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Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo

Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo


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Décryptage

Depuis la finale de l’Eurovision samedi dernier, des dizaines d’articles sont parus et ont parlé de Nemo, l’artiste qui a représenté la Suisse et lui a offert la victoire avec la chanson “The Code”. Plusieurs articles entourant sa participation et les demi-finales avaient déjà été publiés avant.

Comment parler d’une personne non-binaire ? Le cas de Nemo

Nemo est une personne non-binaire qui a fait son coming out publiquement en novembre 2023. La plupart des articles souligne la non-binarité de Nemo, ce qui permet une visibilité et une représentation pour les personnes non-binaires. Les médias mettent ainsi en avant la diversité de la société. Néanmoins, il convient de ne pas simplement nommer son identité non-binaire, mais également de la respecter dans l’écrit.

En effet, durant son coming out Nemo a précisé utiliser les pronoms anglais they/them mais que la simple utilisation de son prénom, sans pronom, lui convenait également. Pourtant, bon nombres d’articles de presse n’utilisent pas le pronom “iel” (actuellement l’équivalent français de they) ni son prénom, mais le pronom “il”, ce qui revient à mégenrer Nemo (utiliser un genre qui n’est pas celui de la personne, ce qui ne respecte pas son identité est violent).

  • Nous relevons par exemple ce paragraphe publié dans une news ATS du 12 mai 2024 :“Le jeune artiste, genré « iel », vit entre Bienne et Berlin. « Je me sens très bien dans les deux villes et j’aime y vivre. […]« , a-t-il dit dans une interview parue dans le journal Coopération.”. Les journalistes ont précisé que Nemo utilisait le pronom “iel” mais ont pourtant écrit “a-t-il dit”. De plus, quelques lignes plus bas, il est question du “jeune homme”, formulation qui nie complétement son identité. D’autres news ATS reprenaient néanmoins le pronom “iel”.
  • Un article du journal Le Temps publié le 9 mai décrypte la chanson “The Code” et les questions de non-binarités, pourtant l’article genre Nemo à chaque fois au masculin (musicien, chanteur, il).
  • Enfin, durant l’émission, sur la RTS, Jean-Marc Richard a dit que “Nemo est un ‘iel’ exceptionnel”. “Iel” est un pronom, pas un nom et est donc à utiliser comme tel. On ne dirait pas “Jean-Marc Richard est un il exceptionnel”, nous dirons “Jean-Marc Richard est un être exceptionnel ou une personne exceptionnelle”.

Ainsi, nous voyons que les journalistes font face à certaines difficultés dans le cadre du traitement médiatique des personnes non-binaires. Ce qui a été également relevé par le magazine 360. Un manque de cohérence existe donc au sein même des articles  et à l’intérieur des rédactions, ce qui dénote un manque de sensibilisation et de directives claires à l’interne. Pourtant, le cas d’une personne non-binaire médiatisée n’est pas nouveau, l’artiste Sam Smith avait par exemple fait son coming out non-binaire en 2019.

Ainsi, comment faire en tant que journaliste pour respecter l’identité de la personne ?

Voici quelques stratégies pour un traitement médiatique respectueux des personnes non-binaires.

Tout d’abord, il faut connaître le pronom que la personne utilise. Si ce n’est pas possible de le demander car vous ne l’interviewez pas, il est possible de trouver cette information par exemple sur le site de l’artiste, dans la bio Instagram, dans la biographie dans les documents officiels, ou parfois sur wikipédia, pour les célébrités, ou encore dans d’autres articles de presse (mais attention à ne pas reproduire l’erreur de collègues).

Il convient ensuite d’utiliser ce pronom. Si votre ligne rédactionnelle n’accepte pas le pronom “iel” (bien qu’il soit défini dans Le Robert depuis l’automne 2021), vous devez utiliser des stratégies rédactionnelles pour ne pas mégenrer la personne concernée : utiliser son prénom, ou trouver d’autres tournures de phrases.
  • Dans un article du Matin Dimanche du 5 mai, il est dit que Nemo utilise le pronom “iel” mais que le journaliste va plutôt utiliser son prénom dans l’article, donc il y aura des répétitions. Si la plupart des accords au masculin le mégenre, le début de l’article montre une première sensibilisation.

