Décryptage – Transidentités et intersexuation : éviter la confusion
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Décryptage
Durant notre veille médiatique sur les thématiques LGBTIQ+, nous avons remarqué que plusieurs médias mélangeaient les questions trans*/non-binaires et intersexes, sans distinction claire. Une des explications est la reprise des discours politiques, qui lors des échanges sur une modification de la loi pour permettre l’ajout d’un “troisième sexe[1]” administratif et juridique, parlaient souvent des personnes trans* et intersexes comme un tout. Néanmoins, les enjeux de ces deux thématiques diffèrent, il est donc important de savoir les différencier pour ne pas transmettre des informations inadéquates au lectorat et à l’audimat.
[1] Nous reprenons le terme administratif, politique et juridique utilisé, bien qu’il soit question de genre.
Les définitions
Les personnes intersexuées sont des personnes dont le corps possède des caractéristiques liées au sexe biologique (organes génitaux, chromosomes, hormones, etc.) ne correspondant pas ou qu’en partie aux catégories biologiques binaires définies pour distinguer les sexes/corps dits « femelles » et « mâles ».
Une personne dont les caractéristiques liées au sexe biologique correspondent au schéma binaire mâle/femelle est une personne dyadique
Les questions d’intersexuation sont ainsi liées plus directement au sexe.
Tandis que les personnes trans* sont des personnes qui ne se reconnaissent pas, ou pas totalement, dans le genre assigné à la naissance. Ce terme regroupe un grand nombre de réalités. Il est néanmoins important de noter que toute personne a une identité de genre. Voici quelques exemples :
- Femme trans* : une femme qui a été assignée au genre masculin à la naissance mais dont le genre est féminin. On parle d’elle au féminin.
- Homme trans* : un homme qui a été assigné au genre féminin à la naissance mais dont le genre est masculin. On parle de lui au masculin.
- Personne non-binaire : les personnes non-binaires ne sont ni exclusivement homme, ni exclusivement femme, mais peuvent être entre les deux, un genre au delà du féminin et du masculin, un « mélange » de genres ou aucun genre. Les non-binarités regroupent un grand nombre d’identités.
- Personne cisgenre : personne dont le genre ressenti et le genre assigné à la naissance correspondent totalement.
Les questions de transidentités sont donc liées au genre et plus précisément à l’identité de genre.
Les journalistes et l’intersexuation
Nos différentes recherches ont montré que les questions d’intersexuation sont très peu présentes dans les médias. Durant la recherche exploratoire, sur 145 articles analysés, 2 parlaient de l’intersexuation. Entre juillet 2021 et novembre 2022, sur 2’941 sujets médiatiques, 8 étaient consacrés aux questions intersexes, mais 23 traitaient de l’intersexuation et des transidentités, en lien avec des débats politiques.
Cette invisibilité participe à la méconnaissance globale sur ce sujet. Pourtant, près de 2% de la population serait intersexe. Les journalistes interrogé-es ont également dit avoir peu de connaissances sur ces questions, comparé à d’autres thématiques LGBTIQ+.
La confusion entre transidentités et intersexuation dans les médias
Un point que nous retrouvons régulièrement dans les médias est une confusion au niveau des définitions. Il y en a rarement mais lorsque c’est le cas, elles sont souvent incomplètes ou inadéquates sur les questions trans* et intersexes, ce qui ne permet pas de distinguer les deux thématiques.
Il y a également une réduction des enjeux autour du “troisième sexe” (juridique et administratif) et des toilettes “non-genrées”. Ces revendications sont tenues par exemple par les personnes non-binaires, mais pour les questions d’intersexuation, les spécialistes demandent principalement l’arrêt des mutilations génitales et des traitements médicaux non-consentis sur les enfants intersexes. Ainsi, en mélangeant ces deux thématiques, les médias participent à reproduire certains stéréotypes sur ces questions.
Un autre point d’attention est que les personnes concernées – qu’elles soient trans* ou intersexes – ont peu la parole dans les médias. Ce qui ne permet pas de les rendre vraiment visibles.
Articles analysés pour ce décryptage :
- 24 Heures, 27.10.2021, “Un changement de sexe deviendra plus facile dès le 1er janvier” : https://www.24heures.ch/un-changement-de-sexe-deviendra-plus-facile-des-le-1er-janvier-966744946709
- Tribune de Genève, 1.09.2021, “Polly, ni vraiment garçon, ni fille” : https://www.tdg.ch/polly-ni-vraiment-garcon-ni-fille-963157065450
- RTS, 27.12.2021, “Procédure simplifiée pour changer légalement de sexe dès le 1er janvier” : https://www.rts.ch/info/suisse/12747967-procedure-simplifiee-pour-changer-legalement-de-sexe-des-le-1er-janvier.html
- RTS, 18 juillet 2022, “La Ville de Zurich va introduire des toilettes non genrées dans les écoles” : https://www.rts.ch/info/regions/autres-cantons/13250525-la-ville-de-zurich-va-introduire-des-toilettes-non-genrees-dans-les-ecoles.html
- Watson, 5.06.2023, “Transgenres en Suisse: ce cas pourrait faire changer la loi” : https://www.watson.ch/fr/suisse/droit/127333316-transgenres-en-suisse-ce-cas-pourrait-faire-changer-la-loi
- Tribune de Genève, 18.01.2024, “Pourquoi l’AMR exclut les hommes d’une soirée jazz” : https://www.tdg.ch/hommes-exclus-dune-soiree-jazz-lamr-explique-sa-demarche-449676001367
DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.
Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund et la fondation oak.