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Les devoirs scolaires, un medium d’apprentissage qui n’échappe pas au sexisme

Les devoirs scolaires, un medium d’apprentissage qui n’échappe pas au sexisme


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DécadréE s’est penché au mois de juin sur les différentes représentations que des enfants de 7 à 8 ans avaient chaque semaine à la maison dans leurs devoirs et qui contribuent à construire leurs « modèles » de demain.

Oui, parce que les représentations de rôles modèles, role-models comme on les appelle aussi en anglais, sont partout. Sur des médias (1) d’information, comme la presse et le TJ, sur des médias de divertissement, comme les séries et les tournois sportifs, ou sur des médias de promotion, comme les spots publicitaires, les affiches. Mais aussi sur des supports d’apprentissage… comme les devoirs des enfants, pardi !

Aujourd’hui, de nombreuses recherches prouvent que le rôle des modèles tient une place primordiale dans les choix de carrière féminines et que leur médiatisation a un véritable impact positif. Si les écueils sont rarement volontaires, ils se manifestent souvent par la reproduction des représentations sociales attendues selon le genre.

Il est important d’éviter d’essentialiser l’expertise des femmes et de prendre en compte la pluralité des domaines de compétences. Voyons maintenant ensemble quelles sont les représentations proposées par un média d’un autre genre : les devoirs.

Classeur de devoirs ouvert sur des exercices de mathématiques.

Décryptage

Pour y parvenir, l’institut a compté et trié toutes les représentations nichées dans les devoirs d’une classe de 4P Harmos romande sur une période de trois mois environ.

L’institut a choisi de compter les apparitions nominales et pronominales : les pronoms personnels pour les exercices de conjugaison, les personnages des problème de mathématique, des exercices de lecture et de compréhension ainsi que ceux des exercices d’écriture ont été recensés. Les personnages sont soit prénommés, soit nommés par leur fonction sociale et/ou professionnelle.

Puis les représentations ont été classées en deux catégories. Une catégorie « sans rôle modèle » et une catégorie « avec ». Cette séparation nous permet de vérifier, premièrement, le nombre générale de représentations genrées et, deuxièmement, le nombre de représentations pouvant être inspirantes.

  • Exemple 1: papa fonction social d’être parent = rôle modèle
  • Exemple 2: Emma prénom = sans rôle modèle
  • Exemple 3: nous pronom personnel = sans rôle modèle
  • Exemple 4: marchande fonction professionnelle, métier = rôle modèle

Les représentations « avec un rôle modèle » permettent de découvrir des représentations de nos sociétés mais également d’en questionner, voir d’en inspirer de nouvelles.

Les représentations sans rôle modèle

Les prénoms

Les prénoms des personnages sont presque égaux en genre: quatorze prénoms masculins et treize prénoms féminins. Nota bene : aucun prénom épicène n’a été repéré. En d’autres termes, il n’y avait ni de Camille ni de Charlie ou de Sacha, des prénoms portés par des filles et des garçons sans que l’orthographe ou la prononciation ne changent pour signifier le genre de la personne.

Les pronoms

Les pronoms à la 3e personne des exercices de conjugaison sont plutôt féminins: trois pronoms masculins et sept pronoms féminins.

Premier constat, les représentations sans rôle-modèle, soit des personnes dont la fonction n’est pas définies, sont plutôt équilibrées. 20 représentations féminines pour 17 masculines. Ce qui correspond à un taux de 54 % de représentations féminines pour 46% masculines.

Or, voyons maintenant comment les représentations à qui on attribue un rôle-modèle (par exemple, un métier) sont réparties par genre.

Les représentations avec rôle modèle

Les fonctions et les rôles: 17 représentations masculines, douze représentations neutre et dix représentations féminines.

Les métiers

Deux directeurs, un jardinier, un facteur, un boucher, une fois des moniteurs et un auteur. En tout, sept rôle modèles masculins.
Une marchande et une fleuriste. En tout, deux rôles modèles féminins.

Les fonctions sociales

Trois frères, un papi, un homme (!), deux pères, un papa et deux amis. En tout, dix rôles modèles sociaux masculins.
Trois mamans, une mami, une sœur, une mère, une voisine et une grand-mère. Au total, huit rôles modèles sociaux féminins.

À cela s’ajoutent douze fonctions sociales neutres : six enfants, deux parents, un bébé, une personne et deux fois des pirates.

Pirate est un mot épicène. Logiquement, on ne sait pas si les pirates sont des hommes ou des femmes. Il est pertinent de souligner que lorsque des stéréotypes de genre sont liés à des termes épicènes, les représentations de ces termes les reproduisent cependant. Concernant le terme pirate, si rien dans les textes, accords de genre et descriptions, ne déconstruit les stéréotypes, l’image mentale que l’on se fait des pirates incarne majoritairement des hommes, certainement avec un tricorne, un sabre et une barbe noire, des accessoires qui renforcent leur masculinité.

L’analyse et le recensement des représentations nous permettent de conclure que lorsqu’il s’agit de représentations avec une fonction définie et inspirante, les représentations féminines chutent drastiquement. En effet, la part de représentations féminines correspond plus qu’à 26% tandis que la part masculine, plus stable, correspond à 43%. Les rôles modèles neutres équivalent à 31% des représentations.