Effectivement, le français étant une langue très genrée, au delà du pronom, il y a les mots et les accords auxquels il faut faire attention. A nouveau, bien que binaire, la langue française reste riche et il existe bon nombre de synonymes épicènes qui permettent de ne pas mégenrer la personne.

  • Le chapô d’un des articles de la Tribune de Genève du 7 mai montre par exemple qu’il est possible de donner les informations de base (titre, sujet, etc.) sans mégenrage : “Nemo représentera la Suisse à l’Eurovision 2024 avec «The Code». Retour sur la genèse de ce morceau qui raconte le voyage personnel de l’artiste non binaire.”.
  • C’est également le cas dans ce paragraphe d’un article du 24 Heures du 12 mai : “C’est auréolé de rose et des étoiles européennes que le pays a versé tard samedi, après une soirée incroyable marquée par la victoire de Nemo à l’Eurovision Song Contest. L’artiste originaire de Bienne – cumulant les «twelve points» à l’heure des résultats puis l’adhésion du public – a offert à notre pays sa troisième victoire, après Lys Assia en 1956 et Céline Dion en 1988. Nemo a surtout ouvert une brèche dans ce concours qui constitue le troisième événement télévisuel au monde en termes d’audience.”.
  • Ou encore cet article du 10 mai sur le site lematin.ch qui ne mégenre pas Nemo. Ce que ces derniers exemples montrent, c’est qu’il est possible de jouer avec la langue pour respecter l’identité de genre de Nemo, même si la ligne rédactionnelle de votre média est limitante.
Ainsi, il convient de favoriser les termes tels que l’artiste ou l’interprète plutôt que le chanteur, ou encore “originaire de Bienne” plutôt que “le Biennois”, le participe présent “Représentant la Suisse, ...” plutôt que “le représentant”, etc. Certains adjectifs tels que enthousiaste, dynamique, etc. ou certaines reformulations (“avec beaucoup d’émotions” à la place de “ému”) peuvent être utiles dans ce cas.

DécadréE travaille sur le traitement médiatique des thématiques LGBTIQ+ depuis fin 2020 et fait une veille de 19 médias romands. Nous avons pris des exemples parlant, sans volonté de pointer une rédaction (ou des journalistes) plus qu’une autre. Nous souhaitons montrer le manque de sensibilisation qui existe sur ces questions et proposer des outils concrets pour aider les journalistes pour un traitement plus respectueux des identités non-binaires. Nous proposons ainsi un lexique et un livret de recommandations sur les questions LGBTIQ+.

Télécharger le lexique ➞

Télécharger le livret de recommandations ➞

Le travail de veille médiatique des thématiques LGBTIQ+ de décadréE est soutenu par l’Office cantonal de l’égalité et de la famille de l’Etat du Valais, la Ville de Genève, le LGBTI Youth Fund et Tides foundation.

Prix de la communication inclusive: des récompenses pour l’Unil, les TPG et le CSP Vaud.

Prix de la communication inclusive: des récompenses pour l’Unil, les TPG et le CSP Vaud.


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Lausanne, le 30 avril 2024 – communiqué

Le Prix de la communication 2024 s’est conclu le 30 avril au soir par une cérémonie au Tibits Lausanne, devant une trentaine de personnes issues des milieux de la communication et de l’égalité. Cette deuxième édition a rassemblé sept campagnes shortlistées, réparties en deux catégories. «Le marché de la communication ne progresse pas de façon linéaire, estime Valérie Vuille, directrice de DécadréE et organisatrice du concours. Certaines structures qui ont participé en 2023 n’ont pas eu de nouveaux projets à montrer cette année, alors que de nouvelles institutions ont connu leur première participation.»

