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Décryptage tuerie Yverdon

Décryptage tuerie Yverdon


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Le 9 mars 2023, au lendemain de de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, un homme tuait son épouse et ses 3 filles avant de brûler leur maison et de se suicider. C’est l’hypothèse actuellement privilégiée par la police. Au-delà des faits, que peut-on aujourd’hui dire sur le traitement médiatique de cette affaire? Retour sur les principaux éléments.

Le choix des mots

Le jour suivant l’émotion est vive. L’incendie et “ses victimes” sont relayées dans plusieurs médias. À ce moment-ci de l’affaire, on ne peut encore rien dire sur l’origine de l’incendie. Auteur présumé et victimes sont ainsi considérés à égal. C’est suite au communiqué de presse de la police du 11 mars que les choses basculent. La police mentionne l’hypothèse d’un “drame familial”. Plusieurs blessures par balle ont en effet été identifiées sur les victimes. Une arme à feu a quant à elle été retrouvée à proximité du père.

 

Alors que l’hypothèse d’un féminicide et d’infanticides se dessine, les mots utilisés continuent à représenter de manière égale les victimes et leur agresseur. Les termes “drame familial” ou “tragédie familiale” (Tribune de Genève), retrouvés dans plusieurs médias, invisibilisent l’acte de violence en le théâtralisant. Il réduit également ces violences au caractère systémique en les enfermant dans l’espace privé, “la famille”. Les faits seraient un “drame” tombant tragiquement sur une famille, sans signes avant-coureurs. Or les violences sexistes au sein du couple sont, sauf de rares exceptions, l’objet d’un cycle et d’une escalade de la violence. L’emprise, les violences psychologiques, physiques et sexuelles sont autant de signes qui peuvent annoncer un féminicide. Il ne s’agit donc pas d’un drame, mais bien d’un manque de prévention. Pire dans certains cas, c’est « le drame » lui-même qui est présenté comme acteur de violences “ Le drame qui a brisé la famille” (L’Illustré)

Parler de “drame familial” invisibilise les violences systémiques et les enferme dans l’espace privé

D’autres manières de faire sont pourtant possibles . Certains médias s’engagent et utilisent les termes “féminicides” et “infanticides”, d’autres éliminent le terme “drame” pour visibiliser la violence au sein de la famille : “tuerie familiale” ou “crime familial” apparaissent. Si ces termes diminuent la portée systémique des violences et tendent à les réduire à nouveau à l’espace privé, ils ont le mérite de remettre les violences au centre. Les termes “violences domestiques” pourraient également être sollicités à juste titre pour les mêmes raisons. Il est en effet primordial de ne pas minimiser les faits tout en prenant en compte l’avancée de l’enquête.

Le sens à tout prix

Petit à petit, l’enquête des journalistes remplace dans les médias celle de la police. On investigue, on interroge et on découvre des éléments complémentaires, mais surtout on tente de trouver du sens. On peut ainsi lire des titres comme “Incendie à Yverdon: Mais comment peut-on tuer ses propres enfants?” (Watson) ou encore “Avec en toile de fond une question: comment ce père a-t-il pu commettre de tels actes?” (Blick)

Interroger des témoins et relayer leur préoccupations permet de visibiliser les questionnements et réflexions que chacun-e peut avoir face à des situations aussi violentes et choquantes que celle-ci. Cependant cela fait aussi parfois ressortir des poncifs néfastes à la prévention de ces événements, comme cet article du Matin titré “Tuerie d’Yverdon : «Ces assassins n’ont pas le courage de se suicider seuls»”. Cette citation reprise en titre provient d’une personne venue sur les lieux pour se recueillir et rendre hommage aux victimes, elle fait donc cette déclaration dans un moment intense sur plan émotionnel. Elle exprime de la colère (légitime !) envers les auteurs de violence, mais ce faisant elle associe au geste suicidaire une connotation positive (le courage).