De plus, les femmes et filles abondent dans le rôles sociaux et familiaux attendus selon leur genre et sont quasi exclues de fonctions professionnelles. En effet, les représentations des fonctions professionnelles répondent à des codes genrés, des stéréotypes. A l’instar des pirates cités avant, les représentations des métiers de direction sont généralement au masculin. Les représentations de femmes sont plus nombreuses dans les rôles sociaux et familiaux sans pour autant surpasser le nombre de représentation masculine.

On souligne anecdotiquement qu’il y a une représentation dont le rôle est uniquement un marqueur social de genre et qu’il ne désigne aucun autre rôle, familial ou affectif. Il est au masculin et est adulte: c’est un homme.

Déjà en 2018, le Guide pour prévenir les discriminations et les violences de genre édité par le deuxième Observatoire analyse le contenus des manuels scolaires. Il conclue que « la majorité des personnages sont masculins et ont un rôle prépondérant » et ajoute que « ce qui participe à renforcer les stéréotypes de genre dans les supports pédagogiques ne saute pas forcément aux yeux » (2).

Faire attention aux représentations médiatiques des femmes et des filles permet de créer de nouveaux modèles et de contribuer à la construction d’une société égalitaire. Les créateurs et créatrices de contenus, surtout scolaires, ont une responsabilité dans la perception et l’évolution des représentations collectives.

Nous voulons plus d’égalité et de diversité dans les médias, à commencer par les représentations proposées aussi aux jeunes générations. Pour qu’elles deviennent aussi directrice, jardinière, factrice, bouchère et autrice !

Cette étude est possible grâce au soutien de La Société suisse d’utilité publique (SSUP)

Le matériel pédagogique L’école de l’égalité est disponible sur la plateforme egalite.ch.

Télécharger aussi la brochure du cycle 1, 1ere – 4e année ➞

Le guide pour prévenir les discriminations et les violences de genre dans les écoles primaires édité par le deuxième Observatoire

Télécharger Le ballon de Manon et la corde à sauter de Noé ➞

EN SAVOIR PLUS

(1) Définition de «média» selon le Robert en ligne : Moyen, technique et support de diffusion massive de l’information.

(2) DUCRET Véronique et NANJOUD Bulle, 2018. « Le ballon de Manon et la corde à sauter de Noé », Ed. Le deuxième Observatoire, Chapitre 3, pp. 38-39.

Décryptage – Le traitement médiatique des pratiques dites “de conversion”

Décryptage – Le traitement médiatique des pratiques dites “de conversion”


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Décryptage

L’expression “thérapies de conversion” vient des Etats-Unis d’Amérique dans les années 1950 et fait référence à de multiples pratiques non-scientifiques, censées modifier l’orientation sexuelle/affective ou l’identité de genre des personnes LGBTIQ+, selon les personnes qui les proposent.

 

Le sujet des pratiques dites “de conversion” est plus présent dans les médias suisses depuis quelques mois. Cela est lié à l’actualité politique, avec des interdictions dans certains cantons romands et des discussions à l’échelle nationale, mais également dans d’autres pays européens. Nous proposons un décryptage de ce sujet médiatique dans les médias romands.

La moyenne des 47 sujets médiatiques (article de presse, TV, radio) recensés dans 19 médias romands, entre le 7 février 2024 et le 26 mai 2025, parlant spécifiquement des pratiques dites “de conversion”, est de 0,18. Cela signifie que le traitement médiatique est globalement adéquat.

Néanmoins, nous relevons quelques écueils qui limitent la compréhension des pratiques dites “de conversion” (aussi appelées mesures ou thérapies de conversion) pour le grand public.

Les médias ont tendance à mettre en avant surtout l’orientation sexuelle et affective dans les cas de pratiques dites “de conversion”, négligeant l’identité de genre qui est pourtant également incluse dans les (projets de) lois en Suisse romande. Il est ainsi souvent question de “pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle” ou de “délivrer les homos”. Cela est également le cas pour les personnes concernées qui témoignent dans les médias, la plupart ont subi des pratiques visent à modifier leur orientation sexuelle et affective. Pourtant, le Panel Suisse LGBTIQ+ de 2023 met en avant que 15,5% des personnes non-cisgenres et 9,5% des personnes non-hétérosexuelles ont subi des pratiques visant à modifier leur identité de genre ou leur orientation sexuelles et affective.

D’ailleurs, même si certains témoignages existent, il y en a uniquement 4 dans les 47 sujets médiatiques analysés. Ainsi, en majorité, il manque la parole des personnes concernées dans les médias ce qui permet moins de se rendre compte de la réalité suisse. Il n’y a en outre pas beaucoup plus de personnes expertes dans les médias (6 mentions sur 47), ces dernières étant principalement en lien avec les communiqués de presse des associations nationales.