Deux campagnes récompensées

Dans la catégorie ouverte aux campagnes sur le thème de l’égalité, le prix a été attribué à l’Université de Lausanne pour sa campagne Out of the box. Cette action qui mêle affichage, rencontres et expérience personnelle visait à changer les regards envers les personnes LGBTIQ+.

«Nous avons récompensé cette action à la fois pour ses objectifs ambitieux et pour son approche engagée. Le parti pris visuel est fort et cette campagne est très complète. Elle a d’ailleurs été réalisée en mobilisant l’expertise d’associations et d’équipes scientifiques», a déclaré Héloïse Roman, Chargée de projets égalité à la Ville de Genève et membre du jury.

La seconde catégorie était ouverte aux campagnes appliquant les bonnes pratiques de l’inclusivité, tout en poursuivant d’autres objectifs. Ce sont les TPG et leur campagne «Versus» qui ont remporté le prix. Cette action réalisée par l’agence Cavalcade met en scène des situations qui opposent usager-es des transports publics et automobilistes.

Joëlle Moret, déléguée à l’égalité de la Ville de Lausanne et membre du jury, souligne que «les situations proposent une bonne mixité, tout en adoptant un langage inclusif. Cette approche comporte l’avantage de faire avancer assez discrètement l’inclusivité dans une campagne à vocation commerciale.»

Un jury des jeunes

C’était la nouveauté de cette année: un jury composé de trois jeunes en formation dans les domaines de la communication et des médias a décerné un prix coup de cœur. Ce dernier a été remis au CSP Vaud, pour sa série de vidéos de sensibilisation aux conséquences financières et personnelles d’une séparation ou d’un divorce. «Les personnages sont non genrés et non racisés, ce qui laisse libre court à l’imagination et permet donc la représentation d’un large panel de personnes. Le langage est ouvertement inclusif, notamment avec l’utilisation des mots «parent» et «parent gardien» et le doublet «avocat ou avocate», ce qui permet de visibiliser l’égalité des genres dans le discours de l’institution qui entend ainsi lutter contre les stéréotypes», a souligné Joanie Perrenoud, étudiante en Sciences de l’information et de la communication et sociologie à l’Université de Neuchâtel.

Sept campagnes shortlistées

Le jury officiel et le jury des jeunes ont dû faire leur choix parmi sept campagnes réparties entre les deux catégories.

Catégorie «Campagnes pour l’égalité»

  • Université de Lausanne (récompensée)
  • Université de Genève pour sa campagne contre le harcèlement et les discriminations fondées sur le genre et l’orientation sexuelle et affective. Réalisation: Baston!
  • Bureau de l’égalité de l’Etat de Vaud pour sa campagne contre les violences domestiques “victime de violence à la maison?”. Réalisation: 23 bis.
  • Office cantonal de l’égalité et des libertés de l’Etat du Valais pour son plan d’action cantonal de lutte contre les discriminations vécues par les personnes LGBTIQ. Réalisation: Keran.

Catégorie «Toutes campagnes»

  • TPG (récompensé). Réalisation: Cavalcade
  • CSP Vaud (récompensé par le jury des jeunes)
  • Unisanté pour sa campagne de prévention contre le tabagisme. Réalisation: Cartoonbase

Pour être shortlistées, les campagnes présentées devaient correspondre à une liste de critères de validation mise en place par DécadréE.