Véhiculer de tels jugements de valeur est néfaste car ils valorisent le suicide en lui associant un aspect positif et enviable, ce qui risque d’inciter d’autres personnes à passer à l’acte. C’est face à de telles informations que le travail de journaliste prend toute son importance : son rôle est-il simplement de faire passer l’information d’un « émetteur » à un « récepteur », ou a-t-il pour responsabilité de filtrer et recontextualiser ces propos ? Pour mieux comprendre ces situations, il est essentiel de mettre les faits en perspective avec la vision des expert-es

On peut interroger le caractère intrusif de ces enquêtes sur les réseaux sociaux et la pertinence des interviews aux passant-es. Elle permettent cependant sans le confirmer (seule la justice le fera) d’approfondir la piste du féminicide et infanticide. En effet, on sait que la période de la séparation est une période à hauts risques pour les victimes de violence. Dans certains anciens posts de l’épouse relayés dans les médias, elle parle de “contrôle” et de “subir des comportements”, des éléments qui montrent le caractère cyclique et systémique des violences. Pour permettre une bonne compréhension du phénomène, il est toutefois essentiel de mettre ces éléments en perspective avec la vision des expert-es du sujet.

Expliquer mais ne pas justifier

Ainsi petit à petit, l’idée d’une violence non pas ponctuelle mais répétée et systémique peut faire son chemin. Toutefois ces pistes d’explication sont utilisées pour excuser l’auteur ou justifier son crime. Il est déresponsabilisé car “désespéré”, “acculé”. On trouve alors d’autres coupables comme la séparation : “une séparation difficile pourrait être à l’origine de ce drame” (L’Illustré).

Or si les violences peuvent s’analyser et que des facteurs de risque et de protection peuvent être identifiés, aucun élément ne peut excuser les auteurs de violence. Sans juger les personnes, on peut ainsi juger et condamner les actes.

Chaque article portant sur les faits de violences sexistes ou de suicide peut être l’occasion de sensibiliser et d’informer. Expliquer les schémas récurrents des violences ou visibiliser les ressources d’aide sont autant d’outils à disposition. Il est ainsi conseillé de mettre des ressources d’aide portant à la fois sur le suicide et sur les violences sexistes. DécadréE et Stop Suicide ont pour cela élaboré un encadré spécifique:

Besoin d’aide ?
Si vous vous inquiétez pour vous ou un.e de vos proches, vous pouvez les contacter en toute confidentialité
violencequefaire.ch
service de conseils en ligne anonyme et gratuit (délais de 3 jours)
143
numéro de la Main Tendue, écoute et conseils 24h/7j
144
urgences médicales
117
police
D’autres ressources
santépsy.ch et decadree.com/recommandations

Cérémonie : Prix de la communication inclusive

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Alors les communications et les publicités en Suisse peuvent-elles être inclusives?
La réponse est oui! Rendez-vous le mardi 30 mai pour le découvrir lors de la cérémonie de remise des prix de la communication inclusive.

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Mardi 30 mai à 18h30
Maison de la Communication - Lausanne 30 CHF

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Médiatisation des femmes politiques : grande absence ou surreprésentation?

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Un traitement médiatique sans biais de genre, c’est pas aussi simple que ça ne paraît !

Faire le portrait d’une femme en politique ou celui d’un homme sans biais de genre ? C’est possible mais ça demande beaucoup d’attention. En effet, s’il est rare de lire un article ouvertement misogyne, le sexisme ordinaire se cache pourtant dans la narration et le vocabulaire de bon nombre de publications.

Aviez-vous remarqué que les femmes sont toujours des « jeunes femmes », quelque soit leur âge ? Que leur physique est presque toujours décrit, notamment les parties du corps renvoyant à la féminité comme la couleur du rouge-à-lèvre ou la « chevelure ».

L’institut décadréE développe en 2020 des recommandations pour les journalistes sur les représentations des politiques et les étoffes d’année en année, restant attentif aux pratiques actuelles et aux dernières recherches dans le domaine.

A l’approche des élections du canton de Genève mais également de celles de la Confédération, décadréE renforce ses actions de sensibilisation pour des représentations des politiques sans biais de genre ! Présentés sous la forme d’idées reçues, découvrez des préjugés malheureusement renforcés par un traitement médiatique biaisé.

« Les candidates débordent de l’actualité médiatique »

On entend tout le temps parler des femmes en politique et elles débordent de l’actualité, telles un véritable « tsunami ». Est-ce un préjugé ou pas ?

Oui, c’est un préjugé. Seuls 28% des contenus médiatiques en Suisse donnent la parole ou mentionnent des femmes. Ce qui signifie aussi que plus de 70% du contenu est réservé aux hommes. Parfois, on a l’impression qu’elles sont omniprésentes dans la presse et qu’on en parle tout le temps ; les préjugés nous empêche aussi de juger objectivement. Les titres, chapôs et textes en exergue sont aussi responsables de cette idée reçue.