De plus, lorsque des exemples sont donnés, ils sont centrés pratiquement uniquement sur les milieux religieux. Bien que plusieurs cas et études aient montré qu’il existait des pratiques dites “de conversion” en lien avec la spiritualité, des exemples sont aussi ressortis dans le monde médical. D’ailleurs, la loi valaisanne qui interdit ces pratiques est insérée dans un loi sur la santé. Il convient de les rendre visible car la réalité suisse n’est pas celle des films hollywoodiens et les pratiques dites “de conversion” peuvent être plus subtiles mais toujours interdites.

Ainsi, bien que le sujet soit traité de manière adéquate dans les médias romands, il est important de faire attention à bien mettre en avant l’entier des victimes des pratiques dites “de conversion” et à montrer leur pluralité, car elles sont interdites presque partout en Suisse romande.

Sélection d’articles analysés pour ce décryptage :

Situations en juin 2025 dans les différents cantons romands : Berne, Neuchâtel,Valais, Vaud : interdiction Genève, Fribourg, Jura : projets de loi en vue d'une interdiction

DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer les améliorations possibles sur ces questions et nous proposons des outils concrets pour aider les journalistes. Nous proposons par exemple un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

Télécharger le lexique ➞

Télécharger le livret de recommandations ➞

Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, la ville de Genève et le LGBTI Youth Fund.

Victimisation secondaire: ce que le procès Depardieu dit des médias suisses

Victimisation secondaire: ce que le procès Depardieu dit des médias suisses


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Décryptage

En mars 2025, Gérard Depardieu comparaissait à Paris pour agressions sexuelles. Mais au-delà des faits reprochés à l’acteur, c’est un autre phénomène qui s’est imposé à l’audience : la victimisation secondaire. Cette forme de violence institutionnelle s’est manifestée tout au long du procès, notamment à travers la stratégie de défense de l’accusé. Et en Suisse ? Si certains médias ont su questionner ces mécanismes, d’autres sont passés à côté d’une analyse essentielle pour comprendre la violence institutionnelle à l’œuvre.

Mais c’est quoi, la victimisation secondaire ?
La victimisation secondaire, c’est cette deuxième violence que subissent les personnes victimes de violences sexistes ou sexuelles. Elle ne vient pas de l’agresseur, mais des institutions censées les protéger : la police, la justice, les médias.

Elle se manifeste par des remarques ou des procédures qui remettent en cause leur parole, les culpabilisent ou les réduisent à des stéréotypes. C’est quand on demande à une plaignante pourquoi elle a attendu pour porter plainte, ce qu’elle portait ce jour-là, ou si elle a résisté. C’est aussi quand on la fait passer pour instable, manipulatrice ou intéressée.

Ce phénomène est reconnu par des instances comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), mais il reste peu connu du grand public. Pourtant, il est central pour comprendre pourquoi tant de victimes renoncent à porter plainte — ou se rétractent après avoir parlé.

Le procès Depardieu : la victimisation secondaire comme stratégie judiciaire
Plusieurs médias (1) ont relevé que pendant ce procès de Gérard Depardieu, la défense ne s’est pas limitée à contester les faits : elle a directement ciblé la crédibilité des plaignantes.

En effet, l’avocat Jérémie Assous a multiplié les attaques délégitimant les récits des plaignantes : «menteuses», «hystériques», «vénales». Il a suggéré que les plaignantes exagéraient leurs propos, qu’elles jouaient un rôle, qu’elles cherchaient l’attention. Ce discours relève d’une stratégie assumée de discrédit fondée sur des stéréotypes sexistes.

Les termes utilisés par la défense – «hystériques», «vénales», «menteuses» – ne sont pas neutres. Ils s’inscrivent dans une longue tradition de discours sexistes utilisés pour discréditer la parole des femmes :

➜ «Hystérique» : ce mot vient historiquement du mot grec hystera (utérus). Il a été utilisé pendant des siècles pour faire passer les femmes pour instables, excessives, émotionnellement irrationnelles. Aujourd’hui, il renforce l’idée que les femmes seraient par nature irrationnelles et/ou incontrôlables.
TV5 monde, 29.01.2024, «"En finir avec l'hystérie féminine" ou comment déconstruire un symbole du patriarcat»

➜ «Vénale» : accuser une femme de vouloir «attirer l’attention» ou «chercher de l’argent», c’est insinuer que son témoignage est motivé par intérêt, non par vérité. C’est un stéréotype courant, notamment dans les affaires de violences sexuelles, qui détourne le regard de la violence subie.
L’Humanité, 19 mai 2022, «Violences sexuelles : non, elles ne portent pas plainte pour l’argent»

➜ «Menteuse» active le mythe – infondé – des fausses accusations, alors que celles-ci sont très rares (entre 3 et 10 % des plaintes selon les études les plus larges, souvent moins).

Des associations féministes, des avocates et plusieurs journalistes ont dénoncé ce qu’elles appellent une stratégie de « victimisation secondaire organisée » : une violence qui s’exerce publiquement, dans un cadre institutionnel, et qui pousse les victimes à revivre leur traumatisme.

Entre analyse critique et neutralité journalistique
En Suisse, la couverture du procès Depardieu a différé selon les rédactions. Si les faits ont été largement relayés, la question de la victimisation secondaire n’a pas été relevée dans tous les médias.