Le jury officiel réunissait des professionnelles de l’égalité et des représentants des métiers de la communication:

  • Valérie Vuille, directrice de DécadréE
  • Joëlle Moret, Déléguée à l’égalité et à la diversité à la Ville de Lausanne
  • Héloïse Roman, Chargée de projets égalité à la Ville de Genève
  • Vincent Antonioli, membre du comité et président de la commission régionale Suisse romande de KS/CS Communication Suisse
  • Romain Pittet, coprésident de la Société romande de relations publiques (SRRP)

Le jury des jeunes réunissait trois personnes de moins de 25 ans qui suivent actuellement une formation dans les domaines de la communication ou des médias:

  • Joanie Perrenoud
  • Kaziwa Raim
  • Velia Ferracin

Contact

Valérie Vuille, directrice de DécadréE
076 567 03 23
valerie.vuille@decadree.com

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Menacer ou simuler un suicide: une violence psychologique

Menacer ou simuler un suicide: une violence psychologique


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Le 22 avril les médias annoncent que le chanteur Kendji Girac est hospitalisé. L’enquête nous apprendra plus tard que c’est le chanteur lui-même qui s’est infligé la blessure. De nombreux médias mentionnent en outre des tensions et des nombreuses “disputes” se déroulant au sein du couple. Plus encore, ces mêmes articles mentionnent des menaces déjà formulées par le chanteur et des gestes violents (taper contre les murs, briser des objets). Aucun pourtant ne rattache la simulation de suicide, la menace et les objets brisés à des violences psychologiques.

Violences psychologiques et menace de suicide

La violence psychologique peut prendre des formes diverses : propos dénigrants ; humiliations ; interdictions répétées ; contrôle sur les vêtements, les activités, le portable et sur les relations familiales et amicales ; comportements agressifs ; ou encore menaces verbales ou physiques. Les comportements agressifs, comme jeter des coups de poing au mur ou casser un meuble en présence des victimes, sont également des violences psychologiques.

Il s’agit d’une violence très présente au sein des couples. Elle instaure notamment une emprise sur les victimes.

Or, à la vue des faits rapportés, tout laisse à croire qu’ils sont bel et bien liés à de la violence psychologique.

En effet, l’outil du violentomètre proposé par plusieurs structures pour évaluer son couple mentionne la menace de suicide dans les hauts degrés de danger.

Plus encore, en Espagne la menace de suicide tient une place phare dans le VioGèn, outil informatique permettant à la police de lutter contre les violences de genre en évaluant les risques de récidive.

Le traitement médiatique des faits

Le premier élément qui choque à la lecture des articles portant sur l’affaire est l’absence du questionnement sur la violence au sein du couple. Les articles mentionnent “les disputes”, ainsi que les autres formes de violences présentes sans jamais les nommer.

Plus encore, d’autres articles partent dans des formes de romantisation en mettant en avant la passion qui lierait le couple, allant jusqu’à parler de “suicide passionnel”. Or la crise suicidaire, s’il elle a lieu, ne peut pas se réduire à un seul élément mais doit être comprise comme multifactorielle. De plus, la violence n’est pas une question d’amour, mais de contrôle et d’emprise.

Une occasion manquée

Le traitement médiatique de l’affaire est problématique et c’est une réalité dommageable. La violence psychologique est fortement invisibilisée dans les médias. Seulement 11% des articles analysés en 2022 par Décadrée parlaient de la notion d’emprise. Cette affaire aurait ainsi pu être l’occasion de sensibiliser et de faire intervenir des expert-es sur ces questions.

Sexual Harassment Awareness Day 2024

Sexual Harassment Awareness Day 2024


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DécadréE hors les murs

L’Université de Neuchâtel convie le 25 avril l’institut décadréE et Unisanté pour éclairer les différents aspects du sexisme et du harcèlement sexuel numériques. Cette discussion a lieu dans le cadre de la campagne nationale contre le harcèlement sexuel dans les milieux académiques suisses.

DécadréE reviendra sur un des résultats de son rapport 2023  « Genre et politique » qui explique les risques d’une exposition médiatique. Prendre la parole dans les médias, s’exprimer sur les réseaux sociaux comportent aussi des dangers.

En effet, certaines personnes subissent des campagnes de haine, reçoivent des messages toxiques voire des menaces, parce qu’elles prennent la parole et exposent leurs opinions ou leurs idées. Les femmes et les personnes minorisées sont particulièrement victimes de ces violences. Elles sont délégitimées et silenciées sur les plateformes de commentaires rendant complètement stérile les débats.

