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Les femmes, des athlètes sous-visibilisées

Les femmes, des athlètes sous-visibilisées


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Si, l’été dernier, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris ont promis être les premiers JO paritaires, les femmes dans le sport restent généralement sous-représentées dans les médias, ce qui contribue à la perpétuation de certains stéréotypes.

© tobi Swiss / Wikicommons / CC BY-SA 4.0

Aurélie Hofer, responsable du pôle de recherche de décadréE sur les représentations médiatiques des femmes, et Nadia Bonjour, spécialiste en communication et consultante auprès de différentes instances sportives et médiatiques, co-rédigent un article sur REISO, la Revue d’information sociale. Cette contribution s’inscrit dans son dossier thématique 2024 « Sport et mouvement ».

En Suisse, seuls 13% des contenus sportifs sont consacrés aux femmes (1). À l’occasion des JO de Paris, Nadia Bonjour et Aurélie Hofer ont vérifié ces chiffres alarmants en comptant les apparitions des sportives dans la presse romande pendant l’été 2024.

Décryptage de la couverture médiatique des événements sportifs de l’été dernier du point de vue du genre! Découvrez l’article complet directement sur le site web de REISO.

NB communication
Nadia Bonjour est spécialiste en communication et consultante auprès de différentes instances sportives et médiatiques. Elle propose par le biais de son entité indépendante, NB communication, des services et des conseils en communication stratégique et créative. Experte genre, sport et média, elle a travaillé sur plusieurs publications en lien avec la couverture médiatique du sport au féminin et des femmes dans le sport.

REISO, la Revue d’information sociale
Interdisciplinaire, la revue REISO s'intéresse à l'action sociale et à la santé publique en Suisse romande.

Décryptage – Transidentités et intersexuation : éviter la confusion

Décryptage – Transidentités et intersexuation : éviter la confusion


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Décryptage

Durant notre veille médiatique sur les thématiques LGBTIQ+, nous avons remarqué que plusieurs médias mélangeaient les questions trans*/non-binaires et intersexes, sans distinction claire. Une des explications est la reprise des discours politiques, qui lors des échanges sur une modification de la loi pour permettre l’ajout d’un “troisième sexe[1]” administratif et juridique, parlaient souvent des personnes trans* et intersexes comme un tout. Néanmoins, les enjeux de ces deux thématiques diffèrent, il est donc important de savoir les différencier pour ne pas transmettre des informations inadéquates au lectorat et à l’audimat.

[1] Nous reprenons le terme administratif, politique et juridique utilisé, bien qu’il soit question de genre.

 

Les définitions

Les personnes intersexuées sont des personnes dont le corps possède des caractéristiques liées au sexe biologique (organes génitaux, chromosomes, hormones, etc.) ne correspondant pas ou qu’en partie aux catégories biologiques binaires définies pour distinguer les sexes/corps dits « femelles » et « mâles ».

Une personne dont les caractéristiques liées au sexe biologique correspondent au schéma binaire mâle/femelle est une personne dyadique

Les questions d’intersexuation sont ainsi liées plus directement au sexe.

Tandis que les personnes trans* sont des personnes qui ne se reconnaissent pas, ou pas totalement, dans le genre assigné à la naissance. Ce terme regroupe un grand nombre de réalités. Il est néanmoins important de noter que toute personne a une identité de genre. Voici quelques exemples :

  • Femme trans* : une femme qui a été assignée au genre masculin à la naissance mais dont le genre est féminin. On parle d’elle au féminin.
  • Homme trans* : un homme qui a été assigné au genre féminin à la naissance mais dont le genre est masculin. On parle de lui au masculin.
  • Personne non-binaire : les personnes non-binaires ne sont ni exclusivement homme, ni exclusivement femme, mais peuvent être entre les deux, un genre au delà du féminin et du masculin, un « mélange » de genres ou aucun genre. Les non-binarités regroupent un grand nombre d’identités.
  • Personne cisgenre : personne dont le genre ressenti et le genre assigné à la naissance correspondent totalement.

Les questions de transidentités sont donc liées au genre et plus précisément à l’identité de genre.

 

Les journalistes et l’intersexuation

Nos différentes recherches ont montré que les questions d’intersexuation sont très peu présentes dans les médias. Durant la recherche exploratoire, sur 145 articles analysés, 2 parlaient de l’intersexuation. Entre juillet 2021 et novembre 2022, sur 2’941 sujets médiatiques, 8 étaient consacrés aux questions intersexes, mais 23 traitaient de l’intersexuation et des transidentités, en lien avec des débats politiques.

Cette invisibilité participe à la méconnaissance globale sur ce sujet. Pourtant, près de 2% de la population serait intersexe. Les journalistes interrogé-es ont également dit avoir peu de connaissances sur ces questions, comparé à d’autres thématiques LGBTIQ+.

 

La confusion entre transidentités et intersexuation dans les médias

Un point que nous retrouvons régulièrement dans les médias est une confusion au niveau des définitions. Il y en a rarement mais lorsque c’est le cas, elles sont souvent incomplètes ou inadéquates sur les questions trans* et intersexes, ce qui ne permet pas de distinguer les deux thématiques.

Il y a également une réduction des enjeux autour du “troisième sexe” (juridique et administratif) et des toilettes “non-genrées”. Ces revendications sont tenues par exemple par les personnes non-binaires, mais pour les questions d’intersexuation, les spécialistes demandent principalement l’arrêt des mutilations génitales et des traitements médicaux non-consentis sur les enfants intersexes. Ainsi, en mélangeant ces deux thématiques, les médias participent à reproduire certains stéréotypes sur ces questions.

Un autre point d’attention est que les personnes concernées – qu’elles soient trans* ou intersexes – ont peu la parole dans les médias. Ce qui ne permet pas de les rendre vraiment visibles.

Il est donc important de pouvoir distinguer les questions trans* et non-binaires des questions d’intersexuation dans les médias, avec des définitions adéquates et une mise en avant spécifique des enjeux respectifs des personnes concernées.