Le Matin s’est démarqué avec un article titré «Procès Depardieu : la victimisation secondaire comme stratégie de défense» . Il analyse les propos de la défense et les situe dans une logique de discrédit des plaignantes. Un traitement encore rare dans la presse romande. L’article souligne notamment que “dans une salle d’audience, c’est une stratégie habituelle des  agresseurs d’inverser la culpabilité» (…). Finalement, qui est coupable? Ce sont les victimes. Elles mentent,  elles complotent, elles sont folles»”, illustrant ainsi clairement le phénomène de victimisation secondaire.

D’autres, comme RTS Info, ont opté pour une restitution factuelle des audiences. Ce choix éditorial laisse de côté les mécanismes de violence institutionnelle qui traversent ce type de procès.

Ce décalage souligne un enjeu central : comment mieux nommer les violences systémiques dans le traitement médiatique, et faire ressortir les enjeux spécifiques du traitement judiciaire des violences sexistes et sexuelles.

Des leviers pour mieux couvrir les violences sexistes
Le procès Depardieu l’a montré : la parole des victimes ne se heurte pas qu’au doute, mais aussi à des stratégies de décrédibilisation. La victimisation secondaire est souvent intégrée à la défense et normalisée dans les pratiques. Dans cette dynamique, le traitement médiatique joue un rôle central

Pour y répondre, quelques réflexes simples peuvent renforcer un traitement médiatique plus juste et plus complet:

  • Donner la parole à des expert-e-s de la violence sexiste et sexuelles (militantes, sociologues, psychologues): pour apporter un éclairage structurant, pas seulement émotionnel.

  • Aller au-delà du factuel, en questionnant les rapports de pouvoir à l’œuvre dans le cadre judiciaire.

  • Interroger les mécanismes en jeu: victimisation secondaire, stéréotypes sexistes, violences institutionnelles…
  • Ces outils aident à raconter autrement des réalités complexes, sans minimiser ni simplifier.

    ➞ Télécharger les recommandations

    Les femmes, des athlètes sous-visibilisées

    Les femmes, des athlètes sous-visibilisées


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    Si, l’été dernier, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris ont promis être les premiers JO paritaires, les femmes dans le sport restent généralement sous-représentées dans les médias, ce qui contribue à la perpétuation de certains stéréotypes.

    © tobi Swiss / Wikicommons / CC BY-SA 4.0

    Aurélie Hofer, responsable du pôle de recherche de décadréE sur les représentations médiatiques des femmes, et Nadia Bonjour, spécialiste en communication et consultante auprès de différentes instances sportives et médiatiques, co-rédigent un article sur REISO, la Revue d’information sociale. Cette contribution s’inscrit dans son dossier thématique 2024 « Sport et mouvement ».

    En Suisse, seuls 13% des contenus sportifs sont consacrés aux femmes (1). À l’occasion des JO de Paris, Nadia Bonjour et Aurélie Hofer ont vérifié ces chiffres alarmants en comptant les apparitions des sportives dans la presse romande pendant l’été 2024.

    Décryptage de la couverture médiatique des événements sportifs de l’été dernier du point de vue du genre! Découvrez l’article complet directement sur le site web de REISO.

    NB communication
    Nadia Bonjour est spécialiste en communication et consultante auprès de différentes instances sportives et médiatiques. Elle propose par le biais de son entité indépendante, NB communication, des services et des conseils en communication stratégique et créative. Experte genre, sport et média, elle a travaillé sur plusieurs publications en lien avec la couverture médiatique du sport au féminin et des femmes dans le sport.

    REISO, la Revue d’information sociale
    Interdisciplinaire, la revue REISO s'intéresse à l'action sociale et à la santé publique en Suisse romande.

    Décryptage – Transidentités et intersexuation : éviter la confusion

    Décryptage – Transidentités et intersexuation : éviter la confusion


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    Décryptage

    Durant notre veille médiatique sur les thématiques LGBTIQ+, nous avons remarqué que plusieurs médias mélangeaient les questions trans*/non-binaires et intersexes, sans distinction claire. Une des explications est la reprise des discours politiques, qui lors des échanges sur une modification de la loi pour permettre l’ajout d’un “troisième sexe[1]” administratif et juridique, parlaient souvent des personnes trans* et intersexes comme un tout. Néanmoins, les enjeux de ces deux thématiques diffèrent, il est donc important de savoir les différencier pour ne pas transmettre des informations inadéquates au lectorat et à l’audimat.

    [1] Nous reprenons le terme administratif, politique et juridique utilisé, bien qu’il soit question de genre.

     

    Les définitions

    Les personnes intersexuées sont des personnes dont le corps possède des caractéristiques liées au sexe biologique (organes génitaux, chromosomes, hormones, etc.) ne correspondant pas ou qu’en partie aux catégories biologiques binaires définies pour distinguer les sexes/corps dits « femelles » et « mâles ».

    Une personne dont les caractéristiques liées au sexe biologique correspondent au schéma binaire mâle/femelle est une personne dyadique

    Les questions d’intersexuation sont ainsi liées plus directement au sexe.