Jeudi 25 avril
12h30-14h00 – Neuchâtel Événement ouvert à toute la communauté universitaire, entrée libre. UniNE, Premier-Mars 26, salle C45

En savoir plus
Et pour découvrir la campagne nationale : SH2024

Exclusive, l’écriture inclusive?

Exclusive, l’écriture inclusive?


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Décriée ou encensée, l’écriture inclusive fait l’objet de vifs et nombreux débats. Parmi les enjeux de cette évolution de l’usage de la langue française figure une meilleure représentativité des personnes composant la société.

© Stafeeva / Adobe Stock

DécadréE et Vision Positive co-rédigent un article sur REISO, la Revue d’information sociale, et proposent de revenir sur les débats autour de l’accessibilité de l’écriture inclusive. Les autrices, Valérie Vuille et Céline Witschard sont également les intervenantes de la formation proposée deux fois par an pour une écriture inclusive et accessible. La prochaine session aura lieu le 18 avril prochain.

Découvrez l’article complet directement sur le site web de REISO.


Vision Positive est une entreprise spécialisée dans le conseil, la formation et l’accompagnement de projets autour de la communication accessible, mais aussi de la médiation culturelle accessible et de l’accueil des publics à besoins particuliers et des enjeux liés à l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la société. Vision Positive et sa fondatrice et directrice Céline Witschard, malvoyante de naissance, ancienne journaliste RP et enseignante, s’engagent pour une société inclusive et plurielle à tous les niveaux.


Interdisciplinaire, la revue REISO s'intéresse à l'action sociale et à la santé publique en Suisse romande.

Assemblée générale 2024

Assemblée générale 2024


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L’Assemblée générale de l’association décadréE se tiendra le 23 avril 2024 à 18h30 à la Collective

Nous aurons le plaisir de vous présenter les perspectives et stratégie 2024 de décadréE ainsi que nos grande actions de 2023 qui ont rayonné en Suisse romande et au-delà.

Pour toute personne intéressée à participer, nous vous invitons à nous écrire. C’est avec plaisir que nous vous accueillons.

Pour plus d’info : aurelie.hofer@decadree.com

Statistiques des violences sexistes: mise à jour

Statistiques des violences sexistes: mise à jour


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Le document sur les statistiques portant sur les violences sexistes en Suisse et dans le monde est à jour!

Pour faciliter le traitement médiatique des violences sexistes et visibiliser les statistiques, décadréE met à disposition un document regroupant les principales statistiques suisses et mondiales.

Retrouvez le sur notre site internet sous recommandations.

Cérémonie : Prix de la communication inclusive

Cérémonie : Prix de la communication inclusive


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Alors les communications et les publicités en Suisse peuvent-elles être inclusives?
La réponse est oui! Rendez-vous le mardi 30 avril pour le découvrir lors de la cérémonie de remise des prix de la communication inclusive.

En savoir plus sur le prix
Mardi 30 avril à 18h30
Tibits - Lausanne Professionel-les: 30 CHF Etudiant-es: gratuit

Formulaire


Cérémonie prix de la communication inclusive
Inscrire une personne supplémentaire
Inscription cérémonie prix de la communication inclusive (10.06, 18h30)
Moyen de paiement

décadréE
Rue de la Coulouvrenière 8
1204 Genève

IBAN : CH47 0900 0000 1404 6732 8

Cas de viols dans l’espace public

Cas de viols dans l’espace public


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Décryptage

Suite au cas d’un viol dans l’espace public en Ville de Genève, plusieurs articles utilisent les dénominations “viol sauvage” ou “viol à l’arrache”. Décryptage d’une dénomination glissante.

Une affaire de viol dans l’espace public est révélée le dimanche 10 mars par la Tribune de Genève. L’affaire date de février. L’article parle également d’une augmentation des chiffres des viols dans l’espace public. Ces agressions sont qualifiées de “viol sauvage” et “viol à l’arrache”. Or ces termes ne sont pas neutres.