La presse Suisse en 2022 à largement véhiculé cette image de déferlante féminine menaçante pour les hommes politiques. En voici quelques exemples.

DécadréE recommande de chercher la parité. Les femmes politiques sont moins mises en avant sur la scène médiatique. Vérifiez également que vous mettez en concurrence les individus et non les femmes contre les hommes.

« Les femmes en politiques parlent tout le temps de problématiques féminines »

Les problèmes de conciliation des vies sont systématiquement abordés par les candidates. Elles ne parlent que de ça ! Est-ce un préjugé ou pas ?

Oui… c’est un préjugé. Très souvent, les questions de conciliation des vies sont amenées par les journalistes et non par les femmes interviewées. Il en va de même pour les questions interrogeant leur présupposé féminisme.

Et non, ce n’est pas qu’un préjugé. En 2019, les femmes sont les responsables des tâches domestiques dans 94% des ménages de couples. Il s’agit effectivement de thématiques médiatiques typiquement féminines. Entre autres, parce que les femmes sont aujourd’hui encore tenues de garantir la bonne organisation de la vie privée et familiale.

DécadréE recommande de se demander si vous questionnez spontanément les femmes sur ces thématiques ou si se sont-elles qui les abordent. Demandez-vous si vous aborderiez le thème de l'égalité lors d'un portrait d'homme et si l'angle choisi contribue à défier les stéréotypes. Et si la question est pertinente, est-ce que vous interrogez sa légitimité à candidater à un poste de pouvoir?

« Les candidates ne répondent pas aux médias : elles sont moins nombreuses à accorder une interview »

Quand on mentionne le peu de femmes mentionnées dans les médias, on répond qu’elles ne veulent pas y être. Est-ce un préjugé ou pas ?

Non, ce n’est pas seulement un préjugé. De nombreuses femmes politiques témoignent de résistances internes telles le syndrome de l’imposture et le manque de confiance en soi. La prise de parole dans les médias demande de se sentir légitime. Une mauvaise expérience médiatique est également source de craintes et de refus de s’exposer.

De plus, prendre la parole dans les médias est une exposition qui comporte aussi des risques. Il suffit de lire les commentaires de certains articles pour comprendre les déferlantes de haine que certaines personnes subissent. Les femmes et les personnes minorisées sont particulièrement victimes de ces violences.

DécadréE recommande de prendre garde à référer à une personne concernée par le sujet et d'assurer un entretien en toute sécurité. Prenez du temps et prévenez les personnes à l'avance. Une demande d'interview pour le soir même à plus de chance d'être refusée, notamment pour des raisons de disponibilité.

« Les femmes politiques sont moins aptes à exercer le pourvoir »

Les femmes sont moins nombreuses que les hommes en politique et elles arrivent moins souvent en haut de l’échelle. Si les femmes sont moins présentes en politique, c’est qu’il y a bien une raison! Est-ce un préjugé ou pas?

C’est un préjugé. Un biais récurrent dans le traitement médiatique des femmes et des hommes est la mise en doute de ces premières à exercer le pouvoir. Qui n’a jamais entendu d’une femme en politique qu’elle n’était pas compétente? Cela arrive bien moins souvent pour un homme.

Les médias contribuent à véhiculer cette idée : un vocabulaire infantilisant réduit leurs compétences professionnelles et expertises. Par exemple, 8 fois sur 10, les médias s’attardent sur la jeunesse des femmes, et quel que soit leur âge. La présence d’un mentor masculin ou paternel est également quasi omniprésent dans les portraits féminins.

DécadréE recommande de vérifier que le vocabulaire utilisé n'infantilise pas les carrières féminines. Est-ce que la présence, dans le récit, d'un mentor aurait eu la même importance dans le portrait d'un homme?

POUR ALLER PLUS LOIN

Recommandations décadréE à l’attention des médias
Études décadréE, Genre et politique, représentation dans les médias, mars 2020
Projet Stop Hate Speech
Plateforme des expertes suisses She Knows.ch
GMMP, 6e Projet mondial de monitorage des médias, 2020
Etude Mots-Clés pour SISTA et Mirova Forward, mars 2022

Cérémonie du prix du journalisme contre la culture du viol

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Venez en nombre découvrir et imaginer un journalisme contre la culture du viol

Quelle sont les bonnes pratiques en terme de traitement médiatique des violences sexistes? A quoi faut-il faire attention mais surtout quelles sont les solutions existantes ?