    Tandis que les personnes trans* sont des personnes qui ne se reconnaissent pas, ou pas totalement, dans le genre assigné à la naissance. Ce terme regroupe un grand nombre de réalités. Il est néanmoins important de noter que toute personne a une identité de genre. Voici quelques exemples :

    • Femme trans* : une femme qui a été assignée au genre masculin à la naissance mais dont le genre est féminin. On parle d’elle au féminin.
    • Homme trans* : un homme qui a été assigné au genre féminin à la naissance mais dont le genre est masculin. On parle de lui au masculin.
    • Personne non-binaire : les personnes non-binaires ne sont ni exclusivement homme, ni exclusivement femme, mais peuvent être entre les deux, un genre au delà du féminin et du masculin, un « mélange » de genres ou aucun genre. Les non-binarités regroupent un grand nombre d’identités.
    • Personne cisgenre : personne dont le genre ressenti et le genre assigné à la naissance correspondent totalement.

    Les questions de transidentités sont donc liées au genre et plus précisément à l’identité de genre.

     

    Les journalistes et l’intersexuation

    Nos différentes recherches ont montré que les questions d’intersexuation sont très peu présentes dans les médias. Durant la recherche exploratoire, sur 145 articles analysés, 2 parlaient de l’intersexuation. Entre juillet 2021 et novembre 2022, sur 2’941 sujets médiatiques, 8 étaient consacrés aux questions intersexes, mais 23 traitaient de l’intersexuation et des transidentités, en lien avec des débats politiques.

    Cette invisibilité participe à la méconnaissance globale sur ce sujet. Pourtant, près de 2% de la population serait intersexe. Les journalistes interrogé-es ont également dit avoir peu de connaissances sur ces questions, comparé à d’autres thématiques LGBTIQ+.

     

    La confusion entre transidentités et intersexuation dans les médias

    Un point que nous retrouvons régulièrement dans les médias est une confusion au niveau des définitions. Il y en a rarement mais lorsque c’est le cas, elles sont souvent incomplètes ou inadéquates sur les questions trans* et intersexes, ce qui ne permet pas de distinguer les deux thématiques.

    Il y a également une réduction des enjeux autour du “troisième sexe” (juridique et administratif) et des toilettes “non-genrées”. Ces revendications sont tenues par exemple par les personnes non-binaires, mais pour les questions d’intersexuation, les spécialistes demandent principalement l’arrêt des mutilations génitales et des traitements médicaux non-consentis sur les enfants intersexes. Ainsi, en mélangeant ces deux thématiques, les médias participent à reproduire certains stéréotypes sur ces questions.

    Un autre point d’attention est que les personnes concernées – qu’elles soient trans* ou intersexes – ont peu la parole dans les médias. Ce qui ne permet pas de les rendre vraiment visibles.

    Il est donc important de pouvoir distinguer les questions trans* et non-binaires des questions d’intersexuation dans les médias, avec des définitions adéquates et une mise en avant spécifique des enjeux respectifs des personnes concernées.

    Articles analysés pour ce décryptage :

    DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

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    Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund et la fondation oak.

    Les jeunes trans* et non-binaires dans les médias : décryptage

    Les jeunes trans* et non-binaires dans les médias : décryptage


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    Décryptage

    Dans notre rapport de recherche publié en 2023, portant sur une veille médiatique entre juillet 2021 et novembre 2022, nous voyons que 369 sujets médiatiques sur 2’940 portent sur les questions d’identités de genre. Parmi ceux-ci, certains portent plus spécifiquement sur les jeunes trans* et non-binaires (moins de 18 ans). Nous proposons d’analyser ces sujets médiatiques pour mettre en évidence certaines formulations inadéquates pour un meilleur traitement médiatique de cette thématique.

    Le traitement médiatique des jeunes trans* et non-binaires

    Lorsqu’il est question de jeunes trans* et non-binaires, plusieurs des sujets médiatiques analysés dans la veille s’anglent sur la transition médicale, que ce soient des opérations chirurgicales ou des traitements hormonaux, malgré le temps d’attente moyenne de 2 ans pour débuter une hormonothérapie en Suisse(1).

    Ainsi, les termes utilisés se concentrent sur l’aspect médical et non sur l’identité des jeunes, ce qui amène un aspect voyeuriste et sensationnaliste. Le traitement médiatique sur les jeunes trans* et non-binaires doit tenir compte de la diversité de leurs réalités et présenter des parcours variés. Il convient de ne pas le centrer uniquement sur les questions de transition médicale, alors que les questions de transidentités incluent également les transitions sociales et que les transitions médicales ne concernent pas forcément toutes les personnes, et ne concernent pas les enfants trans* et non binaires. En effet, une transition s’effectue souvent dans plusieurs sphères: familiale, scolaire, amicale, espaces de loisirs, espaces pré-professionnels – et peut concerner, selon l’âge et surtout le ressenti, un changement de prénom, de pronom, d’habits, un changement de genre à l’état civil, etc., outre les aspects médicaux tels que les bloqueurs de puberté ou l’accès à l’hormonothérapie.