Un vocabulaire animalisant

Les mots “sauvage” et “prédateur” et leurs dérivés, comme “sauvagement violée” renvoient à un champ lexical animalisant. Or, les violences ne découlent pas de pulsions incontrôlables et animales, mais bien de relations de pouvoir. Les auteurs de violence ne doivent donc pas être comparés à des animaux.

Une hiérarchisation des violences

Un viol est un viol, quelque soit le contexte, les réactions de la victime et les actes de l’auteur. Un viol dans l’espace domestique et conjugal n’est pas moins destructeur qu’un viol dans l’espace public. Il en est de même si l’auteur fait preuve de contraintes et de violences physiques, ou si la victime est sidérée et figée. Or, utiliser des adjectifs comme “sauvage” distingue une agression d’une autre, ce qui peut provoquer un phénomène de hiérarchisation.

Propos et sentiment d’insécurité

La majorité des violences faites aux femmes ne se déroulent pas dans l’espace public, mais dans l’espace privé par des proches. L’augmentation des violences dans l’espace public est certes inquiétante, mais elle ne doit pas accaparer toute l’attention. Plus encore, il est important de ne pas participer à augmenter un sentiment d’insécurité qui pourrait réduire la liberté de mouvement et d’action des femmes, voire les empêcher de chercher de l’aide.
Les femmes n’ont pas à porter la charge mentale de leur propre protection et à réduire leur liberté de mouvement.

Viol collectif à Catane et castration chimique

Viol collectif à Catane et castration chimique


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Traiter des affaires sensibles au-delà des biais racistes

Fin janvier à Catane, Italie, 7 hommes ont participé au viol collectif d’une jeune femme. Un crime qui n’est pas le premier puisque selon les médias plusieurs viols collectifs ont été recensés en Italie ces derniers mois. L’indignation fait rage et le débat médiatique s’est ouvert sur une proposition du ministre Matteo Salvini: la castration chimique.

Comment traiter de cette actualité sans tomber la tête la première dans les biais racistes et classistes de la culture du viol, qui voudraient que tous les auteurs soient étrangers et « déviants »? Certains articles nous donnent des premières pistes.

Plusieurs médias dont Watson et Blick titrent ainsi « La castration chimique, la solution pour en finir avec les violeurs? » ou « L’Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace? ». Ces médias prennent comme point de départ un fait divers, ici le viol collectif à Catane, pour dézoommer en soulignant d’une part la récurrence des viols collectifs des derniers mois, et amener une réflexion politique, voire sociétale. Un mouvement généralement positif lorsque l’on parle de traitement médiatique des violences sexistes. Or, que peut-on dire du traitement médiatique de cette affaire en particulier?

Décryptage

Plusieurs éléments peuvent être mis en avant pour analyser le traitement médiatique des affaires de violences sexistes: le vocabulaire et les éléments de descriptions de la victime, de l’auteur et des faits ainsi que l’angle et les sources.

Or, rapidement on constate que les articles dévoilent, voire insistent sur la nationalité et le statut des auteurs du viol collectif de Catane : « Une petite fille violée par sept Égyptiens: ne me parlez pas de tolérance. Face à cette horreur, il ne faut pas être indulgent, il n’y a qu’un seul traitement: la castration chimique », écrit Watson en citant un tweet de Matteo Salvini dans le premier paragraphe de son article « L’Italie veut castrer les violeurs: est-ce vraiment efficace? » . Du côté du Blick, on révèle également leur statut migratoire « Ce sont des immigrants illégaux. »

Un fait qui peut avoir son importance au vue des discours des politiques puisque le débat se cristallise autour de la politique migratoire italienne, plus précisément d’une loi accordant aux réfugié-es mineur-es le droit de rester sur le sol italien jusqu’à l’âge de 21 ans.

Cependant, il questionne. En effet, des études (1997 : Madriz, 2021 : Lochon) ont montrés que les biais racistes perdurent dans la représentation des violences sexistes.