Venez échanger avec nous sur ces questions en présence de l’essayiste Rose Lamy (Préparez-vous pour la bagarre), et des journalistes lauréates du prix du journalisme contre la culture du viol.

Jeudi 4 mai
19h00-21h30 - Lausanne chez Tibits

Programme

  • 18h45 Ouverture des portes
  • 19h00 Remise des prix
  • 19h30 Table ronde

Quels outils et solutions pour un journalisme traitant adéquatement des violences sexistes ?
En présence de:

  • Lauréates 2023 du prix du journalisme contre la Culture du Viol
  • Rose Lamy, essayiste, autrice de déconstruire le discours sexiste dans les médias
  • Valérie Vuille, directrice de décadréE, responsable du projet média sur le traitement médiatique des violences sexistes

Modération: Alizée Liechti, journaliste

  • 20h30 Apéritif
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Suicide forcé

Suicide forcé


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Tour d’horizon d’un nouveau concept

Depuis peu, le concept de “suicide forcé” apparait dans les médias et les discours de lutte contre les violences au sein du couple. En partenariat, décadréE et STOP SUICIDE vous propose une analyse de ce concept. C’est notamment à travers le suicide d’une Jurassienne en 2022 que le concept de suicide forcé s’est fait connaître en Suisse. Dans la lettre laissée à ses proches, la femme accuse son ex-compagnon de violences psychologiques. Ces mots sont sans équivoque: « Ma mort ne révèle pas ma fragilité mais témoigne de la violence que j’ai reçue et que je fuis à tout jamais. Mon acte est politique, ce n’est pas un renoncement ».

D’autres cas ont également mis en avant l’impact des violences psychologiques et de l’incitation directe au suicide, comme ces deux procès de 2021 et 2022 relatés dans le 24 heures. Dans les deux cas, des jeunes femmes ont tenté de se suicider suite à des violences répétées de la part de leur compagnon (et d’incitation au suicide directe dans la première affaire). Pour l’une comme pout l’autre, les tribunaux n’ont pas retenu le chef d’accusation d’incitation au suicide, mais ces affaires ont tout de même permis de mettre en lumière cette problématique auprès du public.

Vers une reconnaissance du concept

Le suicide forcé peut se définir comme un suicide suite à des violences sexistes, notamment psychologiques, répétées. Le suicide est ainsi perçu comme la conséquence directe de l’emprise et de la dépréciation de soi suite à ces violences. Une étude du mouvement Citoyenne féministe met en avant les mécanismes entrainant les victimes de violence au suicide. Dans certains cas, le suicide apparaitrait comme un moyen pour la victime de reprendre le contrôle sur sa vie, face à un auteur qui cherche à dominer par la violence. Dans d’autres, il s’agirait d’une conséquence de la dégradation de l’estime de soi due aux violences de l’auteur (« Tu ne mérites pas de vivre »), voire dans certains cas d’incitations directes au suicide.

Pour comprendre les mécanismes qui mènent au suicide forcé, il est important de prendre en compte les violences au sein du couple et leur fonctionnement. Elles commencent généralement par une emprise ainsi qu’un isolement, suivis du dénigrement de la victime. Ces violences psychologiques répétées enferment la victime dans un cycle passant de phases de violence, à des phases d’accusation et culpabilisation de la victime, où l’auteur attribue à celle-ci l’origine de ses comportements violents (« Regarde ce que tu me fais faire », « c’est de ta faute »…) et des phases de réconciliation, dites de « lune de miel », où l’auteur cherche à se faire pardonner pour que la relation perdure (« Excuse-moi, je ne recommencerai plus ».)

Le Cycle de la violence expliqué sur Violencequefaire.ch.

La violence psychologique peut se coupler à des formes de violences physiques, économiques et sexuelles. À chaque répétition du cycle, la violence se fait de plus en plus forte. Souvent dépendante financièrement, mais aussi socialement, voir juridiquement, la victime se retrouve comme piégée, incapable d’appréhender une porte de sortie.