    Dans les sujets médiatiques analysés, les interviews sont effectués auprès de médecins, pédiatres et parents sous l’angle de la crainte des conséquences de la transition médicale. Si la diversité des points de vues fait partie de la culture journalistique, notre veille montre peu d’articles qui donnent la parole aux parents soutenants ni aux jeunes, pourtant directement concerné-e-xs par la thématique.

    Il est par ailleurs rarement question de “jeunes trans” mais plutôt de “jeunes filles [qui] ont subi une ablation des seins”. Il y a ainsi du mégenrage (ne pas désigner les personnes selon leur genre ressenti) par exemple lorsqu’il est question de “jeunes filles” ou “fillette” pour parler de garçons trans.

    De plus, il est important de noter que cette visiblité peut être compliquée pour les jeunes, qui sont une population vulnérable. Une enquête d’Unisanté sur la victimisation des jeunes a montré que les jeunes trans* et non-binaires étaient plus représenté-e-xs dans les victimes de racket, agressions sexuelles et harcèlement que les jeunes cisgenres. Les jeunes trans* et non-binaires ont également une moins bonne santé générale et annoncent plus de symptômes dépressifs que les jeunes cisgenres (2).

    Globalement, les sujets médiatiques sur les questions LGBTIQ+ donnent peu la parole aux personnes LGBTIQ+ et/ou expertes. En effet, dans environ 70% des sujets analysés, celles-ci ne sont pas interrogées. Le traitement médiatique des jeunes trans* et non-binaires ne diffère ainsi pas : les jeunes sont très peu représenté-e-xs dans les médias. Iels n’y ont pas la parole même si cela les concerne directement. Il est pourtant important de les rendre visible, ainsi que leurs réalités, c’est ce qui sort de notre recherche auprès des jeunes LGBTIQ+, pour connaître leurs rapports aux médias. Il est ainsi important de leur donner la parole pour des représentations correspondant à leurs existences.

    ARTICLES ANALYSÉS

    Sujets médiatiques analysés pour ce décryptage :

    2023.02.19, Watson, « «Je suis un garçon, maman»: le nombre d’ados trans explose en Suisse »
    2023.03.19, Le Matin Dimanche, « Les mineurs en transition sont de plus en plus opérés »
    2023.11.08, La Télé, « Comprendre la transidentité pour l’accepter »
    2023.12.11, Tamedia, « Des médecins ont été censurés après avoir exprimé leur inquiétude »
    2023.12.11, 20 minutes, « Critiques de médecins peu écoutées »
    2024.10.06, lematin.ch, Les bloqueurs de puberté sous le feu de la critique

    Lunch média sur les représentations médiatiques des jeunes trans* et non-binaires

    Dans le cadre de notre projet de sensibilisation des journalistes aux thématiques LGBTIQ+, nous proposons un lunch média sur les représentations médiatiques des jeunes trans* et non-binaires le 29 octobre prochain :


    DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlants, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

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    Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund, et la fondation oak.

    Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo

    Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo


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    Décryptage

    Depuis la finale de l’Eurovision samedi dernier, des dizaines d’articles sont parus et ont parlé de Nemo, l’artiste qui a représenté la Suisse et lui a offert la victoire avec la chanson “The Code”. Plusieurs articles entourant sa participation et les demi-finales avaient déjà été publiés avant.

    Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo

    Nemo est une personne non-binaire qui a fait son coming out publiquement en novembre 2023. La plupart des articles souligne la non-binarité de Nemo, ce qui permet une visibilité et une représentation pour les personnes non-binaires. Les médias mettent ainsi en avant la diversité de la société. Néanmoins, il convient de ne pas simplement nommer son identité non-binaire, mais également de la respecter dans l’écrit.

    En effet, durant son coming out Nemo a précisé utiliser les pronoms anglais they/them mais que la simple utilisation de son prénom, sans pronom, lui convenait également. Pourtant, bon nombres d’articles de presse n’utilisent pas le pronom “iel” (actuellement l’équivalent français de they) ni son prénom, mais le pronom “il”, ce qui revient à mégenrer Nemo (utiliser un genre qui n’est pas celui de la personne, ce qui ne respecte pas son identité est violent).

    • Nous relevons par exemple ce paragraphe publié dans une news ATS du 12 mai 2024 :“Le jeune artiste, genré « iel », vit entre Bienne et Berlin. « Je me sens très bien dans les deux villes et j’aime y vivre. […]« , a-t-il dit dans une interview parue dans le journal Coopération.”. Les journalistes ont précisé que Nemo utilisait le pronom “iel” mais ont pourtant écrit “a-t-il dit”. De plus, quelques lignes plus bas, il est question du “jeune homme”, formulation qui nie complétement son identité. D’autres news ATS reprenaient néanmoins le pronom “iel”.
    • Un article du journal Le Temps publié le 9 mai décrypte la chanson “The Code” et les questions de non-binarités, pourtant l’article genre Nemo à chaque fois au masculin (musicien, chanteur, il).
    • Enfin, durant l’émission, sur la RTS, Jean-Marc Richard a dit que “Nemo est un ‘iel’ exceptionnel”. “Iel” est un pronom, pas un nom et est donc à utiliser comme tel. On ne dirait pas “Jean-Marc Richard est un il exceptionnel”, nous dirons “Jean-Marc Richard est un être exceptionnel ou une personne exceptionnelle”.