Le soir à l’extérieur dans une ruelle sombre et isolée une femme valide, blanche, jeune et belle se fait violer par un homme moche, étranger, frustré, fou et dépendant à l’alcool ou à la drogue.

Voilà schématiquement le « mythe de la parfaite agression » que décrit l’autrice américaine Esther Madriz. Cette représentation agit comme un curseur pour juger ensuite de la légitimité et de la crédibilité des autres agressions, des victimes et des auteurs.

On sait aujourd’hui, qu’il n’est pas possible de dessiner un profil type d’auteur de violence. Or, la manière dont les auteurs du viol de Catane sont décrits tend à confirmer ces biais. Plus encore, ceux-ci sont renforcés dans l’article du Blick par la description du contexte: « Ils ont eu lieu dans des rues sombres. Sur des chantiers abandonnés. Dans des entrepôts. » Or, se focaliser sur les éléments concordant avec l’agression stéréotypée invisibilise les autres situations de viols. Une chose, que l’ont descelle déjà dans le discours politique. En effet, concevoir les agressions sexuelles uniquement au travers du prisme de l’agression stéréotypées citée plus haut, empêche de concevoir comme crédibles toutes les violences et toutes les victimes, par exemple dans le cas d’agressions sexuelles dans le cadre conjugal ou par des agressions ne correspondant pas au profil stéréotypé de l’auteur.

On peut ainsi se demander dans ce cas comment équilibrer le débat en apportant d’autres éléments et ainsi permettre d’aller au-delà de ces biais.

L’article du Blick révèle aussi la nationalité des auteurs des autres agressions « A Caivano, dans la province de Naples, deux petites filles âgées de 10 et 12 ans ont été abusées pendant des mois par un groupe d’adolescents italiens. A Palerme, c’est une jeune femme de 19 ans qui a été violée plusieurs heures par des Siciliens en juillet dernier. A chaque fois, les agresseurs agissent à six ou sept. Aucun d’entre eux n’a jamais plus de 20 ans.» (1). Des informations qui tendent à déconstruire le mythe de l’auteur de violence étranger et ainsi à équilibrer le débat.

Dans son article, Watson fait le choix d’interviewer un expert, Dirk Baier, directeur de l’Institut pour la délinquance et la prévention de la criminalité de l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW). Il rappelle notamment les réalités sociales et non biologiques qui sont à l’origine des violences envers les femmes: « On ne devient pas délinquant sexuel juste à cause d’un déséquilibre hormonal. Leur développement s’inscrit dans un processus de socialisation à long terme. La personnalité qui se forme dès lors ne peut pas être modifiée uniquement par un traitement médicamenteux ».

Dans cet article, l’intervention d’une personne experte ainsi que la description précise de tous les cas de viols collectifs sont autant d’analyse et de faits permettant d’équilibrer et de situer le débat.

Pourtant, d’autres informations complémentaires auraient pu également apporter d’autres perspectives au débat. On peut nommer et expliciter le victimblaming (2) qu’a subit la victime du viol collectif à Palerme, puis en comparant les réactions entre Catane et Palerme, appréhender les mécanismes de délégitimation des violences et des victimes cités plus-haut. En d’autres termes, il est intéressant de voir, sans minimiser la violence des deux agressions, que celle perpétrée par des auteurs à la nationalité étrangère suscite l’indignation, tandis que l’autre suscite de vives réactions de victimblaming sur les réseaux sociaux.

Pour terminer, il nous semble important de rappeler que la castration chimique et chirurgicale a elle-même une histoire eugéniste et raciste. Rappeler cette histoire permet d’appréhender cet acte à l’aune d’une autre perspective.

POUR ALLER PLUS LOIN

(1) L’origine/la nationalité sicilienne et italienne sont soulignées par nos soins.
(2) Le victimblaming revient à rendre responsable une victime des violences subies en jugeant notamment son comportement, son habillement, son métier et “sa réputation”.

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