Articles analysés pour ce décryptage :

DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

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Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund et la fondation oak.

Les jeunes trans* et non-binaires dans les médias : décryptage

Les jeunes trans* et non-binaires dans les médias : décryptage


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Décryptage

Dans notre rapport de recherche publié en 2023, portant sur une veille médiatique entre juillet 2021 et novembre 2022, nous voyons que 369 sujets médiatiques sur 2’940 portent sur les questions d’identités de genre. Parmi ceux-ci, certains portent plus spécifiquement sur les jeunes trans* et non-binaires (moins de 18 ans). Nous proposons d’analyser ces sujets médiatiques pour mettre en évidence certaines formulations inadéquates pour un meilleur traitement médiatique de cette thématique.

Le traitement médiatique des jeunes trans* et non-binaires

Lorsqu’il est question de jeunes trans* et non-binaires, plusieurs des sujets médiatiques analysés dans la veille s’anglent sur la transition médicale, que ce soient des opérations chirurgicales ou des traitements hormonaux, malgré le temps d’attente moyenne de 2 ans pour débuter une hormonothérapie en Suisse(1).

Ainsi, les termes utilisés se concentrent sur l’aspect médical et non sur l’identité des jeunes, ce qui amène un aspect voyeuriste et sensationnaliste. Le traitement médiatique sur les jeunes trans* et non-binaires doit tenir compte de la diversité de leurs réalités et présenter des parcours variés. Il convient de ne pas le centrer uniquement sur les questions de transition médicale, alors que les questions de transidentités incluent également les transitions sociales et que les transitions médicales ne concernent pas forcément toutes les personnes, et ne concernent pas les enfants trans* et non binaires. En effet, une transition s’effectue souvent dans plusieurs sphères: familiale, scolaire, amicale, espaces de loisirs, espaces pré-professionnels – et peut concerner, selon l’âge et surtout le ressenti, un changement de prénom, de pronom, d’habits, un changement de genre à l’état civil, etc., outre les aspects médicaux tels que les bloqueurs de puberté ou l’accès à l’hormonothérapie.

Dans les sujets médiatiques analysés, les interviews sont effectués auprès de médecins, pédiatres et parents sous l’angle de la crainte des conséquences de la transition médicale. Si la diversité des points de vues fait partie de la culture journalistique, notre veille montre peu d’articles qui donnent la parole aux parents soutenants ni aux jeunes, pourtant directement concerné-e-xs par la thématique.

Il est par ailleurs rarement question de “jeunes trans” mais plutôt de “jeunes filles [qui] ont subi une ablation des seins”. Il y a ainsi du mégenrage (ne pas désigner les personnes selon leur genre ressenti) par exemple lorsqu’il est question de “jeunes filles” ou “fillette” pour parler de garçons trans.

De plus, il est important de noter que cette visiblité peut être compliquée pour les jeunes, qui sont une population vulnérable. Une enquête d’Unisanté sur la victimisation des jeunes a montré que les jeunes trans* et non-binaires étaient plus représenté-e-xs dans les victimes de racket, agressions sexuelles et harcèlement que les jeunes cisgenres. Les jeunes trans* et non-binaires ont également une moins bonne santé générale et annoncent plus de symptômes dépressifs que les jeunes cisgenres (2).

Globalement, les sujets médiatiques sur les questions LGBTIQ+ donnent peu la parole aux personnes LGBTIQ+ et/ou expertes. En effet, dans environ 70% des sujets analysés, celles-ci ne sont pas interrogées. Le traitement médiatique des jeunes trans* et non-binaires ne diffère ainsi pas : les jeunes sont très peu représenté-e-xs dans les médias. Iels n’y ont pas la parole même si cela les concerne directement. Il est pourtant important de les rendre visible, ainsi que leurs réalités, c’est ce qui sort de notre recherche auprès des jeunes LGBTIQ+, pour connaître leurs rapports aux médias. Il est ainsi important de leur donner la parole pour des représentations correspondant à leurs existences.

ARTICLES ANALYSÉS

Sujets médiatiques analysés pour ce décryptage :

2023.02.19, Watson, « «Je suis un garçon, maman»: le nombre d’ados trans explose en Suisse »
2023.03.19, Le Matin Dimanche, « Les mineurs en transition sont de plus en plus opérés »
2023.11.08, La Télé, « Comprendre la transidentité pour l’accepter »
2023.12.11, Tamedia, « Des médecins ont été censurés après avoir exprimé leur inquiétude »
2023.12.11, 20 minutes, « Critiques de médecins peu écoutées »
2024.10.06, lematin.ch, Les bloqueurs de puberté sous le feu de la critique

Lunch média sur les représentations médiatiques des jeunes trans* et non-binaires

Dans le cadre de notre projet de sensibilisation des journalistes aux thématiques LGBTIQ+, nous proposons un lunch média sur les représentations médiatiques des jeunes trans* et non-binaires le 29 octobre prochain :


DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlants, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

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Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund, et la fondation oak.

Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo

Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo


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Décryptage

Depuis la finale de l’Eurovision samedi dernier, des dizaines d’articles sont parus et ont parlé de Nemo, l’artiste qui a représenté la Suisse et lui a offert la victoire avec la chanson “The Code”. Plusieurs articles entourant sa participation et les demi-finales avaient déjà été publiés avant.

Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo

Nemo est une personne non-binaire qui a fait son coming out publiquement en novembre 2023. La plupart des articles souligne la non-binarité de Nemo, ce qui permet une visibilité et une représentation pour les personnes non-binaires. Les médias mettent ainsi en avant la diversité de la société. Néanmoins, il convient de ne pas simplement nommer son identité non-binaire, mais également de la respecter dans l’écrit.

En effet, durant son coming out Nemo a précisé utiliser les pronoms anglais they/them mais que la simple utilisation de son prénom, sans pronom, lui convenait également. Pourtant, bon nombres d’articles de presse n’utilisent pas le pronom “iel” (actuellement l’équivalent français de they) ni son prénom, mais le pronom “il”, ce qui revient à mégenrer Nemo (utiliser un genre qui n’est pas celui de la personne, ce qui ne respecte pas son identité est violent).