Un rapport publié en janvier 2022 reconnait le phénomène. Dans une étude en 2017, plus de 1136 suicides forcés sont comptabilisés dans l’Union Européenne. Une autre étude menée par le mouvement Citoyenne féministe en 2019 estime que 76% des victimes de violences domestiques aurait des pensées suicidaires. L’enquête souligne l’ampleur des conséquences des violences psychologiques. Elle note notamment que 62% des répondantes se sentent coupables des violences qu’elles subissent.

Que dit la loi ?

Petit à petit le concept est débattu et se fait ainsi une place dans les lois. En France, l’article 222-33-2-1 du code pénal adopté en 2020 reconnait le suicide forcé comme une circonstance aggravante en cas de harcèlement moral. Dans le droit suisse, il n’existe actuellement pas d’article de loi qui inclut exactement la problématique présente derrière le concept de suicide forcé. En effet, l’Art. 115.1 CP sur l’incitation et l’assistance au suicide a un champ d’application très restreint : il se limite aux cas où une personne encourage activement une autre à se suicider, par exemples à travers des injonctions directes (« va te suicider ») ou indirectes (« tu ferais mieux d’en finir », « on se réjouit d’être débarrassés de toi » NDLR).

Le cas du suicide forcé est plus complexe. En effet, il ne s’agit pas nécessairement d’incitations directes, mais de la conséquence d’une situation de violences psychologiques. Or, celle-ci peine à être reconnue dans les tribunaux même en-dehors du contexte des violences conjugales. Premier signe d’une avancée en ce sens, le procès des ex-dirigeants de France Télécom en 2019, qui a abouti à leur condamnation, ainsi qu’à celle de l’entreprise, pour « harcèlement moral institutionnel ».Il aura fallu 19 suicides et 12 tentatives (et un nombre difficile à estimer d’individus vulnérabilisés par ce « management par la terreur ») pour en arriver à ce procès.

En 2020, un cas de cyberharcèlement ayant entraîné le suicide d’une fille de 13 ans s’est retrouvé devant la justice zurichoise. L’adolescent de 17 ans qui avait partagé la photo dénudée (à l’origine de la vague de harcèlement contre la jeune fille) a été reconnu coupable de contrainte et de pornographie, en revanche aucune condamnation n’a été prononcée pour incitation au suicide.

Le cas de Hilona et Julien

Récemment, l’ex-candidate de téléréalité Hilona Gos témoignait des violences perpétrées par son ex-compagnon Julien Bert. Dans ce témoignage attérant, on peut clairement identifier les mécanismes d’emprise propres aux violences sexistes au sein du couple. A plusieurs reprises, elle témoigne de l’état de tristesse et de dépression dans lequel les violences l’ont entrainée, prouvant ainsi l’impact des violences répétées, tant psychologiques, physiques, qu’économiques, sur sa santé mentale.

Plus encore, Hilona décrit également la manière dont elle a été dévalorisée et insultée sur les réseaux sociaux suite à leur rupture et aux soupçons de violence émises à l’encontre de Julien Bert. Là encore, c’est la victime déjà fragilisée qui est la proie des violences structurelles. Hilona supplie ainsi dans la vidéo qu’il n’y ait pas de réactions suite à son témoignage pour ne pas réactiver la violence.

Plus loin, Hilona aborde la situation précaire et stressante, tant du point de vue financier que juridique, dans laquelle ces événements l’ont entrainée, allant jusqu’à parler de suicide. « Et faut attendre quoi? Je me suicide pour qu’en fait on comprenne que c’est allé trop loin (…) il m’a gâché la vie » Ce témoignage montre ainsi avec beaucoup de clarté comment les violences, mais aussi les événements faisant suite impactent la santé mentale des victimes.

Quels risques psychologiques pour les victimes de violences ?

Le fait de subir des violences constitue un facteur de risque important pour la santé mentale, pouvant aller jusqu’à entraîner des pensées suicidaires. Différentes études se sont intéressées à ce phénomène et ont analysé de plus près les conséquences des violences sur le bien-être psychique. En France, les travaux de recherche montrent que suite à une relation violente, 35% à 65% des victimes ont souffert de dépression. Il a aussi été calculé que le risque de suicide est 4 fois plus élevé chez les femmes ayant subi des violences que chez celles qui n’en ont pas été victimes.