    Ainsi, nous voyons que les journalistes font face à certaines difficultés dans le cadre du traitement médiatique des personnes non-binaires. Ce qui a été également relevé par le magazine 360. Un manque de cohérence existe donc au sein même des articles  et à l’intérieur des rédactions, ce qui dénote un manque de sensibilisation et de directives claires à l’interne. Pourtant, le cas d’une personne non-binaire médiatisée n’est pas nouveau, l’artiste Sam Smith avait par exemple fait son coming out non-binaire en 2019.

    Ainsi, comment faire en tant que journaliste pour respecter l’identité de la personne ?

    Voici quelques stratégies pour un traitement médiatique respectueux des personnes non-binaires.

    Tout d’abord, il faut connaître le pronom que la personne utilise. Si ce n’est pas possible de le demander car vous ne l’interviewez pas, il est possible de trouver cette information par exemple sur le site de l’artiste, dans la bio Instagram, dans la biographie dans les documents officiels, ou parfois sur wikipédia, pour les célébrités, ou encore dans d’autres articles de presse (mais attention à ne pas reproduire l’erreur de collègues).

    Il convient ensuite d’utiliser ce pronom. Si votre ligne rédactionnelle n’accepte pas le pronom “iel” (bien qu’il soit défini dans Le Robert depuis l’automne 2021), vous devez utiliser des stratégies rédactionnelles pour ne pas mégenrer la personne concernée : utiliser son prénom, ou trouver d’autres tournures de phrases.
    • Dans un article du Matin Dimanche du 5 mai, il est dit que Nemo utilise le pronom “iel” mais que le journaliste va plutôt utiliser son prénom dans l’article, donc il y aura des répétitions. Si la plupart des accords au masculin le mégenre, le début de l’article montre une première sensibilisation.

    Effectivement, le français étant une langue très genrée, au delà du pronom, il y a les mots et les accords auxquels il faut faire attention. A nouveau, bien que binaire, la langue française reste riche et il existe bon nombre de synonymes épicènes qui permettent de ne pas mégenrer la personne.

    • Le chapô d’un des articles de la Tribune de Genève du 7 mai montre par exemple qu’il est possible de donner les informations de base (titre, sujet, etc.) sans mégenrage : “Nemo représentera la Suisse à l’Eurovision 2024 avec «The Code». Retour sur la genèse de ce morceau qui raconte le voyage personnel de l’artiste non binaire.”.
    • C’est également le cas dans ce paragraphe d’un article du 24 Heures du 12 mai : “C’est auréolé de rose et des étoiles européennes que le pays a versé tard samedi, après une soirée incroyable marquée par la victoire de Nemo à l’Eurovision Song Contest. L’artiste originaire de Bienne – cumulant les «twelve points» à l’heure des résultats puis l’adhésion du public – a offert à notre pays sa troisième victoire, après Lys Assia en 1956 et Céline Dion en 1988. Nemo a surtout ouvert une brèche dans ce concours qui constitue le troisième événement télévisuel au monde en termes d’audience.”.
    • Ou encore cet article du 10 mai sur le site lematin.ch qui ne mégenre pas Nemo. Ce que ces derniers exemples montrent, c’est qu’il est possible de jouer avec la langue pour respecter l’identité de genre de Nemo, même si la ligne rédactionnelle de votre média est limitante.
    Ainsi, il convient de favoriser les termes tels que l’artiste ou l’interprète plutôt que le chanteur, ou encore “originaire de Bienne” plutôt que “le Biennois”, le participe présent “Représentant la Suisse, ...” plutôt que “le représentant”, etc. Certains adjectifs tels que enthousiaste, dynamique, etc. ou certaines reformulations (“avec beaucoup d’émotions” à la place de “ému”) peuvent être utiles dans ce cas.

    DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

    Télécharger le lexique ➞

    Télécharger le livret de recommandations ➞

    Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund, la fondation oak, Tides foundation.

    Menacer ou simuler un suicide: une violence psychologique

    Menacer ou simuler un suicide: une violence psychologique


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    Le 22 avril les médias annoncent que le chanteur Kendji Girac est hospitalisé. L’enquête nous apprendra plus tard que c’est le chanteur lui-même qui s’est infligé la blessure. De nombreux médias mentionnent en outre des tensions et des nombreuses “disputes” se déroulant au sein du couple. Plus encore, ces mêmes articles mentionnent des menaces déjà formulées par le chanteur et des gestes violents (taper contre les murs, briser des objets). Aucun pourtant ne rattache la simulation de suicide, la menace et les objets brisés à des violences psychologiques.

    Violences psychologiques et menace de suicide

    La violence psychologique peut prendre des formes diverses : propos dénigrants ; humiliations ; interdictions répétées ; contrôle sur les vêtements, les activités, le portable et sur les relations familiales et amicales ; comportements agressifs ; ou encore menaces verbales ou physiques. Les comportements agressifs, comme jeter des coups de poing au mur ou casser un meuble en présence des victimes, sont également des violences psychologiques.