  • Nous relevons par exemple ce paragraphe publié dans une news ATS du 12 mai 2024 :“Le jeune artiste, genré « iel », vit entre Bienne et Berlin. « Je me sens très bien dans les deux villes et j’aime y vivre. […]« , a-t-il dit dans une interview parue dans le journal Coopération.”. Les journalistes ont précisé que Nemo utilisait le pronom “iel” mais ont pourtant écrit “a-t-il dit”. De plus, quelques lignes plus bas, il est question du “jeune homme”, formulation qui nie complétement son identité. D’autres news ATS reprenaient néanmoins le pronom “iel”.
  • Un article du journal Le Temps publié le 9 mai décrypte la chanson “The Code” et les questions de non-binarités, pourtant l’article genre Nemo à chaque fois au masculin (musicien, chanteur, il).
  • Enfin, durant l’émission, sur la RTS, Jean-Marc Richard a dit que “Nemo est un ‘iel’ exceptionnel”. “Iel” est un pronom, pas un nom et est donc à utiliser comme tel. On ne dirait pas “Jean-Marc Richard est un il exceptionnel”, nous dirons “Jean-Marc Richard est un être exceptionnel ou une personne exceptionnelle”.

Ainsi, nous voyons que les journalistes font face à certaines difficultés dans le cadre du traitement médiatique des personnes non-binaires. Ce qui a été également relevé par le magazine 360. Un manque de cohérence existe donc au sein même des articles  et à l’intérieur des rédactions, ce qui dénote un manque de sensibilisation et de directives claires à l’interne. Pourtant, le cas d’une personne non-binaire médiatisée n’est pas nouveau, l’artiste Sam Smith avait par exemple fait son coming out non-binaire en 2019.

Ainsi, comment faire en tant que journaliste pour respecter l’identité de la personne ?

Voici quelques stratégies pour un traitement médiatique respectueux des personnes non-binaires.

Tout d’abord, il faut connaître le pronom que la personne utilise. Si ce n’est pas possible de le demander car vous ne l’interviewez pas, il est possible de trouver cette information par exemple sur le site de l’artiste, dans la bio Instagram, dans la biographie dans les documents officiels, ou parfois sur wikipédia, pour les célébrités, ou encore dans d’autres articles de presse (mais attention à ne pas reproduire l’erreur de collègues).

Il convient ensuite d’utiliser ce pronom. Si votre ligne rédactionnelle n’accepte pas le pronom “iel” (bien qu’il soit défini dans Le Robert depuis l’automne 2021), vous devez utiliser des stratégies rédactionnelles pour ne pas mégenrer la personne concernée : utiliser son prénom, ou trouver d’autres tournures de phrases.
  • Dans un article du Matin Dimanche du 5 mai, il est dit que Nemo utilise le pronom “iel” mais que le journaliste va plutôt utiliser son prénom dans l’article, donc il y aura des répétitions. Si la plupart des accords au masculin le mégenre, le début de l’article montre une première sensibilisation.

Effectivement, le français étant une langue très genrée, au delà du pronom, il y a les mots et les accords auxquels il faut faire attention. A nouveau, bien que binaire, la langue française reste riche et il existe bon nombre de synonymes épicènes qui permettent de ne pas mégenrer la personne.

  • Le chapô d’un des articles de la Tribune de Genève du 7 mai montre par exemple qu’il est possible de donner les informations de base (titre, sujet, etc.) sans mégenrage : “Nemo représentera la Suisse à l’Eurovision 2024 avec «The Code». Retour sur la genèse de ce morceau qui raconte le voyage personnel de l’artiste non binaire.”.
  • C’est également le cas dans ce paragraphe d’un article du 24 Heures du 12 mai : “C’est auréolé de rose et des étoiles européennes que le pays a versé tard samedi, après une soirée incroyable marquée par la victoire de Nemo à l’Eurovision Song Contest. L’artiste originaire de Bienne – cumulant les «twelve points» à l’heure des résultats puis l’adhésion du public – a offert à notre pays sa troisième victoire, après Lys Assia en 1956 et Céline Dion en 1988. Nemo a surtout ouvert une brèche dans ce concours qui constitue le troisième événement télévisuel au monde en termes d’audience.”.
  • Ou encore cet article du 10 mai sur le site lematin.ch qui ne mégenre pas Nemo. Ce que ces derniers exemples montrent, c’est qu’il est possible de jouer avec la langue pour respecter l’identité de genre de Nemo, même si la ligne rédactionnelle de votre média est limitante.
Ainsi, il convient de favoriser les termes tels que l’artiste ou l’interprète plutôt que le chanteur, ou encore “originaire de Bienne” plutôt que “le Biennois”, le participe présent “Représentant la Suisse, ...” plutôt que “le représentant”, etc. Certains adjectifs tels que enthousiaste, dynamique, etc. ou certaines reformulations (“avec beaucoup d’émotions” à la place de “ému”) peuvent être utiles dans ce cas.

DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

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Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par le Canton du Valais, le LGBTI Youth Fund, la fondation oak, Tides foundation.

Menacer ou simuler un suicide: une violence psychologique

Menacer ou simuler un suicide: une violence psychologique


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Le 22 avril les médias annoncent que le chanteur Kendji Girac est hospitalisé. L’enquête nous apprendra plus tard que c’est le chanteur lui-même qui s’est infligé la blessure. De nombreux médias mentionnent en outre des tensions et des nombreuses “disputes” se déroulant au sein du couple. Plus encore, ces mêmes articles mentionnent des menaces déjà formulées par le chanteur et des gestes violents (taper contre les murs, briser des objets). Aucun pourtant ne rattache la simulation de suicide, la menace et les objets brisés à des violences psychologiques.