Une méta-analyse aux Etats-Unis réalisée en 1979 a révélé que la moitié (50%) des victimes de violences conjugales présentent des symptômes de dépression, et un près d’un tiers (29%) tentent de mettre fin à leur vie. Pour plus d’informations sur les liens entre violences et risque suicidaire, nous vous invitons à (re)lire l’article de STOP SUICIDE dédié à ce sujet.

Plus récemment, en 2022, une étude britannique basée sur 7000 entretiens individuels d’hommes et de femmes de tous âges et toutes catégories socio-démographiques a montré que la moitié (49,7%) des personnes qui avaient tenté de se suicider avaient également été victimes de violences conjugales.

Les violences conjugales ont donc des effets directs sur la santé mentale de la victime, mais elles aggravent aussi le risque de suicide de manière indirecte. En effet, l’emprise et les violences vont alimenter les facteurs de risque et affaiblir les facteurs de protection de la victime. Par exemple, en isolant la victime de son entourage, l’auteur la prive de contacts qui sont des ressources d’aide importantes et pourraient intervenir. Dans les situations où l’auteur contrôle les communications, la victime peut aussi craindre de subir des violences en représailles si elle demande de l’aide à ses proches ou à des professionnel.les. Il y a parfois une impossibilité matérielle d’échapper à la situation de violences quand l’auteur maintient également une forme de contrôle financier. Et à cela s’ajoute la crainte de subir encore plus de violences si l’on tente de sortir de la relation.

Au final, même s’il n’y a pas d’incitation au suicide directe de la part de l’auteur de violences, celui-ci crée toutes les conditions pour que la victime en vienne à envisager le suicide comme seule issue possible à la relation.

La bonne terminologie ?

Le suicide forcé est-il ainsi la bonne expression? Le concept a le mérite de visibiliser les conséquences multiples de l’emprise et des violences psychologiques.

On peut toutefois le questionner. Il tend tout d’abord à enlever tout pouvoir d’action à la victime elle-même. S’il est vrai que cela peut correspondre aux sentiments d’emprise extrême, la victime n’est jamais dépourvue de son libre-arbitre. Plus encore, le concept de suicide forcé pourrait tendre à simplifier les mécanismes de la crise suicidaire et la réduire à une conséquence unilatérale et directe d’une violence. Comme nous l’avons vu ci-dessus, la réalité des violences conjugales est bien plus complexe et celle du processus suicidaire l’est tout autant. En effet, un passage à l’acte suicidaire n’est jamais lié à une seule et unique cause : il s’agit de la conséquence d’une accumulation de facteurs de risque. Si ces problématiques s’installent dans la durée sans pouvoir y trouver de résolution ou de soulagement, elles génèrent un mal-être existentiel qui peut amener à ne plus percevoir d’autres options que le suicide. Cela concorde donc avec la situation dans laquelle peuvent se retrouver les victimes de violences conjugales : l’auteur fait peser sur elles une multitude de facteurs de risque, et leur emprise rend impossibles la plupart des solutions habituellement envisageables.

Pour finir, un terme existe déjà pour visibiliser la mort et le meurtre suite à des violences sexistes: Le féminicide. Le suicide forcé est ainsi une forme de féminicide et il est important de le reconnaitre en tant que tel et de comptabiliser les suicides forcés comme des féminicides. En Suisse et dans de nombreux pays, les statistiques officielles décomptant les féminicides manquent. L’ONU a pris position en mars 2022 en proposant un nouveau cadre mondial pour mesurer les féminicides malheureusement il ne se réfère qu’aux « féminicides intentionnels », incluant le meurtre d’une personne sur une autre personne. La catégorie omet donc les suicides forcés.

Dans le cadre judiciaire, le concept de suicide forcé permet de punir les violences psychologiques et a ainsi toute sa pertinence. Il doit cependant être utilisé avec conscience. Il ne représente que le haut de iceberg des violences et toutes les victimes de violence ne se suicident pas.