    Il s’agit d’une violence très présente au sein des couples. Elle instaure notamment une emprise sur les victimes.

    Or, à la vue des faits rapportés, tout laisse à croire qu’ils sont bel et bien liés à de la violence psychologique.

    En effet, l’outil du violentomètre proposé par plusieurs structures pour évaluer son couple mentionne la menace de suicide dans les hauts degrés de danger.

    Plus encore, en Espagne la menace de suicide tient une place phare dans le VioGèn, outil informatique permettant à la police de lutter contre les violences de genre en évaluant les risques de récidive.

    Le traitement médiatique des faits

    Le premier élément qui choque à la lecture des articles portant sur l’affaire est l’absence du questionnement sur la violence au sein du couple. Les articles mentionnent “les disputes”, ainsi que les autres formes de violences présentes sans jamais les nommer.

    Plus encore, d’autres articles partent dans des formes de romantisation en mettant en avant la passion qui lierait le couple, allant jusqu’à parler de “suicide passionnel”. Or la crise suicidaire, s’il elle a lieu, ne peut pas se réduire à un seul élément mais doit être comprise comme multifactorielle. De plus, la violence n’est pas une question d’amour, mais de contrôle et d’emprise.

    Une occasion manquée

    Le traitement médiatique de l’affaire est problématique et c’est une réalité dommageable. La violence psychologique est fortement invisibilisée dans les médias. Seulement 11% des articles analysés en 2022 par Décadrée parlaient de la notion d’emprise. Cette affaire aurait ainsi pu être l’occasion de sensibiliser et de faire intervenir des expert-es sur ces questions.

    Exclusive, l’écriture inclusive?

    Exclusive, l’écriture inclusive?


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    Décriée ou encensée, l’écriture inclusive fait l’objet de vifs et nombreux débats. Parmi les enjeux de cette évolution de l’usage de la langue française figure une meilleure représentativité des personnes composant la société.

    © Stafeeva / Adobe Stock

    DécadréE et Vision Positive co-rédigent un article sur REISO, la Revue d’information sociale, et proposent de revenir sur les débats autour de l’accessibilité de l’écriture inclusive. Les autrices, Valérie Vuille et Céline Witschard sont également les intervenantes de la formation proposée deux fois par an pour une écriture inclusive et accessible. La prochaine session aura lieu le 18 avril prochain.

    Découvrez l’article complet directement sur le site web de REISO.


    Vision Positive est une entreprise spécialisée dans le conseil, la formation et l’accompagnement de projets autour de la communication accessible, mais aussi de la médiation culturelle accessible et de l’accueil des publics à besoins particuliers et des enjeux liés à l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société. Vision Positive et sa fondatrice et directrice Céline Witschard, malvoyante de naissance, ancienne journaliste RP et enseignante, s’engagent pour une société inclusive et plurielle à tous les niveaux.


    Interdisciplinaire, la revue REISO s'intéresse à l'action sociale et à la santé publique en Suisse romande.

    Cas de viols dans l’espace public

    Cas de viols dans l’espace public


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    Décryptage

    Suite au cas d’un viol dans l’espace public en Ville de Genève, plusieurs articles utilisent les dénominations “viol sauvage” ou “viol à l’arrache”. Décryptage d’une dénomination glissante.

    Une affaire de viol dans l’espace public est révélée le dimanche 10 mars par la Tribune de Genève. L’affaire date de février. L’article parle également d’une augmentation des chiffres des viols dans l’espace public. Ces agressions sont qualifiées de “viol sauvage” et “viol à l’arrache”. Or ces termes ne sont pas neutres.

    Un vocabulaire animalisant

    Les mots “sauvage” et “prédateur” et leurs dérivés, comme “sauvagement violée” renvoient à un champ lexical animalisant. Or, les violences ne découlent pas de pulsions incontrôlables et animales, mais bien de relations de pouvoir. Les auteurs de violence ne doivent donc pas être comparés à des animaux.

    Une hiérarchisation des violences

    Un viol est un viol, quelque soit le contexte, les réactions de la victime et les actes de l’auteur. Un viol dans l’espace domestique et conjugal n’est pas moins destructeur qu’un viol dans l’espace public. Il en est de même si l’auteur fait preuve de contraintes et de violences physiques, ou si la victime est sidérée et figée. Or, utiliser des adjectifs comme “sauvage” distingue une agression d’une autre, ce qui peut provoquer un phénomène de hiérarchisation.

    Propos et sentiment d’insécurité

    La majorité des violences faites aux femmes ne se déroulent pas dans l’espace public, mais dans l’espace privé par des proches. L’augmentation des violences dans l’espace public est certes inquiétante, mais elle ne doit pas accaparer toute l’attention. Plus encore, il est important de ne pas participer à augmenter un sentiment d’insécurité qui pourrait réduire la liberté de mouvement et d’action des femmes, voire les empêcher de chercher de l’aide.
    Les femmes n’ont pas à porter la charge mentale de leur propre protection et à réduire leur liberté de mouvement.

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