Violences psychologiques et menace de suicide

La violence psychologique peut prendre des formes diverses : propos dénigrants ; humiliations ; interdictions répétées ; contrôle sur les vêtements, les activités, le portable et sur les relations familiales et amicales ; comportements agressifs ; ou encore menaces verbales ou physiques. Les comportements agressifs, comme jeter des coups de poing au mur ou casser un meuble en présence des victimes, sont également des violences psychologiques.

Il s’agit d’une violence très présente au sein des couples. Elle instaure notamment une emprise sur les victimes.

Or, à la vue des faits rapportés, tout laisse à croire qu’ils sont bel et bien liés à de la violence psychologique.

En effet, l’outil du violentomètre proposé par plusieurs structures pour évaluer son couple mentionne la menace de suicide dans les hauts degrés de danger.

Plus encore, en Espagne la menace de suicide tient une place phare dans le VioGèn, outil informatique permettant à la police de lutter contre les violences de genre en évaluant les risques de récidive.

Le traitement médiatique des faits

Le premier élément qui choque à la lecture des articles portant sur l’affaire est l’absence du questionnement sur la violence au sein du couple. Les articles mentionnent “les disputes”, ainsi que les autres formes de violences présentes sans jamais les nommer.

Plus encore, d’autres articles partent dans des formes de romantisation en mettant en avant la passion qui lierait le couple, allant jusqu’à parler de “suicide passionnel”. Or la crise suicidaire, s’il elle a lieu, ne peut pas se réduire à un seul élément mais doit être comprise comme multifactorielle. De plus, la violence n’est pas une question d’amour, mais de contrôle et d’emprise.

Une occasion manquée

Le traitement médiatique de l’affaire est problématique et c’est une réalité dommageable. La violence psychologique est fortement invisibilisée dans les médias. Seulement 11% des articles analysés en 2022 par Décadrée parlaient de la notion d’emprise. Cette affaire aurait ainsi pu être l’occasion de sensibiliser et de faire intervenir des expert-es sur ces questions.

Exclusive, l’écriture inclusive?

Exclusive, l’écriture inclusive?


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Décriée ou encensée, l’écriture inclusive fait l’objet de vifs et nombreux débats. Parmi les enjeux de cette évolution de l’usage de la langue française figure une meilleure représentativité des personnes composant la société.

© Stafeeva / Adobe Stock

DécadréE et Vision Positive co-rédigent un article sur REISO, la Revue d’information sociale, et proposent de revenir sur les débats autour de l’accessibilité de l’écriture inclusive. Les autrices, Valérie Vuille et Céline Witschard sont également les intervenantes de la formation proposée deux fois par an pour une écriture inclusive et accessible. La prochaine session aura lieu le 18 avril prochain.

Découvrez l’article complet directement sur le site web de REISO.


Vision Positive est une entreprise spécialisée dans le conseil, la formation et l’accompagnement de projets autour de la communication accessible, mais aussi de la médiation culturelle accessible et de l’accueil des publics à besoins particuliers et des enjeux liés à l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société. Vision Positive et sa fondatrice et directrice Céline Witschard, malvoyante de naissance, ancienne journaliste RP et enseignante, s’engagent pour une société inclusive et plurielle à tous les niveaux.


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Cas de viols dans l’espace public

Cas de viols dans l’espace public


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Décryptage

Suite au cas d’un viol dans l’espace public en Ville de Genève, plusieurs articles utilisent les dénominations “viol sauvage” ou “viol à l’arrache”. Décryptage d’une dénomination glissante.

Une affaire de viol dans l’espace public est révélée le dimanche 10 mars par la Tribune de Genève. L’affaire date de février. L’article parle également d’une augmentation des chiffres des viols dans l’espace public. Ces agressions sont qualifiées de “viol sauvage” et “viol à l’arrache”. Or ces termes ne sont pas neutres.

Un vocabulaire animalisant

Les mots “sauvage” et “prédateur” et leurs dérivés, comme “sauvagement violée” renvoient à un champ lexical animalisant. Or, les violences ne découlent pas de pulsions incontrôlables et animales, mais bien de relations de pouvoir. Les auteurs de violence ne doivent donc pas être comparés à des animaux.

Une hiérarchisation des violences

Un viol est un viol, quelque soit le contexte, les réactions de la victime et les actes de l’auteur. Un viol dans l’espace domestique et conjugal n’est pas moins destructeur qu’un viol dans l’espace public. Il en est de même si l’auteur fait preuve de contraintes et de violences physiques, ou si la victime est sidérée et figée. Or, utiliser des adjectifs comme “sauvage” distingue une agression d’une autre, ce qui peut provoquer un phénomène de hiérarchisation.

Propos et sentiment d’insécurité

La majorité des violences faites aux femmes ne se déroulent pas dans l’espace public, mais dans l’espace privé par des proches. L’augmentation des violences dans l’espace public est certes inquiétante, mais elle ne doit pas accaparer toute l’attention. Plus encore, il est important de ne pas participer à augmenter un sentiment d’insécurité qui pourrait réduire la liberté de mouvement et d’action des femmes, voire les empêcher de chercher de l’aide.
Les femmes n’ont pas à porter la charge mentale de leur propre protection et à réduire leur liberté de mouvement.

Viol collectif à Catane et castration chimique

Viol collectif à Catane et castration chimique


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Traiter des affaires sensibles au-delà des biais racistes

Fin janvier à Catane, Italie, 7 hommes ont participé au viol collectif d’une jeune femme. Un crime qui n’est pas le premier puisque selon les médias plusieurs viols collectifs ont été recensés en Italie ces derniers mois. L’indignation fait rage et le débat médiatique s’est ouvert sur une proposition du ministre Matteo Salvini: la castration chimique.

Comment traiter de cette actualité sans tomber la tête la première dans les biais racistes et classistes de la culture du viol, qui voudraient que tous les auteurs soient étrangers et « déviants »? Certains articles nous donnent des premières pistes.