Pour conclure, dans le cadre de la sensibilisation, la notion de suicide forcé permet ainsi de questionner les conséquences des violences sur la santé mentale et de les visibiliser. Il serait par exemple intéressant de savoir, parmi les femmes qui se suicident, quelle proportion étaient victimes de violences, afin de mieux comprendre l’ampleur du phénomène et de mieux le prévenir. L’utilisation du concept de suicide forcé pose ainsi de nombreuses questions. S’il permet de mettre en lumières les mécanismes récurrents touchant aux violences et à la santé mentale, il s’agit de ne pas omettre sa portée sociétale et politique. Il est donc essentiel de le mettre en contexte sous l’angle du féminicide, pour ne pas invisibiliser le fait qu’il s’agit avant tout du résultat d’une violence de genre, qui elle-même génère du mal-être et alimente les facteurs de risque. Vous souhaitez aborder cette thématique à travers un article, un reportage ou un contenu pour les réseaux sociaux ? décadréE et STOP SUICIDE sont à votre disposition pour vous accompagner dans vos projets médias, n’hésitez pas à nous contacter !

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Prix du journalisme contre la culture du viol

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Appel à candidature

Pour sa deuxième édition, le prix du journalisme contre la Culture du viol ouvre une nouvelle catégorie. Vous avez participé à produire un contenu journalistique hors du cadre de l’actualité quotidienne sur les violences sexistes entre les années 2020 à 2022?

Longs formats, podcasts, documentaires et productions "hors cadre" portant sur les violences sexistes produites en Suisse seront récompensées sur la base d'une candidature.

Les candidatures sont ouvertes dès aujourd'hui et jusqu'au 22 mars!

Pour toutes questions, contactez Valérie Vuille, valerie.vuille@decadree.com!

Lancé par décadréE en 2020, le prix du journalisme contre la culture du viol a pour objectifs de valoriser des articles et des productions journalistiques brisant les clichés et informant sur les violences sexistes.

Découvrir les lauréates du Prix du journalisme contre la culture du viol 2020

Conseils femmes, médias et politique

Conseils femmes, médias et politique


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Les hommes et les femmes ne sont pas représentées de la même manière par les médias. La faute à qui ?

Et bien, les responsabilités sont partagées. Certes, la presse entretient des biais de genre en reproduisant le sexisme. Mais les femmes font également face à des freins plus nombreux lors de prise de parole, car on leur apprend, par exemple, dès l’enfance à attendre leur tour avant de prendre la parole. Bref, tout un système : des freins individuels, collectifs et systémiques.

L’institut décadréE développe en 2020 des recommandations pour les journalistes sur les représentations des politiques. Parallèlement, des conseils pour les femmes médiatisées et responsables de la communication sont publiés.

A l’approche des élections du canton de Genève mais également de celles de la Confédération, décadréE renforce ses actions de sensibilisation pour des représentations des politiques sans biais de genre !

La prise de parole en public

La prise de parole en public et à la presse demande de se sentir légitime et de s’entraîner. Le syndrome de l’imposture est par ailleurs souvent un frein considérable : 7 personnes sur 10 vivent au moins une fois dans leur vie ce phénomène et les femmes sont bien souvent plus concernées.

Les conseils décadréE

  • Participez à des média training
  • Lors des interviews, n’hésitez pas à refuser de répondre à des questions hors sujet
  • Inscrivez-vous aux listes d’expertes

Des questions orientées par le genre ?

Les questions et la manière d’aborder les personnes changent selon le groupe et le genre. En 2020, décadréE analyse les portraits des politiciennes et des politiciens et constate que la mention du statut familial apparaît 8 fois sur 10 pour les portraits de femmes et seulement 3 fois sur 10 pour ceux des hommes.

Les femmes sont souvent questionnées sur des sujets prétendument féminins et le cœur de métier est bien moins abordé. La conciliation des vies, les soucis d’habillement ou la vie affective sont des sujets spontanément abordés par les journalistes, rarement par les femmes interviewées. Ces questions sont exceptionnelles voire absentes des interviews avec des hommes.

Les conseils décadréE

  • Posez un cadre strict, voire refusez de répondre aux questions portant sur la vie privée
  • Réagissez lors d’articles problématiques
  • Prêtez attention à vos propres biais

Les poses photographiques

Comment nous illustrons-nous ? Sans nous en rendre compte, reflétons-nous les normes attendues de la féminité ou cassons-nous les codes ? Le regard de côté, la bouche ouverte, les mains délicatement posées sont autant de signes renvoyant à la douceur et à la féminité.

