, “L’Écosse exclut les femmes transgenres des compétitions féminines” : https://www.lematin.ch/story/football-l-ecosse-exclut-les-femmes-transgenres-des-competitions-feminines-103334238
- 2025.04.27, AFP, lematin.ch, “Nouvelles directives après la décision sur la transidentité” : https://www.lematin.ch/story/royaume-uni-nouvelles-directives-apres-la-decision-sur-la-transidentite-103332490
- 2025.04.16, ats/svp, watson, “Le Royaume-Uni a pris sa décision sur la définition légale d’une femme” : https://www.watson.ch/fr/international/transgenre/491165039-la-definition-legale-d-une-femme-repose-sur-le-sexe-biologique
- 2025.04.16, juma avec afp, RTS, “Pour la Cour suprême britannique, la définition d’une femme repose sur le sexe biologique, non le genre” : https://www.rts.ch/info/monde/2025/article/cour-supreme-britannique-femme-definie-par-sexe-biologique-pas-le-genre-28856476.html
- 2024.04.09, Andrés Allemand Smaller, Tamedia (24Heures / Tribune de Genève), “La première juge transgenre défie les féministes à la J. K. Rowling” : https://www.24heures.ch/royaume-uni-la-1ere-juge-transgenre-defie-des-feministes-378835834692
DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer les améliorations possibles sur ces questions et nous proposons des outils concrets pour aider les journalistes. Nous proposons par exemple un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.
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