Plusieurs médias dont Watson et Blick titrent ainsi « La castration chimique, la solution pour en finir avec les violeurs? » ou « L’Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace? ». Ces médias prennent comme point de départ un fait divers, ici le viol collectif à Catane, pour dézoommer en soulignant d’une part la récurrence des viols collectifs des derniers mois, et amener une réflexion politique, voire sociétale. Un mouvement généralement positif lorsque l’on parle de traitement médiatique des violences sexistes. Or, que peut-on dire du traitement médiatique de cette affaire en particulier?

Décryptage

Plusieurs éléments peuvent être mis en avant pour analyser le traitement médiatique des affaires de violences sexistes: le vocabulaire et les éléments de descriptions de la victime, de l’auteur et des faits ainsi que l’angle et les sources.

Or, rapidement on constate que les articles dévoilent, voire insistent sur la nationalité et le statut des auteurs du viol collectif de Catane : « Une petite fille violée par sept Égyptiens: ne me parlez pas de tolérance. Face à cette horreur, il ne faut pas être indulgent, il n’y a qu’un seul traitement: la castration chimique », écrit Watson en citant un tweet de Matteo Salvini dans le premier paragraphe de son article « L’Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace? » . Du côté du Blick, on révèle également leur statut migratoire « Ce sont des immigrants illégaux. »

Un fait qui peut avoir son importance au vue des discours des politiques puisque le débat se cristallise autour de la politique migratoire italienne, plus précisément d’une loi accordant aux réfugié-es mineur-es le droit de rester sur le sol italien jusqu’à l’âge de 21 ans.

Cependant, il questionne. En effet, des études (1997 : Madriz, 2021 : Lochon) ont montrés que les biais racistes perdurent dans la représentation des violences sexistes.

Le soir à l’extérieur dans une ruelle sombre et isolée une femme valide, blanche, jeune et belle se fait violer par un homme moche, étranger, frustré, fou et dépendant à l’alcool ou à la drogue.

Voilà schématiquement le « mythe de la parfaite agression » que décrit l’autrice américaine Esther Madriz. Cette représentation agit comme un curseur pour juger ensuite de la légitimité et de la crédibilité des autres agressions, des victimes et des auteurs.

On sait aujourd’hui, qu’il n’est pas possible de dessiner un profil type d’auteur de violence. Or, la manière dont les auteurs du viol de Catane sont décrits tend à confirmer ces biais. Plus encore, ceux-ci sont renforcés dans l’article du Blick par la description du contexte: « Ils ont eu lieu dans des rues sombres. Sur des chantiers abandonnés. Dans des entrepôts. » Or, se focaliser sur les éléments concordant avec l’agression stéréotypée invisibilise les autres situations de viols. Une chose, que l’ont descelle déjà dans le discours politique. En effet, concevoir les agressions sexuelles uniquement au travers du prisme de l’agression stéréotypées citée plus haut, empêche de concevoir comme crédibles toutes les violences et toutes les victimes, par exemple dans le cas d’agressions sexuelles dans le cadre conjugal ou par des agressions ne correspondant pas au profil stéréotypé de l’auteur.

On peut ainsi se demander dans ce cas comment équilibrer le débat en apportant d’autres éléments et ainsi permettre d’aller au-delà de ces biais.

L’article du Blick révèle aussi la nationalité des auteurs des autres agressions « A Caivano, dans la province de Naples, deux petites filles âgées de 10 et 12 ans ont été abusées pendant des mois par un groupe d’adolescents italiens. A Palerme, c’est une jeune femme de 19 ans qui a été violée plusieurs heures par des Siciliens en juillet dernier. A chaque fois, les agresseurs agissent à six ou sept. Aucun d’entre eux n’a jamais plus de 20 ans.» (1). Des informations qui tendent à déconstruire le mythe de l’auteur de violence étranger et ainsi à équilibrer le débat.

Dans son article, Watson fait le choix d’interviewer un expert, Dirk Baier, directeur de l’Institut pour la délinquance et la prévention de la criminalité de l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Il rappelle notamment les réalités sociales et non biologiques qui sont à l’origine des violences envers les femmes: « On ne devient pas délinquant sexuel juste à cause d’un déséquilibre hormonal. Leur développement s’inscrit dans un processus de socialisation à long terme. La personnalité qui se forme dès lors ne peut pas être modifiée uniquement par un traitement médicamenteux ».

Dans cet article, l’intervention d’une personne experte ainsi que la description précise de tous les cas de viols collectifs sont autant d’analyse et de faits permettant d’équilibrer et de situer le débat.

Pourtant, d’autres informations complémentaires auraient pu également apporter d’autres perspectives au débat. On peut nommer et expliciter le victimblaming (2) qu’a subit la victime du viol collectif à Palerme, puis en comparant les réactions entre Catane et Palerme, appréhender les mécanismes de délégitimation des violences et des victimes cités plus-haut. En d’autres termes, il est intéressant de voir, sans minimiser la violence des deux agressions, que celle perpétrée par des auteurs à la nationalité étrangère suscite l’indignation, tandis que l’autre suscite de vives réactions de victimblaming sur les réseaux sociaux.

Pour terminer, il nous semble important de rappeler que la castration chimique et chirurgicale a elle-même une histoire eugéniste et raciste. Rappeler cette histoire permet d’appréhender cet acte à l’aune d’une autre perspective.

POUR ALLER PLUS LOIN

(1) L’origine/la nationalité sicilienne et italienne sont soulignées par nos soins.
(2) Le victimblaming revient à rendre responsable une victime des violences subies en jugeant notamment son comportement, son habillement, son métier et “sa réputation”.

Les candidates font-elles peur?

Les candidates font-elles peur?


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Le traitement médiatique des candidates et candidats au Conseil d’Etat genevois

L’institut décadréE a suivi les élections genevoises au Conseil d’État et au Grand Conseil ainsi que la représentation dans les médias des candidates et des candidats. De manière générale, l’institut constate que les journalistes et les médias se préoccupent à ne pas reproduire de sexisme. Celui-ci se révèle pourtant à l’analyse du traitement médiatique des candidates et des candidats. Si les écueils sont rarement volontaires, ils se manifestent souvent par la reproduction des représentations sociales attendues selon le genre.