Une belle photo, c’est bien évidemment flatteur mais qu’est ce que cela raconte aux yeux du public ? Ou plutôt, qu’est-ce que cela ne raconte pas.  Les photographies contribuent à refléter des normes et reproduisent des clichés. Le 6e projet mondial de monitoring des médias rappelle qu’en 2020 les femmes sont encore largement objectifiées dans les médias et que « les images les représentant ne sont incluses que pour attirer l’attention des lecteurs ».

Les conseils décadréE

  • Regardez droit vers l’objectif
  • Prenez une pose assurée représentative de vos responsabilités ou de vos idées
  • N’hésitez pas à refuser des poses que vous jugez inappropriées

Risques d’une exposition médiatique

Prendre la parole dans les médias, s’exprimer sur les réseaux sociaux est une exposition qui comporte aussi des risques. En effet, certaines personnes subissent des campagnes de haine, reçoivent des messages toxiques voire des menaces, parce qu’elles prennent la parole et exposent leurs opinions ou leurs idées. Les femmes et les personnes minorisées sont particulièrement victimes de ces violences.

Les conseils Stop Hate Speech

Si vous êtes victime de discours de haine

  • Parlez-en et trouvez du soutien
  • Ne lisez pas les commentaires
  • Prenez des captures d’écrans des messages haineux en archive

Si vous vous alliez contre le discours de haine

  • Dénoncez les commentaires sexistes et haineux à la modération
  • Contrez les discours de haines en écrivant des commentaires positifs

Pour en savoir plus  : Stop Hate Speech

POUR ALLER PLUS LOIN

Études décadréE, Genre et politique, représentation dans les médias, mars 2020

Recherche-action décadréE, Genre et publicité en Ville de Genève, 2020

Projet Stop Hate Speech

Plateforme des expertes suisses She Knows.ch

GMMP, 6e Projet mondial de monitorage des médias, 2020

Etude Mots-Clés pour SISTA et Mirova Forward, mars 2022

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Un nouveau prix récompense les campagnes de communication inclusives

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Lausanne, le 24 janvier 2023

DécadréE lance le prix de la communication inclusive en partenariat avec la Société romande de relations publiques et KS/CS Communication Suisse. Les inscriptions sont ouvertes dès le 25 janvier et les prix seront remis à la fin du printemps lors d’une cérémonie à Lausanne.

« Egalité, diversité, inclusivité sont des passages obligés en 2023 et le monde de la communication l’a bien compris. D’ailleurs, le public de plus en plus concerné et sensibilisé ne tarde jamais à tagguer une campagne sexiste et discriminante. Mais pour les agences comme pour les entreprises, prendre ce tournant n’est pas toujours chose aisée », déclare Valérie Vuille, directrice de décadréE.

Face à ce constat l’institut décadréE, coporteur du label Way to inclusivity avec Egalyca, a décidé de montrer l’autre visage de la com. Il s’allie à la Société romande de relations publiques et à KS/CS Communication Suisse pour lancer le prix de la communication inclusive. L’objectif : valoriser les organisations et les agences qui prennent le problème à bras le corps.
Ce prix sur postulation récompensera deux productions réalisées dans l’année. La première sera une campagne dont l’objectif principal est de faire la promotion de l’égalité. La seconde ne sera pas sur le thème de l’égalité en tant que tel, mais ne montrera pas de représentations sexistes ou discriminatoires.

Processus d’évaluation

Depuis 2020, l’institut de recherche et de formation et laboratoire d’idée sur l’égalité dans les médias, décadréE, travaille avec des professionnel-les de la communication et de l’égalité sur la thématique de la communication inclusive.

L’institut mis à profit cette expertise pour développer une grille d’analyse de 16 critères permettant de juger de manière neutre et objectif l’inclusivité d’une production. Cet outil permettra à l’équipe de décadréE de contrôler le caractère inclusif des campagnes inscrites.

Elle sélectionnera une dizaine de campagnes qui seront soumises à un jury de cinq personnes représentant décadréE, les associations professionnelles de la communication et des relations publiques, ainsi que des expertes de l’égalité et de l’inclusivité.

Les campagnes participantes doivent avoir été réalisées en Suisse et diffusées en Suisse entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2022.

Les inscriptions sont ouvertes du 25 janvier au 1er mars 2022 sur la page du Prix de la communication inclusive

Les prix seront remis lors d’une cérémonie à Lausanne, à la fin du printemps.

Contact
Valérie Vuille, directrice de décadréE
valerie.vuille@decadree.com

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