Est-ce que les candidates font peur? Du moins, les dernières élections qui ont eu lieu en Suisse romande se démarquent par un nombre de candidates plus élevé qu’auparavant. Pour le canton de Vaud, les élections du Grand Conseil de 2022 sont marquées par 39% de candidates, soit 5 points supplémentaires qu’en 2017 (1). A Genève en 2023, 39% de femmes figurent sur les listes de candidatures, pour 36,9% en 2018 (2). Or, si le taux de candidates progresse de quelques points à chaque élection, il est encore loin de la parité. De plus, cette progression est traitée par les médias comme une menace pour l’équilibre politique. Un vocabulaire guerrier ou infantilisant dépeint encore trop souvent les candidates en leur défaveur.

Après le monitorage des élections au Grand Conseil puis celui du Conseil d’État, voici l’analyse textuelle de la couverture des élections du Conseil d’État Genevois. Ce décryptage des portraits des candidat-es boucle le triptyque du monitorage des médias des élections genevoise de 2023. Cette étude est soutenue par le Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences du Canton de Genève.

Lire aussi : Les élections au Grand Conseil genevois et Élection du Conseil d’État genevois

Décryptage

Schématiquement dans les représentations médiatiques, les femmes sont définies par leur corporalité féminine, aussi les décrit-on physiquement beaucoup plus souvent. Les hommes sont définit par leurs actions, leurs expertises et réalisations étant mises en valeur. La publicité a depuis longtemps utilisé ces représentations, la presse aussi reprend ces stéréotypes.

Dans la publicité, les femmes montrent leurs corps, les hommes montrent le produit. (3)

Buvard Gaz / Eau chaude sur mesure (année inconnue)
Chaudières Pacific et Pierre Fix-Masseau (1958-1960)

Dans la presse, les femmes posent pour la photo, les hommes montrent leur travail.

Femina | édition du 29 août 2021
L’illustré | édition du 16 décembre 2020

De plus, la répétition de certains motifs reproduit des stéréotypes. A titre d’exemple, une interview de 2022 d’une journaliste télévisuelle revient sur ses tenues vestimentaires cinq fois dans l’article. Dès le chapô, à la légende d’une photographie puis trois des seize questions publiées, soit presque un cinquième des questions, abordent son apparence vestimentaire. Parler des vêtements de la personne interviewée n’est pas nécessairement sexiste mais l’insistance sur de telles thématiques peut le devenir, considérant que les femmes doivent forcément accorder plus d’importance à leur tenues que les hommes (4).

A cela s’ajoute l’utilisation de champs lexicaux spécifiques selon le genre représenté, qui peuvent également reproduire des stéréotypes. En 2020, décadréE analyse la couverture médiatique des élections du Conseil administratif de la Ville de Genève et constate que « 70% des articles portant sur des femmes contiennent un vocabulaire de l’émotion pouvant aller de la description d’émotions vives, voire incontrôlées « coup de sang », « passionaria », à la description d’émotions liées à l’amour. On parle ainsi de « coup de foudre » avec une région ou « d’épouser » un style, autant d’expressions absentes des articles représentant des hommes ».(5)

L’usage d’un vocabulaire genré, sexiste et dévalorisant est d’autant plus remarquable lorsque ce dernier est repris dans les titres, les mises en exergues et les chapôs. En effet, les passages mis en avant accentuent souvent les stéréotypes et jouent un rôle essentiel dans la reproduction du sexisme. Cette présente analyse permet donc de mettre en lumière les principaux phénomènes de discrimination liée au genre dans les représentations des candidates et des candidats.

Le traitement médiatique des candidates et candidats

Dans l’analyse des élections genevoises de 2023, plusieurs écueils sont retenus. Tout d’abord, le vocabulaire spécifiques au féminin ou au masculin est systématiquement recensé. Ensuite, l’institut de recherche a retenu toutes les citations de l’entourage : en les étudiant, il ressort qu’elles sont aussi fortement orientées par le genre. Enfin, les discriminations liées au genre touchent tout le monde et s’accompagnent d’autres forme de préjugés. Les hommes peuvent en être victimes, notamment s’ils ne correspondent pas aux critères attendus de la masculinité.

Pour réaliser cette analyse, vingt-cinq portraits, parfois suivis ou précédés d’un entretien, ont été décryptés.

Particularités des articles analysés

Vocabulaire orienté par le genre

Une représentation médiatique différenciée selon le genre renvoit les femmes et les hommes à des stéréotypes qui décrédibilisent en particulier les candidates. La distinction entre les hommes et les femmes assigne les personnes à des rôles genrés et les hiérarchise. Socialement, les hommes sont jugés plus nobles que les femmes, plus efficaces ainsi que plus légitimes en politique. C’est pourquoi, il est primordial de comprendre et détecter ces biais lexicaux afin de créer de nouveaux modèles en politique.

En 2020, l’étude de décadréE des représentations des candidat-es politiques dans les médias relève que le vocabulaire choisi diffère selon le genre des personnes portraiturées. Ainsi, 70% des portraits de candidates fait appel à un lexique émotionnel pour 36% des candidats et 50% des femmes sont décrites physiquement pour seulement 27% des portraits d’homme. Les mêmes schémas représentatifs se dessinent en 2023. Voyons de plus près les champs lexicaux les plus présents.

Les candidates sont plus concernées par un lexique infantilisant les renvoyant à une éternelle jeunesse professionnelle ou par la présence d’éléments adjuvants leur carrière. Le lexique infantilisant va même jusqu’à renvoyer une candidate à l’état de nourrisson, utilisant l’expression « biberonnée à la politique » pour parler de sa présence dans les sphères politiques. Par ailleurs, elles sont volontiers décrites comme de « jeunes femmes », leur scolarité étant également mentionnées, même lorsqu’elles ont une longue carrière derrière elles. Le terme « petite » remplace celui de « jeune », si ce second devient inadéquat à la situation. De leur côté, les candidats sont de « jeunes hommes » uniquement parce qu’ils ont moins de 30 ans et la mention de leurs études commence généralement à l’université.

Tant pour les hommes que pour les femmes la description de la « jeunesse » des candidat-es remet en question les compétences et capacités à exercer la fonction politique. Ce motif est largement accentué pour les candidates. La figure du « père » (ou d’autres personnes de l’entourage familial) représente un mentor essentiel ou un élément clé de leur carrière. Le mentor est également un élément narratif des carrière masculine mais bien moins prépondérant et, surtout, bien moins infantilisant.

Si les candidats ont aussi des mentors familiaux, ils sont toujours acteurs de leur carrière tandis qu’elles sont infantilisées.

Un bon nombre de portraits font par ailleurs allusion au caractère « belliqueux » des candidat-es, prêt-es à guerroyer pour un siège au Conseil d’Etat. Ce champs lexical était déjà présent dans 80% des portraits de candidates en 2020 contre 55% des portraits de candidats. Historiquement, la guerre est plutôt l’apanage des mâles. Dans ces cas de figures, des caractéristiques masculines sont empruntées pour décrire la compétitivité des candidates. Le vocabulaire du combat viril décrit ainsi désormais aussi des candidates. Or, son usage glisse parfois en leur défaveur : virilisées, elles en deviennent contre-natures, voire dangereuses pour l’équilibre politique. Ainsi, la candidate « fonceuse qui fait feu de tout bois » devient progressivement une « tueuse » et une « fossoyeuse ». Une autre est décrite comme la « combattante à l’assaut de l’exécutif ». Plus loin, on dit d’elle qu’elle « a de la peine à négocier ».

Taux de l’usage du vocabualire guerrier selon le genre de la personne.

Les femmes, dangereuses pour l’équilibre politique ? Un leitmotiv souvent repris par la presse quand il s’agit de couvrir des élections. Les femmes deviennent une menace pour les hommes en politique. La presse suisse en 2022 a largement véhiculé cette image de déferlante féminine menaçante pour les (hommes) politiques, les titres illustrant des femmes menaçant « les sièges masculins », allant jusqu’à craindre pour « leur existence politique ». Voici quelques exemples des titres couvrant l’actualité politique en matière d’égalité (6).

Exemple de titres parus lors de la couverture d’actualités politiques en 2022

Faire attention aux biais et aux clichés dans le vocabulaire utilisé. DécadréE recommande d’éviter les biais de genre dans l’écriture et d’utiliser un vocabulaire neutre ainsi que d’éviter de comparer les femmes avec les membres masculins de la famille et de ne pas l’utiliser afin d’interroger leur légitimité à prendre un poste de pouvoir.

Avis de l’entourage politique et professionnel

Afin de donner un caractère objectif, l’ajout d’avis externes permet de nuancer ou d’éclairer la narration des portraits et de sourcer leur parcours. Premier constat : seuls les hommes se passent de ces sources externes. Les journalistes insèrent dans tous les portraits de femmes un ou plusieurs avis. Second constat : si les avis sont bien souvent partagés et nuancés, le savoir-être des candidates est souligné dans 100% des articles, parfois modéré par la mention de leur expérience ou leur performance. A l’inverse, lorsqu’il s’agit de décrire les hommes, certaines sources se contentent d’énumérer leurs accomplissement et leurs réalisations sans un commentaire sur leur attitude.

Taux d’insertion d’avis de l’entourage et types de description

Les femmes sont perçues professionnellement au travers de leurs attitudes, soit leur savoir-être, et non au travers de leurs réalisations, un attribut très masculin. On définit les femmes pour leur nature féminine et non pour ce qu’elles font. Par ailleurs, « être femme » présuppose aussi que les thématiques « féminines » telles la conciliation des vies et l’engagement féministe soient inhérentes à leur nature. En d’autres termes, les questions d’interviews sont elles aussi orientées par le genre de la personne interviewée. Les thématiques « féminines » sont abordées de manière quasi systématique par les journalistes lors d’interview d’une femmes dirigeante ou de pouvoir (7).

Concernant le corpus analysé, sur les quatre entretiens de candidat-es (deux femmes et deux hommes), la thématique féministe est amenée dans deux d’entre eux. Interrogeant une candidate sortante, c’est la journaliste qui amène la thématique. Pour un autre entretien, c’est le candidat qui aborde spontanément dans sa réponse les questions d’égalité.

Si sept articles du corpus reproduisent de manière problématique des clichés sexistes, cinq concernent des portraits de femmes. A l’inverse, quatre articles seulement ne recensent aucune forme de problématique, soit deux portraits de femmes et deux portraits d’hommes. Pour considérer un article problématique parce qu’il reproduit du sexisme, il faut que :

  1. Plus de trois biais soient recensés;
  2. Un ou plusieurs biais soient répétés et soulignés ;
  3. Un biais ou plusieurs biais soient ouvertement sexistes ;
  4. La reprise de propos sexistes ne soit pas argumentée et remise en perspective.

Les biais, leur emplacement et leur récurrence dans les articles sont analysés selon une grille spécifique codée. Une fois recensés, les biais sont à nouveau analysées contextuellement, afin de détecter d’autres intentions narratives. A titre d’exemple, une métaphore vestimentaire revient dans plusieurs articles pour parler de manière figurée de la fonction de magistrat-e. Or, le vêtement n’est pas le même s’il s’agit d’un homme ou d’une femme. Les magistrats portent « le costume » tandis que les magistrates, « l’habit ». Simple coïncidence ou sexisme ordinaire ?

Toujours concernant la description de l’apparence des candidat-es, si elle a lieu, celle du physique des hommes se concentre sur les attributs masculins. Aussi mettra-t-on en avant une cravate, une stature imposante ou une « voix puissante ». Si l’accent descriptif des attributs physiques peut être sexiste ou dévalorisant pour les unes, il ne l’est pas forcément pour les autres, soulignant l’adéquation avec le milieu politique.

Visibiliser des femmes dans tous les domaines. DécadréE recommande de ne pas essentialiser l’expertise des femmes et des hommes et de prendre en compte la pluralité des domaines de compétences. Est-ce que l’article évite les stéréotypes de genre (associer les hommes avec un vocabulaire actif, les femmes avec un vocabulaire passif) ? Est-ce que la féminité est le focus central de l’article interrogeant une femme ?

Sexiste, mais pas que !

Les candidates ne sont pas les seules victimes de discriminations basées sur le genre car les représentations médiatiques genrées touchent aussi les candidats surtout si leur apparence physique ne correspond pas aux masculinités hégémoniques. Les mêmes écueils que pour les portraits de candidates se dressent : focus insistant sur l’apparence et valorisation du savoir-être. Si le sexisme n’épargne personne, en raison de la hiérarchie entre hommes et femmes qu’il crée, il n’est pas du tout valorisant d’être perçu avec les codes féminins pour un homme, notamment dans les milieux politiques. A l’inverse, il peut être gratifiant d’être décrite avec les codes masculins, pour autant qu’ils restent mesurés. D’où certainement l’abondance du langage guerrier pour certaines candidates.

A cela s’ajoute d’autres discriminations comme l’âgisme ou le classisme, par exemple, souvent entrecroisés. S’il semble raisonnable de questionner l’expérience d’un-e jeune candidat-e pour un poste de magistrat-e, la limite d’âge est cependant appréciée différemment selon le genre, mais également l’origine politique de la personne concernée. Il va de soi que la stratégie de communication des partis et des candidat-es a également un rôle non négligeable à jouer. Aussi la réitération de ces différenciations basées sur le genre réaffirme la présence encore contre-nature des femmes (et des moins de 30 ans) dans les sphères politiques et décisionnelles de l’État sans pour autant que l’article soit problématique en soi.

DécardéE recommande d’avoir conscience de l’importance des médias dans la construction des représentations. Réduire les femmes à leur genre, participe à effacer la diversité des vécus et des parcours et à invisibiliser les compétences de chaque femme. Lors de la description physique, demandez-vous si vous vous attardez sur des attributs soulignant le genre (cravate pour les hommes, couleur du rouge-à-lèvre pour les femmes) et demandez-vous si c’est essentiel au récit ?

Cette étude est possible grâce au soutien du Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences du Canton de Genève.

Lire aussi Les élections au Grand Conseil genevois et Élection du Conseil d’État genevois.

EN SAVOIR PLUS

(1) Les chiffres de l’égalité – Vaud 2022, Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH) et Statistique Vaud (StatVD)
(2) « Candidat, dis-moi d’où tu viens! », Tribune de Genève, 16.02.2018
(3) Le Sexisme dans la publicité française, Rapport de l’Observatoire de la publicité sexiste, 2019-2020, janvier 2021, Résistance à l’Agression Publicitaire.
(4) « Hannah Schlaepfer: «J’aimerais créer une émission politique au ton décalé» », L’Illustré, 10.03.2022.
(5) Étude décadréE, Genre et politique, représentation dans les médias, mars 2020.
(6) « Médiatisation des femmes politiques : grande absence ou surreprésentation?« , décadréE, 14.03.2023.
(7) Etude Mots-Clés pour SISTA X Mirova Forward sur Le traitement médiatique des entrepreneuses et dirigeantes, mars 2022.

Les élections au Grand Conseil genevois

Les élections au Grand Conseil genevois


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Quelle visibilité pour les candidates

Ça y est! Les élections du Grand Conseil genevois, c’était dimanche dernier. L’institut décadréE a suivi de près cet événement dans les médias.

Le travail des médias

Réaliser une représentations des candidat-es en prenant en compte toutes les diversités est un enjeux de taille. Concernant les candidats et candidates du Grand Conseil, l’institut de recherche a analysé deux médias locaux, la Tribune de Genève et Léman bleu. Au lendemain des élections, 84 portraits et interviews ont été sélectionnés. Au final, la représentation des femmes dans les médias s’élève à 40%. Un bon point quand on sait que 39 % de femmes figuraient sur les listes de candidatures.

Nombres de femmes élues au 2 avril 2023 par parti

Sources : Site web du canton de Genève

Les enjeux de médiatisation des partis

Toutefois, les partis et les candidat-es aussi ont des responsabilités. Le travail de communication est important : il ne suffit pas de proposer une liste paritaire. Visibiliser les candidates est tout aussi important. Aussi, l’institut décadréE s’est penché sur la différence entre le nombre de candidates par liste et leur représentation dans les médias. Un résultat est positif lorsque la représentation médiatique est égale ou supérieure au nombre de candidates inscrites sur la liste.

Par exemple, un parti qui présente une liste avec 50 % de femmes (40 femmes et 40 hommes) et dont le nombre d’apparitions médiatiques des candidates est de 60 % (6 interviews de femmes et 4 interviews d’hommes), obtiendra un score de +10 %.

Source pour le taux de femmes par liste : Tribune de Genève

Taux de représentation des femmes dans les médias par parti

Source : Étude décadréE 2023.

Ces résultats dépendent également du nombre de candidates, nous précisons ainsi les partis dont la représentation médiatique des candidates est supérieure à 50 % : les Vert-e-s, le PLR et le Centre avec 57 % de candidates et les Socialistes, avec 71 %.

Par ailleurs, rendre visible les candidates n’invisibilise pas les candidats. En effet :

  1. 28 % des personnes mentionnées dans les médias sont des femmes.
  2. 32 % de sièges au Grand Conseil de 2018 à 2023 sont occupés par des femmes.

Nous dévoilerons de prochaines analyses après le 2e tour des élections du Conseil d’État le 30 avril.

Cette étude est possible grâce au soutien du Bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences du Canton de Genève.

Lire aussi Les élections au Conseil d’Etat genevois

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